April 24, 2024
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Opinion

Nos ministères sont-ils tous performants ?

Si le secteur privé et la filière informelle sont frappés de plein fouet par la Covid-19, occasionnant des suppressions massives de postes, qu’en est-il des postes dans la fonction publique ? De quoi dépend le travail dans ce service, de même que dans les collectivités rurales ? Quels sont les ministères, à l’exception du PMO et de deux ou trois ministères qui tournent plus ou moins à un rythme intensif ? Quant au ministère de l’Agro-alimentaire, dont on a beaucoup parlé et qui est responsable de la mise sur pied d’une filière de transformation agro-alimentaire, il n’a entrepris aucune action en vue de récupérer des terres marginales à des fins de culture extensive et destinée à alimenter un éventuel processus de transformation. Pourtant, les terres sont là, de même que des équipements et l’expertise. Que manque-t-il ? La main-d’œuvre ? Cette réalité n’est pas nouvelle. Si le ministère chargé de la mise en œuvre de ce projet, né du constat que le pays avait frôlé un ‘breakdown’ alimentaire durant le confinement, avait à cœur la sécurité alimentaire, il aurait commencé par mettre sur pied un plan d’action pour identifier les contraintes de son projet. A ce jour, personne ne sait par quel bout attraper cette ambitieux projet de transformation agroalimentaire.

Acquis des fonctionnaires

Quant à la fonction publique, lorsque ses syndicats ne réclament pas le maintien des acquis des fonctionnaires, ce service fonctionne selon son horaire 9h-16h, comme si leur petit monde n’était guère concerné par la terrible pandémie qui s’apprête à décimer 1 million d’habitants. Rien ne semble devoir bousculer leurs habitudes et acquis. Et pourtant, la fonction publique est au ralenti depuis l’apparition de la pandémie car les activités professionnelles dans le pays sont à l’arrêt, à la fois les grands projets et les plus petits qui sont souvent traités par les collectivités locales. Le travail du personnel des douanes mérite lui-aussi d’être passé à la loupe, car plus grand monde ne franchit nos frontières depuis plus 8 mois déjà, ni le même volume de biens n’est importé et exporté, car partout dans le monde, les usines sont à l’arrêt. La population se demande quel est le volume du travail bureaucratique auquel les fonctionnaires sont astreints au quotidien. On peut imaginer que seuls les personnels de la Sécurité social, de la Santé, du Tourisme ou encore les policiers, et les pompiers, ceux qu’on désigne comme les ‘frontliners’, ont véritablement du pain sur la planche. Que fait ce personnel pléthorique, payé des deniers publics, alors que les activités dans le pays ont été divises par un peu plus de la moitie, avec de nombreux salariés toujours contraints de travailler à distance, alors que d’autres catégories ont vu leurs heures sup’ supprimées. Les mêmes questions valent pour les personnels des collectivités locales où, faute de gros budgets, les travaux d’infrastructures ont été mis en veilleuse : pas la moindre trace de rénovation routière, dont l’asphaltage est le plus visible, ni de remplacement de lampadaires ou de travaux d’entretien. Alors, les braves citadins et villageois peuvent-ils légitiment se demander à quoi s’occupent le personnel des différentes commissions des mairies et Conseils de Districts…

Voitures ‘hors-taxes’

Lorsqu’on sait que les hauts cadres de ces institutions sont très bien payés, bénéficient de voitures ‘hors-taxes’ et d’allocation téléphone, et partent à la retraite avec une belle pension et de voyages à l’étranger gratuits, sans oublier la pension universelle, on se dit que ces gens-là ne connaitrons jamais les problèmes de fins de mois difficile. Qu’ont-ils fait, de si haute importance pour le progrès de la population, pour être si bien lotis jusqu’à leur dernier jour ? Deux ministres dont nous tairont les noms ont été mal inspirés, dans ces moments de sacrifices et d’exemplarité, de faire l’acquisition de Berline Hors-taxe [AUDI]. Qu’est-ce qui a pu les pousser à cet empressement inutile et mal perçu?

C’est une bien drôle de situation que vit plus d’une moitié de la population dont le travail a été précarisé par les conséquences de la Covid-19. Que deviendront ces salariés qui travaillent sans filet, certains incapables même de continuer à souscrire à une assurance-santé, à économiser pour leurs vieux jours, ni à rêver d’études supérieurs pour leurs gosses ? Bien entendu, ces perspectives sont les mêmes ailleurs, où elles font planer des inquiétudes terribles sur les petits cadres, les ouvriers, commerçants, petits entrepreneurs, représentants de commerce, vendeuses, etc…

‘Caste’

Donc, on est en présence d’une ‘caste’ de citoyens qui ne craignent pas la perspective de jours sombres, car malgré tout, ils auront toujours les moyens de se payer une livre de tomates a Rs 100, alors que ceux qui n’auront que la seule pension universelle pour survivre peuvent parfois légitimement se demander s’il n’y pas là une grave injustice sociale. Car la crise que nous traversons n’est pas uniquement sanitaire, elle a des implications et conséquences sociales fortes sur les personnes comme sur les organisations qu’elles mettent à l’épreuve. Parmi les plus exposés, les personnes citées en haut mais aussi celles qui risquent de perdre leurs emplois – d’où le retour à l’argument qu’un emploi de fonctionnaire, même avec un salaire peu mirobolant assure la sécurité – , les enfants, les personnes vivant dans un contexte de violence, les personnes âgées, isolées, en situation de handicap, celle sans domicile fixe, entre autres.

Sentiment d’injustice

Ce sentiment d’injustice éprouvé par des individus qui, jusque-là, ne se sentaient pas menacés dans leur confort social, peut prendre des tournures dramatiques inattendues, comme on les a vues aux Etats-Unis durant le crash financo-bancaire des ‘subprimes’ où des cadres s’étaient suicidés, en constatant aucune issue à leur destin. On ne soupçonne pas assez l’impact des crises économiques sur cette catégorie de citoyens, plus attachés à un style de vie dépensier en raison du fort sentiment de ‘paraitre’, indispensable afin d’être inclus dans une ‘caste’, avec ses normes et ses standards qui définissent son statut. Dans un pays en développement comme Maurice, mais avec une fonction publique mise en place par les Britanniques, lui conférant de très hautes responsabilités après l’Indépendance, assorties d’un certain nombre de privilèges, les cadres de ce service public ont toujours bénéficie de filets de protection, alors que dans le privé, il fallait faire partie des grands conglomérats pour sécuriser les départs à la retraite et jouir de certains privilèges presque semblables avec ceux en vigueur dans la fonction publique.

Rigueur budgétaire

Est-ce que la Covid-19 est-elle en train d’appauvrir des pays en développement comme l’ile Maurice ? « La Covid-19 représente une crise dévastatrice et sans précèdent qui nous touche tous, partout. Aucune région nu aucun pays ne sont épargnés. C’est un moment décisif dans l’histoire de l’humanité », avait souligné Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU dans un récent appel à l’allègement de la dette des pays pauvres. Mais cet appel risque de passer à côté de ses objectifs s’il est entendu par le groupe des pays les plus riches au monde (le G7), car les pays concernés doivent d’abord et eux-mêmes consentir a des efforts de rigueur budgétaire. S’il est essentiel de maintenir les acquis de l’État-Providence, en ce qu’il soutient les pauvres en termes de santé, d’éducation et de prestation sociales, nécessaires à la préservation du tissu économico-social, l’État doit, en revanche, abolir les dépenses inutiles et les privilèges, là ils sont flagrants et font apparaitre des disparités de styles de vie.

PIMA RUZ