April 26, 2024
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Opinion Politique

Budget 2021-2022 : le tournant économique

Ce vendredi, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, entrera dans l’histoire pour ce qu’il proposera, ou pas, afin de donner espoir que l’île Maurice est bien partie pour tenir tête à la Covid-19. L’année dernière, pour le même exercice, le Grand argentier avait réussi un tour de magie exceptionnel en présentant un Budget de résilience axé sur la poursuite du soutien de l’État aux salaires et la consolidation des secteurs existants. Cet exercice avait eu pour effet de redonner confiance à la population et au patronat. Mais l’annonce d’un soutien accru pour le lancement d’un secteur agroalimentaire ne s’est jamais concrétisée, alors que la mise sur pied de la filière économie bleue risque encore d’être repoussée, compte tenu des investissements qu’un tel projet nécessite et le temps qu’il prendra avant qu’il ne donne des résultats. À ce titre, le ministre des Finances pourra-t-il sortir un lapin de son haut-de-forme si l’on tient compte du fait que sa marge est très fortement réduite ?

Le mercredi 9 juin 2021, il en a donné une petite idée en faisant valoir que les caisses publiques ayant été très allégées, l’objectif est de maintenir l’économie à flot. C’est un constat de nature à provoquer une véritable inquiétude. Reste à savoir comment le ministre des Finances va s’y prendre pour calmer les ardeurs des différents corps professionnels qui font pression pour obtenir un petit plus en soutien.

Redoubler de prouesses

Jamais dans l’histoire contemporaine du monde, on aura assisté à une telle situation, acculant le gouvernement à redoubler de prouesses afin de maintenir le tissu socio-économique du pays. Il faut, ici, faire ressortir que l’île Maurice est le seul pays d’Afrique à puiser dans ses fonds souverains afin de payer les salaires de tout le monde. Personne n’a été abandonné en bordure de route, même ceux qui n’ont jamais été des employés. Avec pour résultat que la consommation des ménages a été maintenue et a même connu une croissance. Mais le plus dur est à venir avec les augmentations à prévoir dans les prochains mois ainsi que la crainte d’un deuxième impact économique de la Covid-19.

Pourtant, à y regarder de près, il y a aussi des raisons d’espérer au vu de la situation pandémique à l’échelle mondiale, qui tend à s’améliorer graduellement. Mais, encore faut-il pouvoir tenir plusieurs mois avant que les retombées économiques de la reprise à l’étranger atteignent nos côtes. C’est en cela qu’il faut que le Budget du vendredi 11 juin redonne le même espoir qu’il avait su inspirer en 2020, au moment où les Mauriciens étaient plongés dans le doute, où la perspective de mettre au point un vaccin était encore éloignée…

Campagne vaccinale

Ces derniers mois, le gouvernement a lancé sa campagne de vaccination à travers l’île, en mettant l’accent sur les populations prioritaires. Et même si des récalcitrants donnent de la voix, la grande majorité de la population est fermement partisane de la vaccination et à l’interdiction d’accès à des personnes non-vaccinées aux écoles et centres de santé, entre autres. Le public s’oppose même avec véhémence à toute mesure de laxisme contre ces personnes. Il ne sera guère étonnant que des actes ‘antisociaux’ soient montrés sur les réseaux sociaux pour dénoncer, photos à l’appui, les personnes prises en flag’ de violation des mesures sanitaires. Si les autorités permettent les anti-vaccins à l’entrée des institutions publiques, on s’attendra à ce qu’il y ait des foules à leur encontre. Il suffit d’examiner les médias sociaux pour voir que les mesures barrières ne sont pas respectées et le masque pas porté. Lorsque la relance sera bien en route, soutenue par une campagne vaccinale intense, les Mauriciens n’accepteront pas de telles violations, car c’est de leur avenir dont il s’agira.

Éviter la casse économico-sociale

Le gouvernement de Pravind Jugnauth est pleinement conscient de l’enjeu de l’heure, où tout doit être mis en œuvre afin, d’une part, d’éviter la casse économico-sociale et, d’autre part, faire face à l’urgence de relancer les activités du pays. C’est un exercice d’équilibriste auquel son ministre des Finances a été confronté l’an dernier et qu’il devra répéter vendredi. Mais les deux hommes sont connus pour leur sensibilité au social, contrepartie essentielle de l’économie, facteur décisif dans leur gestion de la puissance publique. Les observateurs politiques, le patronat et la classe syndicale s’accordent à reconnaître la nécessité d’équilibrer ces deux contraintes, mais sans trop savoir comment y arriver avec des caisses publiques qui commencent à se vider et des recettes qui ont drastiquement diminué. Des propositions aussi crédibles que farfelues sont évoquées : imposer les plus riches en particulier, ou introduire la sélection au niveau de la retraite universelle. À l’heure actuelle, ni l’une ni l’autre n’est prise en considération par le gouvernement, compte tenu du tollé social que ces mesures sont susceptibles d’engendrer.

CASSAM DHUNNY