April 20, 2024
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Opinion Politique

Metro Express : comment organiser la nouvelle ville ?

D’ici à quelques années, le gouvernement aura mis fin au plus gros chantier urbain de ces 30 dernières années qu’est le Métro Express, qui est davantage un tramway qu’un métro. Qu’à cela ne tienne, l’enjeu de développement autour de cet ambitieux projet est plus prometteur que la centralisation dans l’industrie sucrière ou encore la construction de nouveaux hôtels. En ce qu’elle est un moyen de transport commun planté au cœur de l’activité urbaine, cette réalisation concrète puisque visible, est porteur de grandes mutations qui vont impacter l’ensemble des populations urbaines, en attendant l’extension du tramway en milieu rural.

Les pouvoirs publics, à l’Hôtel du gouvernement ou dans les collectivités locales, ont un réel intérêt à envisager un aménagement de l’espace judicieux qui s’organiserait autour du métro. Désormais, de vrais problèmes émergent, émanant d’une entreprise de transport ou de chauffeurs de taxi. Il est clair que ces mêmes problématiques seront encore plus exacerbées lorsque le gouvernement viendra de l’avant avec l’extension du métro dans l’espace rural, au sens où il sera confronté à des expropriations encore plus coûteuses et à des réaménagements de l’espace plus compliqués à gérer, compte tenu des pressions politiques. Avec le métro au cœur de la vie urbaine, s’articule également la vie commerçante, d’autant que les gares centrales de ce moyen de transport abriteront des espaces commerciaux qui, à coup sûr, bénéficieront aux Mauriciens, mais moins aux opérateurs éloignés de ces gares.

Espaces de consommation

Que ce soit à Rose-Hill, Port-Louis et bientôt à Curepipe, ce sont de véritables espaces de consommation qui vont naître et il n’est pas exclu que des personnes abandonnent les bus traditionnels – et devenant archaïques par la même occasion –, pour ne voyager d’une place à l’autre que par le métro et ne consomment qu’à leurs gares, que ce soit en alimentation ou en vêtements. Et durant les fêtes de fin d’année, il ne serait pas étonnant que des spectacles y soient organisés. C’est à ce niveau que les pouvoirs publics doivent être vigilants afin que le métro et ses environs ne détruisent pas les activités périphériques.

Le métro redéfinira aussi le paysage urbain en modifiant la relation que ses habitants entretenaient avec le centre-ville. Les promoteurs immobiliers n’hésiteront pas à faire figurer les gares centrales métropolitaines sur leurs prospecteurs et leurs projets risquent de s’articuler sur le temps que leurs prochains clients mettront à rallier le métro. Avec ces projets, il y aura également une pression sur l’électricité, l’eau, les emplois et les services dans les environs. Un gouvernement responsable doit assurer l’harmonisation de la prestation de ces services, en prévenant les excès, notamment au niveau des offres d’emploi. Car on verrait des gens offrir de l’emploi seulement à ceux qui vivent à proximité du métro.

Petite délinquance

L’autre crainte serait de voir s’installer des espaces propices à la petite délinquance dans de nouveaux espaces publics. Dans d’autres pays, cela s’est produit et il n’est pas interdit de croire que cela pourrait se produire à Maurice. Une des responsabilités des autorités de gestion de ces espaces est de veiller à la sécurité des usagers, et c’est en cela qu’une véritable planification – qui manque toujours –, s’impose. La nouvelle forme de mobilité que le métro impose aujourd’hui pour étudier son impact sur notre vie de tous les jours. Comme il manque des espaces appropriés pour concentrer tous les services dans l’aire du métro, les citoyens vont continuer à se rendre aux mêmes marchés, supermarchés ou bureaux de services publics. Mais, la bonne nouvelle, c’est qu’il n’y a pas la pression d’une croissance démographique dans les villes, les seuls endroits à forte densité de population se trouvant dans les périphéries des villes, dont les ex-cités et logements sociaux de la NHDC. Il est réconfortant de savoir que grâce à cette excentration, la pression sur le métro s’en trouve réduite. Il faut, tout de même, se féliciter qu’il n’y ait eu de grandes accélérations du phénomène d’urbanisation à Maurice, donc sans problème de mobilité, l’île étant très petite. Ainsi, les habitants des centres-villes ne sont-ils pas forcément des gens friqués, alors que les nouveaux lotissements à la périphérie des villes ont parfois eu pour proche voisinage des blocs d’appartements sociaux. En fait, les véritables aspects de la petite délinquance sont parfois le résultat d’un changement social, social et ethnique dans une région.

Ile Maurice rurale

Le métro, lorsqu’il s’étendra à l’île Maurice rurale et s’il ne rencontre pas d’opposition majeure, offrira de réelles possibilités d’aménagement de l’espace avec une véritable vie sociale saine et durable au sein d’un environnement vert, qui permet encore d’envisager des développements intégrés. Mais pour y parvenir, il sera essentiel d’avoir une synergie privé / gouvernement / campagne, d’être attentif pour parvenir à une configuration harmonieuse. On se souviendra longtemps de l’ambition folle de créer des “villes intelligentes” dans des zones où les populations luttaient pour l’approvisionnement en eau. Cette ambition démesurée avait vite fait de rencontrer de réels obstacles sur le terrain, car elle était l’œuvre de certaines personnes qui avaient mis la charrue devant les bœufs et étaient très étrangères aux réalités de la vie rurale.

Aujourd’hui, le gouvernement de Pravind Jugnauth a la possibilité d’apporter le développement en zone rurale en tenant compte des spécificités de celle-ci, et surtout de la perspective d’une population jeune qui souhaite y vivre et travailler. La réalisation d’une telle ambition passe obligatoirement par sa mise en valeur, car il existe déjà des localités importantes comme Goodlands, Centre-deFlacq ou Mahébourg qui génèrent emplois et recettes et avec leurs réalités, il est facile d’apporter le métro à ces grands villages, où ce nouveau mode de transport servira de navire amiral pour une modernisation intégrée.