April 19, 2024
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Opinion

Le bestiaire mauricien

Des habitants de Surinam aux abois. C’est le cas de le dire, avec l’arrestation d’un habitant du village qui faisait passer de la viande de chien pour du bouc. Le « boucher » a été arrêté, et il s’avère qu’il n’est pas inconnu des services de police. Ayant déjà tué son beau-frère, et étant aussi toxicomane et voleur. Un palmarès qui mérite à lui seul débat sur la réinsertion des anciens détenus dans notre île.

Toujours est-il que c’est sa sœur qui a, tel Sherlock Holmes, joué à l’aboyeur en le dénonçant à la police. Sa technique ? Elle a utilisé son « flair », et a « senti » la viande que vendait le frérot. Et la dite marchandise ne sentant pas le bouc, elle en a conclu que le frérot prenait les Surinamiens pour des ânes !

De fait, tout bon Mauricien sait que la viande de bouc dégage une forte odeur. D’où l’utilisation de cannelle dans sa cuissson pour tempérer ce parfum. Très appréciée, la viande de bouc se vend cher. A la Réunion par exemple, le massale cabri est incontournable. Tandis que chez nous, il est consommé chez les familles tamoules en particulier, mais a trouvé son chemin vers d’autres estomacs aussi. Chaque 2 janvier, il est cuit. Bref, c’est un menu typiquement mauricien. Le « kari disan », concocté à partir du foie, du poumon et autres intestins de l’animal est un must !

C’est à Port-Louis que le « boucher » a été appréhendé. Et quand les flics l’ont encerclé, il sut qu’il était fait comme un rat ! On se souviendra que dans les années 80, un supermarché de Port-Louis avait vendu de la viande de chien. Situé au Ward IV, à côté de l’église de l’Immaculée Conception, le commerce fut mis sous scellés par la police, après découverte de ce stratagème. C’est un habitant de l’endroit qui alerta les poulets.

La peau de bouc/cabri sied bien à la confection des ravannes.On connaît ce couplet d’un hit de Carino : Mo lapo kabri Ayo mo lapo kabri an danze

Si les invités au mariage de Surinam ne se sont pas sentis mal, c’est que la viande de chien est effectivement consommable. C’est d’ailleurs le cas dans les pays asiatiques, où le meilleur ami de l’homme finit toujours sur les tables. Notamment en Chine, au Vietnam, en Thailande, entre autres. Des Mauriciens en consomment aussi, mais n’ébruitent pas leur passion. Du fait que cela serait mal vu ici.

C’est d’ailleurs là l’ironie. En Occident, le chien a hérité du qualificatif de « meilleur ami de l’homme », tandis que le bouc traîne encore une réputation sulfureuse. Son image reste associée à Satan, au travers du Baphomet, au corps de bouc. Il prête aussi son corps au dieu Pan. Et qui ne connaît pas le bouc émissaire, souvent sacrifié ?

A Maurice, traiter quelqu’un de « move lisien » est courant. Et comme l’insulte donne aussi des puces, on peut aussi entendre qu’une telle « fer piti kouma lapin ».En prison, des détenus apprennent souvent un métier. Beaucoup deviennent boulangers, pâtissiers, ou éleveurs, entre autres. Vishnu Armon aurait-il appris la technique d’abattage des chiens au sein de l’univers carcéral ? N’oublions pas qu’il a purgé une peine de dix ans pour meurtre. On lui reproche maintenant le délit de « killing animals ». Sous l’Animal Welfare Act, il risque une amende n’excédant pas Rs 15000, ou une peine d’emprisonnement de six mois au maximum. Six mois serait du pipi de chat pour Vishnu, qui a connu séjour plus long en taule. A moins donc d’un remède de cheval à son encontre, il est clair qu’il peut récidiver à sa sortie. Mais comme dirait l’autre, ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Si Vishnu est bien pris en main, son talent de boucher peut le sortir de l’ornière. Il lui suffirait juste de ne plus être « chelou ». Et d’avoir une chance de chien, pour se remettre sur le bon versant de la vie !

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