March 28, 2024
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Opinion

Ameenah Gurib-Fakim devait partir…

Lettre anonyme ou pas, l’ancienne présidente de la république, Ameenah Gurib-Fakim devait quitter le Réduit. Car dès que sa « proximité » avec l’homme d’affaire Alvaro Sobrinho fut mis au jour, elle tombait sous le coup d’une accusation de « public official accepting gratification », eu égard à la carte de crédit couleur platine avec laquelle elle avait fait maints achats.

L’ancienne chargée de cours de l’université de Maurice connaissait les limites à ne pas franchir en matière de protection des fonctionnaires. Et, aussitôt nommée présidente de la république, elle aurait dû savoir que son rôle n’était pas d’être la « facilitatrice » des hommes d’affaires à Maurice. Même s’il est vrai que son intention était de rendre service à son pays. Et c’est peut-être aussi en voulant aller plus loin que le cadre dans lequel elle devait se fondre, l’ancienne présidente, qui disait ne pas vouloir être « vase à fleur », est finalement tombée dans le champ politique. Là où elle s’est d’ailleurs brûlée les ailes.

Bien entendu, elle est persuadée d’avoir été victime d’une « machination ».Mais même si Ken Arian, soupçonné d’avoir été l’auteur de la lettre « anonyme » qui l’a fait tomber, avait vraiment écrit cette missive, Ameenah Gurib-Fakim n’avait plus vraiment de défense pour elle. Car, l’utilisation à outrance de la carte de crédit, un cadeau de l’ONG Planet Earth, suffisait à démontrer qu’elle avait franchi la ligne rouge. D’ailleurs, elle peut s’estimer heureuse de s’en être sortie à bon compte. Car, comme souligné, l’acceptation et l’utilisation de cette carte tombait sous le coup d’un délit, et pouvait être considérée comme une « arrestable offence » par l’ICAC. Pour moins que ça, d’autres ont été interpellés et placés sous tutelle de la police ! Ameenah Gurib- Fakim soutient que Sir Anerood Jugnauth était au courant qu’elle utilisait cette carte.Cette explication ne justifie en rien qu’elle ait pu accepter cette carte,car les lois mauriciennes,et applicables pour tous !,sont claires :Aucun fonctionnaire,la présidence étant aussi considérée comme un service public,ne peut accepter de cadeau.L’ICAC peut d’ailleurs venir de l’avant pour expliciter encore plus où et quand le délit commence.Soit dès le moment où le fonctionnaire accepte un cadeau,qui ne tombe pas dans ses critères d’emploi.

On pourrait également ergoter à satiété sur la légitimité de cette fameuse lettre dont parlait Pravind Jugnauth, mais le fait est que l’ancienne présidente s’était elle-même mise dans l’embarras en acceptant cette carte du dénommé Sobrinho. Elle sait très bien d’ailleurs que les présidents et Premiers ministres, de tous pays s’entend, ne sont pas censés accepter des « cadeaux » d’autrui. Valéry Giscard d’Estaing en sait quelque chose.Et les diamants que lui auraient offerts Jean Bedel Bokassa ont d’ailleurs empoisonné tout son cheminement politique.

Pour dire qu’Ameenah Gurib-Fakim savait qu’il y avait des précédents, et qu’elle se devait de faire attention de ne pas trop fréquenter ceux qui voulaient utiliser la présidence comme tête de pont pour mieux entrer dans le giron des affaires à Maurice. D’ailleurs, sa grande erreur aura été de mêler son passé d’universitaire à sa fonction présidentielle. Il y avait une ligne de démarcation à ne pas franchir. Preuve s’il en est, aussi, que l’on ne peut n’importe qui pour accéder à un tel poste. Il y a un décorum à respecter, et si l’on ne cessera jamais de rappeler que Cassam Uteem a su faire honneur à cette fonction, ceux qui lui ont succédé n’avaient pas toujours saisi les nuances du titulaire de la State House.

On se souviendra des polémiques qui s’ensuivirent quand Sir Anerood Jugnauth fut mêlé à la chose politique, quand la presse révéla qu’il y avait des « pourparlers » entre lui et Navin Ramgoolam, pour une reconduction de son mandat. Or, la présidence, comme celle du Parlement, doit être au-dessus de tout soupçon. Un président se doit d’être neutre et impartial dans ses actions et ses paroles. Et surtout se garder d’être l’objet de querelle politique ou autre. Malheureusement, le mandat d’Ameenah GuribFakim ne fut pas de tout repos. Et alors qu’on s’attendait à ce qu’une femme fasse mieux qu’un homme au Réduit, elle donna tort à tous ceux qui avaient applaudi sa nomination.

Sherry Singh peut donc parler de « tsunami » ou de « cyclone classe 4 »,mais le fait est que cette lettre « anonyme »,écrite ou pas par Ken Arian, ancien conseiller au bureau du Premier ministre, ne peut escamoter le fait que l’ancienne présidente avait d’elle-même planté une épine dans sa carrière présidentielle.

En fait, en voulant à tout prix chercher des « failles » chez le gouvernement, afin de faire partir Pravind Jugnauth, l’opposition oublie, encore une fois, que l’essentiel de son combat aurait dû se résumer à ceci :Si Pravind Jugnauth et son gouvernement fait autant mal au pays et à la population, que proposons-nous de mieux ? Valeur du jour, si le Premier ministre rappelait effectivement le pays aux urnes, tant pour les municipales que pour les élections générales, l’opposition, tant parlementaire qu’extra-parlementaire, perdrait à coup sûr. Car n’ayant pas un programme alternatif, qui ferait voir qu’elle peut faire mieux que le gouvernement.

De ce fait, il est vraiment très difficile d’abonder dans le sens de l’opposition, quand elle veut faire croire qu’une simple lettre peut faire tomber un gouvernement. D’ailleurs,comme l’a rappelé Narain Jasodanand dans L’Express, si Paul Bérenger n’a rien trouvé de « grave » à l’affaire de « sniffing » à Baie de Jacotet, pensez-vous qu’une lettre « anonyme » réhabiliterait Ameenah Gurib-Fakim aux yeux de l’opinion publique ? « Keep dreaming »,aurait dit Michael Jackson à l’opposition, quand il chantait « The girl is mine ».Mais dans le cas d’Ameenah Gurib-Fakim,il ne s’agissait pas d’un conte de fée.Mais bien d’un compte dont la source était platinée.Cela reste une faute de sa part,lettre « anonyme » ou pas !

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