March 28, 2024
Hennessy Court 3rd floor Sir John Pope Hennessy street Port-Louis
Opinion

Le passé ne doit pas être détruit !

Ceux qui sont déjà allés au Canada et en Ecosse peuvent en témoigner. Dans ces deux pays,- malgré l’inévitable présence des buildings, les pierres du passé tiennent encore debout à Montréal et à Edimbourg. Parce que là-bas, on reconnaît la valeur du patrimoine. Et il ne saurait être question de tout bulldozer, pour laisser place à la laideur.

A Maurice, cette considération patrimoniale n’a malheureusement jamais été tenue en compte. Ce n’est hélas pas le fort DeCaen,- datant de la période française qui nous contredira, cette forteresse ayant désormais disparu sous l’amas de béton qui a pris sa place, et qui fausse horriblement la perspective paysagère sur la Nationale. Longtemps, quand on passait sur le chemin neuf, pour rentrer dans la capitale, des deux côtés on avait vu sur les montagnes, l’intérieur des terres, et la mer, qui ouvre sur l’horizon, les voyages.

Aujourd’hui, les « architectes » pensent que bloquer ces deux décors naturels au regard sied mieux à Port-Louis. Ce qui est totalement faux ! Il est donc dommage que l’Etat, et surtout le ministère de la Culture, n’utilisent pas leurs droits de regard sur tout ce qui est lié au patrimoine, pour veiller à ce que notre passé ne subisse les assauts des pelleteuses. Un fonctionnaire du gouvernement, depuis 1968 à ce jour, aurait dû exiger que toute construction ne vienne pas bousculer, ou carrément détruire, ce qui a été scientifiquement pensé par les bâtisseurs Français, avec le coup de main de la main-d’œuvre servile, et les Britanniques. Aujourd’hui, la capitale n’est qu’une immense jungle de béton, et la mer et les montagnes ont été éjectées du décor naturel. Pour laisser place à des bunkers, qui auraient certainement fait plaisir à quelque Hitler en puissance, mais qui laisse un sentiment de dégoût à l’âme !

L’incendie qui s’est déclenché aux Casernes Centrales, et qui a ravagé un autre pan de notre histoire, puisque ce lieu datait de longtemps, démontre que l’aspect sécuritaire pour notre patrimoine bâti n’est que vain mot. Au moment où nous écrivons ces lignes, on ne connaît pas encore l’origine du sinistre, mais si un bâtiment, gardé par la police, peut être la proie des flammes, vous imaginez le sort réservé aux bâtisses qui ne bénéficient d’aucune protection !

Oui, il faut évoluer, progresser avec son temps. Mais il ne faudrait pas que les jeunes croient que l’île Maurice doit se résumer à n’être qu’un amas de béton. Le passé a des leçons à nous apprendre. Ce n’est pas parce que nos grands-parents et parents vieillissent qu’on doit les « dump » dans des maisons de retraite, loin des yeux de la jeunesse. Car, ces mêmes jeunes prendront de l’âge, un jour. Et ils n’aimeront sûrement pas être perçus comme étant « de trop ».

Il en est de même du patrimoine. Si les Français n’ont pas construit en hauteur dans la capitale, c’est parce qu’ils savaient que l’air naturel qui provient des montagnes aérait les demeures et les bureaux. Le contraire a été fait à Port-Louis, au fil des ans et des constructions, avec la climatisation qui a un coût exorbitant sur le roulement des entreprises. Sans compter que la démultiplication des buildings, l’air est devenu irrespirable à Port-Louis. Et ce, alors que les espaces verts n’ont pas augmenté, ni à Port-Louis ou ailleurs !

Nous en paierons le prix un jour,- quand nos petits-enfants nous demanderont à quoi ressemblait notre pays. Et que nous n’aurons pas les vraies réponses à leurs questions. D’ailleurs, nous ne parlons que du désastre patrimonial à Maurice. Sachant qu’on n’a jamais fait un recensement de tout ce qui doit être préservé à Rodrigues, Agaléga, Saint Brandon. Et nous ne parlons pas des Chagos !

Le passé ne doit pas être détruit. Car c’est sur son socle que nous posons les fondations du présent et du futur. Ignorer cela, c’est ne rien connaître à la véritable signification du mot Patrimoine !

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