March 28, 2024
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Opinion Politique

Le cas Navin Ramgoolam : l’île Maurice, une démocratie vivante

L’ex-PM, le Dr Navin Ramgoolam est partis à bord d’un avion privé ‘médicalisé’, hier mercredi, pour se faire traiter à l’All India Institute of Medical Sciences, à New Delhi, en Inde. Depuis que l’état de santé du leader du Parti travailliste (PTr), testé positif à la Covid-19, a été jugé ‘intraitable’ à Maurice, l’État mauricien a déployé tous les moyens afin de faciliter son transfert vers un hôpital étranger. Ce n’est pas la première fois qu’une telle démarche a lieu : il y a des années de cela, le gouvernement travailliste, dirigé par le même Navin Ramgoolam, avait lui-aussi mis en branle tous les moyens publics pour faciliter le transfert en Afrique du Sud d’un directeur de société et ancien ministre..

Adversaire politique

L’adversaire politique du Premier ministre, Pravind Jugnauth, le Dr Navin Ramgoolam se trouve dans un état de santé qui nécessite des soins à l’étranger. Les moyens mobilisés par ses amis politiques lui permettent, certes, d’accomplir ce voyage, mais sans l’intervention de l’État mauricien, l’ex-PM n’aurait sans doute pas pu obtenir un moyen rapide pour se rendre en Inde. C’est là que l’on se rend compte que la démocratie et le respect des adversaires en politique sont des notions vivantes à Maurice. Dans d’autres pays, en Afrique, Asie ou en Amérique centrale, voire en Europe de l’Est, ces notions-là ne se vivent pas, elles restent abstraites et souvent niées. À Maurice, elles ne datent pas d’hier. Mais, quand bien même cela, elles auraient pu disparaitre sous le règne d’un parti unique ou d’un régime totalitaire. Elles se sont transmises par l’ensemble de la classe politique, elle-même produite d’une culture politique héritée avant et après l’Indépendance et aussi consciente que les Mauriciens seraient les premiers à s’insurger contre toute entorse à la démocratie, au libre-arbitre et au respect de la tolérance.

Inconscient collectif

Aujourd’hui, ces concepts sont profondément ancrés dans l’inconscient collectif et seule une infime minorité de Mauriciens, s’exprimant sur les réseaux sociaux, se laissent aller à des réflexions d’intolérances et indignes de notre démocratie. Le milieu ambiant lui-même est imprégné de valeurs humanistes, fraternelles et de solidarité. C’est la raison pour laquelle les Mauriciens désapprouvent tout acte vengeur en politique, où il n’y a guère d’ennemis mais d’adversaires. Même si d’ici quelques mois – si les rumeurs d’élections municipales se confirment -, le MSM-ML et le PTrr de Navin Ramgoolam pourraient croiser le fer. Il serait alors intéressant d’analyser les discours et les comportements des uns et des autres. Car, à ce jour, les rouges ne font pas toujours partie de la plateforme de l’opposition. Il se sera tout aussi intéressant de vérifier l’impact qu’aura eu la maladie de Navin Ramgoolam sur son engagement politique. Sera-t-il comme avant ? Rien ne l’indique dans l’immédiat… Les Mauriciens ont toujours en tête la vague de sympathie que la maladie de Paul Bérenger avait provoquée.

Élections municipales

Comment la classe politique, dans toutes ses nuances, réagira face à la maladie du leader des rouges ? Dans le camp de l’opposition, où tout le monde réclame son retrait à la tête du PTR, est-ce qu’il y aura une seule voix qui se fera entendre ? D’ores et déjà, l’opposition veut se donner toutes les chances face au gouvernement en cas d’élections municipales, mais on sait que le PTR – Navin Ramgoolam et ses lieutenants l’ont répété à maintes reprises -, ne souhaite pas d’une alliance conjoncturelle. Ce qui arrive à Navin Ramgoolam complique les stratégies de l’opposition, mais aussi d’Arvin Boolell, qui a le soutien de l’ensemble de l’opposition. À l’exception de Roshi Bhadain, qui voit en le député de Belle-Rose/Quatre Bornes, un de ces ‘dinosaures’ qu’il n’a cessé de dénoncer. En politique, on sait que tout peut être exploité. Il est évident que Navin Ramgoolam, dans l’état où il se trouve, n’a pas cette ambition, mais il n’est exclu que cette situation soit instrumentalisée.

L’opposition doit aussi désormais avec le parti créé par Bruno Laurette et celui de Dev Sunassy, tout convaincus que l’opposition actuelle souffre d’un déficit d’arguments et est incapable de se présenter comme alternative au MSM/ML. À qui ces deux petits groupuscules voleront-ils des voix ? Bruno Laurette surfe lui sur le dossier Wakashio et entend piocher dans le bassin des mécontents du MMM et PMSD, deux partis qui affirme-t-il, sont toujours incapables de remettre en cause notre modèle économique de développement. Quant à Dev Sunassy, initiateur du mouvement 100 % citoyen, il se présente comme un démocrate soucieux de restituer la parole aux citoyens. Que ce soit lui ou Bruno Laurette, les deux pêches par manque de réalisme et sont à contrecourant de l’histoire. Alors que la pandémie de Covid-19 a redoublé d’intensité et pose un véritable défi à la reprise, leurs propos restent ancrés dans le discours et dans les clichés.

Ces types de mouvements ne sont pas nouveaux, ils sont le reflet d’un dangereux sentiment populiste et antiparlementaire. Même s’il ne convient pas de les prendre au sérieux, il faut veiller qu’ils ne détournent pas la population des véritables enjeux de l’heure.