March 29, 2024
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Opinion

Récession : quelle est la nouvelle donne ?

Mardi 15 septembre, le ministre des Finances annonce officiellement que l’ile Maurice est entrée en récession. Ce qui signifie, en d’autres mots, que le pays était déjà dans une situation de régression de la croissance économique. Rien de très nouveau, car depuis ces derniers mois, le gouvernement mettait déjà la population au courant de facteurs pouvant conduire à une crise aigüe de l’économie. Ce constat établi, il restait à prendre des mesures de mitigation, afin d’enrayer les perspectives d’une situation de paralysie totale de l’économie, avec des conséquences dramatiques sur le social. Au niveau international, la contraction de l’économie pourrait être pire que la crise de 2008. La récession est symptomatique de la crise économique. Selon la définition commune, un pays entre cette période critique lorsque son Produit Intérieur Brut (PIB), baisse durant au moins deux trimestres successifs. Faut-il s’en alarmer à Maurice ?

Mondialisation de l’économie

Depuis le confinement, et sa fin, couplé à une propagation mondiale du nouveau coronavirus, qui ne cesse de gagner du terrain, le mot ‘récession’ était sur toutes les lèvres. Car on a assisté à l’arrêt brutal de la production alors que les exportations étaient stoppées net, le chômage était en augmentation, le pouvoir d’achat des ménages s’érodait dangereusement et les investissements locaux et étrangers avaient cessé. Compte tenu de la mondialisation de l’économie et de l’interdépendance de plusieurs secteurs économiques à l’échelle d’un pays, l’entrée de Maurice en période de récession économique était prévisible. Mais le pire a été évité à Maurice, car la bonne gestion de la Covid-19 a permis de relancer de nombreux secteurs d’activité, re mobilisant une bonne partie des forces du travail. D’une part, la machine productive a pu être relancée et, d’autre part, une bonne partie de la population active a de nouveau touché à son salaire. Ce qui a, dans une bonne mesure, relancé la consommation. Mais cette reprise lente et prudente s’organise dans un contexte mondial davantage fragilisé par la pandémie. Alors qu’au même moment, l’ile Maurice fait face à la perspective de réouverture de ses frontières afin de relancer sa filière touristique, ses hôtels et employés, ses activités de sous-traitance, la restauration et les commerces qui y dépendent.

Esprits bornés et partisans

Rien n’est simple, seuls les esprits bornés et partisans sont tentés de proposer des solutions faisant fi de bon sens. A ce jour, le gouvernement examine encore d’autres mesures appropriées afin de soutenir les entreprises, maintenir les salaires et les emplois. Cette démarche purement économique coute cher à l’État, dans un pays qui ne possède aucune richesse naturelle, mais qui est contraint, à chaque budget d’assurer des prestations sociales à hauteur de milliards. Soutenir ces contraintes revient à un jeu d’équilibriste, tant les prestations servent à pallier les écarts de revenus dans une société de plus en plus sophistiquée.

Encore une fois, il convient d’insister sur le facteur déterminant que représentent les orientations économiques. Relancer l’économie avec les seules entreprises existantes ne suffira pas pour réussir ce projet ambitieux, il faudra se réinventer, mais avec l’appui des entreprises innovantes et des personnes créatives. Or force est de constater que notre système éducatif ne promeut pas l’esprit créatif chez nos jeunes, préférant instiller une concurrence malsaine et contre-productive dans nos salles de classes. Il faudra aussi remettre sur le tapis le rôle de nos institutions pour inciter leurs personnels à une véritable réactivité envers les citoyens et réduire la bureaucratie qui y règne en maitre. La productivité et la rigueur, le sens du devoir et la transparence ne peuvent pas être exigés que du seul secteur privé. Ce dernier ne peut être le seul acteur de la reprise, où les heures ne sont plus comptées alors que les salaires ont été revus à la baisse dans certains services et des postes tout simplement supprimés. La population, qui paie de ses poches les salaires des fonctionnaires, attend que ces derniers contribuent à la reprise, dans le même élan que les salariés du secteur privé, alors qu’ici, les salaires ne sont pas aussi élevés que dans la fonction publique. De nombreux pays commencent à réfléchir à la prochaine phase du redressement ainsi qu’au rôle d’une action publique forte pour stimuler la demande, assurer des revenus de remplacement et promouvoir de nouveaux investissements.

Redresser la barre

Si on sait déjà que la situation économique, très complexe en temps normal, est devenue encore plus difficile avec la Covid-19, on doit admettre aussi qu’il faudra un effort national de tous les instants pour redresser la barre. Le confinement total à Maurice n’a pas été sans conséquence sur l’économie nationale en général et sur l’état des finances publiques en particulier. Ses conséquences ont transformé la crise économique en pandémie économique, entrainant la paralysie de nombreuses activités, à l’exception de celle liée à la sécurité alimentaire et sanitaire, qui ont survécu à la crise. Grâce à la mobilisation de toutes les ressources de Maurice, le gouvernement peut rester debout face au vent, en sachant que la première manche a été gagnée, en attendant l’accueil des premiers touristes.

L’affaire Wakashio vient de mettre en lumière le défi écologique et sa nécessaire intégration dans tout programme de relance. Il ne sera plus possible de faire du ‘business as business’, car la question environnementale a été trop longtemps négligée tant dans les priorités de recherches que dans les politiques publiques, où santé humaine et santé des écosystèmes sont étroitement liées. Le gouvernement et le secteur prive doivent se concerter sur des questions aussi prioritaires que la gestion des déchets, tant industriels qu’individuelle. Une des conséquences majeures de la Covid-19 a été la réduction des dépenses des ménages, résultant en moins d’achat de produits, dont de nombreux articles polluants. Cette situation nouvelle se présente comme une pièce de monnaie avec deux faces contraires : d’une part, la réduction des dépenses des ménages mettra en difficultés les activités de certaines entreprises productrices de biens jugés superflus et, d’autre part, moins dépenses en articles de consommation courante, dont alimentaire, aura un impact sur l’environnement.

La reprise de l’ensemble de ces réalités, dont la nécessité de prendre en compte l’enjeu environnemental, doit être examinée dans une perspective globale, car, à ce tournant dans l’histoire de l’humanité, l’économie sera encore plus interreliée, si bien que les exigences des pays dominants – ceux qui auront adopté des mesures adaptées à la nouvelle donne – s’en retrouveront décuplées à l’égard des pays du Sud.

CASSAM DHUNNY