March 28, 2024
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Opinion

Brebis galeuses trop tolérées…

La video montrant des éléments de la police antidrogue « plantant » de la drogue chez l’éleveur de porcs Wayne Indiano Attock suscite interrogations. Et il est dommage que les Casernes Centrales n’aient pas immédiatement réagi après la conférence de presse de l’avocat de la famille Attock. Ce dernier a d’ailleurs déposé une copie de la vidéo au Commissaire de police, ce mercredi.

Mais il y a des questions qui surgissent dans ce genre d’affaire, à savoir les descentes des brigades antidrogue chez des Mauriciens. Nous les posons ici, en espérant que les parlementaires prendront le relais pour interroger qui de droit sur certaines méthodes utilisées par la police.

Supposons que la police a des renseignements à l’effet que le dénommé Wayne Attock s’adonnerait au trafic de drogue. Avant de débarquer chez le suspect, la police antidrogue vérifie-t-il si ce renseignement est vrai ? C’est-à-dire est-ce qu’un travail de terrain est effectué au préalable avant tout landing ? Lors de la conférence de presse des proches d’Attock, il est dit qu’il a un casier judiciaire vierge. Donc, il est permis de penser que si une personne n’a jamais enfreint la loi, la police doit prendre des précautions avant de débarquer chez lui, n’est-ce pas ?

On est d’accord que des personnes n’ayant jamais eu de démêlés avec la police font du trafic de drogue. Ce qui les rend d’ailleurs « invisibles ».Et il faut saluer l’excellent travail des éléments de l’ADSU ou autre, qui arrivent à débusquer ce genre de poisson. Mais, tous les Mauriciens ne sont pas malhonnêtes. Sinon, il aurait fallu faire 1.2 millions de descentes dans l’île ! La question est donc que fait l’ADSU pour ne pas se tromper de cible, et briser la vie d’innocentes personnes ? Si ce renseignement est donné par téléphone, l’ADSU prend-t-il cet appel pour argent comptant ? Demain, une voix anonyme appelle au quartier-général de l’ADSU et dit que X fait du trafic de drogue. Est-ce que cet appel est pris à la lettre ? Ou l’ADSU demande-t-il des renseignements précis quant à l’identité de l’appelant ? Est-ce qu’un travail de filature est fait sur Attock par exemple ? Pour voir qui il fréquente, etc ?

Quand il y a descente de police, estce qu’un mandat de la Cour est nécessaire ? Ce document est-il montré au suspect quand la police débarque chez lui, ou bien la police utilise-t-elle la force pour entrer chez quelqu’un ? Dans le cas d’Attock, sa sœur explique que « la police est venue chez nous et voulait ouvrir une porte, fermée par un cadenas. Quand j’ai dit que je n’avais pas la clé, ils ont dit « nou kapav eklat lakle ar fizi ».Par ailleurs, sur les images de l’arrestation d’Attock, on voit que la famille n’oppose aucune résistance. Pourquoi donc la présence d’éléments de police lourdement armés et cagoulés ?

Il y a eu des cas où des éléments de l’ADSU ont effectivement eu maille avec des gens qui les ont empêchés de faire leur travail. Cela, dans des quartiers chauds. Mais dans le cas d’une personne sans histoire, qui n’oppose aucune résistance, pourquoi ce déploiement outrancier de la force ? S’il y a des enfants chez cette personne, la police se rend-t-elle compte du traumatisme causé à cet enfant ? Et s’il y a des personnes malades, handicapées sur les lieux, sont-elles aussi embarquées et considérées comme suspects ?

Nous avons aussi remarqué que la police est juge et partie lors des descentes. Ainsi, chez Attock, tous ses véhicules et ainsi que de l’argent et des bijoux ont été saisis. Les véhicules ont été acheminés au quartier-général de l’ICAC, et les bijoux et l’argent aux Casernes Centrales. Mais comment l’ADSU peut-il d’emblée décréter que tous ces items sont liés au trafic de drogue ? Ne faut-il pas qu’il y ait un travail de fourmi, une vraie enquête s’entend, avant de décider qu’une flotte de voitures, de l’argent et des bijoux découlent du trafic de drogue ? Chez les hindous par exemple, on sait que les batanas sont gardés chez soi. Si une descente est faite, la police a-t-elle le droit de dire que ces batanas (des bijoux), souvent un don qui se transmet de famille en famille, ou un dot de mariage, proviendrait du trafic de drogue ?

En laissant l’ADSU(ou toute autre unité) devenir juge et partie, les Casernes Centrales n’ont-ils pas ouvert la porte aux excès et aux dérives ? N’est-ce pas à la Cour de décider si le suspect s’adonnerait au trafic de drogue et que ces items y sont liés ? Disons qu’Attock est innocenté après (il y a eu des cas où l’ADSU s’est « trompée » de maison, lors de descentes), ses items lui sontils retournés de facto, avec une lettre d’excuse ? Et dans les cas où des maisons sont fouillées et des biens détruits, et que l’ADSU s’aperçoit après que cette personne est innocente, qui le dédommage et comment ?

Que fait le judiciaire, Juge ou Magistrat, quand de tels cas arrivent devant eux ? Se fient-ils uniquement aux rapports de police ? Ou écoutent-ils attentivement ce qu’ont à dire les « suspects » ? Le trafic de drogue a pris une ampleur telle qu’on peut comprendre que les Casernes Centrales aient, pour ainsi dire, laissé le champ libre à l’unité antidrogue. Mais il fallait établir des paramètres. Car, si les trafiquants opèrent en toute illégalité, rien ne dit que la police doit elle aussi contourner les lois.

J’ai connu personnellement une personne, un musicien, qui n’a dû son salut au seul fait que les membres de l’ADSU ont eu pitié de lui, et n’ont pas planté de la drogue chez lui, pour ensuite l’arrêter. En fait, c’était son propre voisin qui avait voulu se débarrasser de lui, en faisant croire qu’il s’adonnait au trafic de drogue. Heureusement pour lui, quand les éléments de l’ADSU ont débarqué, et voyant que le « suspect » n’était en aucun cas trempé dans quelque activité illicite, ils ont eu la franchise de lui dire que « on a reçu l’ordre de venir fouiller chez vous. Et ensuite de planter « ça » (lui montrant une petite boule noire) chez vous. »

Le musicien m’a raconté cette histoire, en pleurant à chaudes larmes. Imaginez que ces membres de l’ADSU aient vraiment planté cette drogue chez lui. Il aurait été arrêté, emprisonné et une vie et une carrière brisée. Combien d’innocents ont été ainsi piégés ? Deux jeunes, intervenant sur une radio privée, n’avaient-ils pas donné forces détails sur ces « méthodes », ayant eux-mêmes été piégés ? Raquel Jolicoeur ne dit-il pas lui aussi la même chose ? Pourquoi son CCTV fut détruit lors de la descente chez lui ? Pour que personne ne voie ce qui se fait lors de ce genre de landing ?

Il n’y a pas que des ripoux au sein de la force policière. Il y a d’honnêtes hommes et femmes qui font admirablement bien leur travail. Mais il y a des brebis galeuses qui continuent encore de ternir l’uniforme. Et malheureusement, si quelques-uns sont pris dans les filets de leurs collègues intègres, d’autres continuent de faire la pluie et le beau temps. Dans le cas Attock, sontce seulement ces deux éléments, l’un avançant le sofa, et l’autre « plantant » la drogue, qui ont dérivé, ou toute la brigade ? Savaient-ils ce que faisaient leurs collègues ? Si oui, ne doivent-ils pas être déchargés de l’enquête ? Si non, ne doivent-ils pas venir de l’avant pour dénoncer ces deux policiers ?

Un collègue-journaliste a posé une judicieuse question : Pourquoi lors des landings, il n’y a pas de chiens-renifleurs, les seuls habilités à détecter de la drogue, avant le FSL ? Comment se faitil que des policiers puissent d’emblée déterminer que ce qu’ils trouvent lors des landings sont de la drogue, avant même analyse appropriée par le FSL ? N’est-ce pas là encore être juge et partie ? Car, dès que de la « drogue » est trouvée chez quelqu’un, il est immédiatement enfermé. Sur la seule parole de policiers, et alors qu’aucune analyse scientifique n’aura encore prouvé qu’il y avait de la drogue chez lui ! Et dans la plupart des cas, ces personnes croupissent en cellule, et ensuite en remand, pendant plusieurs jours, semaines et mois. Et c’est toujours un miracle s’ils obtiennent une caution pour recouvrer la liberté, si un magistrat ou un Juge fait preuve de discernement dans son cas.

Nous le répétons, il faut effectivement « casser les reins » aux trafiquants de drogue. Mais cela ne signifie aucunement qu’il faille envoyer des innocents en prison. Ou que des brebis galeuses en profitent pour régler leurs comptes avec X ou Y, en plantant de la drogue chez lui. C’est pour cela qu’une police des polices est plus que jamais de mise. Une unité qui prendrait le relais, après chaque grosse enquête (pas pour de simples petits vols à la tire),et voir s’il n’y a pas eu maldonne dans la façon de faire de leurs collègues. Et ainsi,à l’instar des agents du Federal Investigative Bureau(FBI) et de la Central Intelligence Agency(CIA) avoir pouvoir pour arrêter tout policier qui aurait mal agi.

C’est parce qu’il n’y a pas ce « countercheck » qu’il y a certains dérives et excès. Par ailleurs, si tout policier qui faillit savait qu’il serait viré sur le champ, il réfléchirait à deux fois avant de passer hors-la-loi. Anil Kumar Dip avait promis qu’il serait sans pitié contre les brebis galeuses. Il avait commencé à le faire, mais après l’action d’assainissement de la force policière a été stoppée. Exemple, ce policier qui a brûlé sa compagne, dans une voiture à Saint-Julien, fait-il toujours partie de la force ? S’il est vrai que tout suspect est innocent « until proven guilty », la vidéo qu’il a postée sur Facebook n’est-elle pas suffisante pour le retourner au civil ? Ou bien continuera-t-il à toucher son salaire, le temps du procès qui s’annonce ? Ou est-il écrit qu’un policier peut tuer sa compagne, soit faire justice lui-même ? Un policier est censé respecter et faire respecter la loi. Qui peut estimer que cet homme mérite toujours d’être qualifié de policier ? Qui prendra les dispositions inhérentes à ce cas ? C’est-à-dire montrer qu’aucune brebis galeuse ne sera tolérée ?

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