March 29, 2024
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Le système éducatif mauricien est-il un échec ?

Ainsi, dans son homélie à Ste Croix dans le cadre du pèlerinage du bienheureux Père Laval, le cardinal Maurice Piat déclare que notre système éducatif primaire mauricien n’est pas adapté à la culture et aux besoins de certains enfants. Le Cardinal ne donne pas d’indication sur l’origine sociale de ces enfants ou sur les lieux où ils vivent. Ce n’est pas à lui cibler ces faits, l’Église étant suffisamment implantée dans le milieu éducatif pour lui permettre d’arriver à ce constat. Depuis la création du système éducatif à Maurice, de nombreuses écoles primaires sont administrées par l’Église et subventionnées par l’État. Plus tard, ce dernier investit dans ses propres écoles aux quatre coins de l’île Maurice. Ce sont ces écoles et celles de l’Église qui ont servi de base à une pédagogie qui a façonné les études secondaires pour donner naissance à plusieurs générations de professionnels qui ont aidé au développement de Maurice à différentes étapes. Dans tous les pays en développement et ceux qui se trouvent au milieu du classement, le système éducatif ne réussit jamais à faire des miracles. Mais l’ile Maurice sort de ce tableau-là grâce à l’enseignement de deux langues – sans oublier les langues orientales, qui ouvrent des perspectives d’études et d’emplois -, les mathématiques et la géographie et, en secondaire, ce sont quelque six sujets en moyenne qui sont enseignés.

Secteur privé historique

Il faut noter que, jusqu’à présent, de nombreux collèges confessionnels n’ont pas revu leurs offres de cours afin de les adapter aux demandes des jeunes. En aval, il n’existe pas encore d’étude publique ou privée permettant de déterminer ces demandes. Faut-il encore insister sur le fait que le secteur privé historique, plutôt que de reconvertir certaines de ses terres en activité agroalimentaires, préfère ouvrir des universités pour gosses riches et sans trop savoir si ces derniers serviront l’île Maurice à la fin de leurs études. Il est un fait que la crise économique générée par la pandémie de Covid-19 et le conflit militaire en Ukraine sont en train de bouleverser de fond en comble le monde de l’emploi et les perspectives de travail réel qu’il propose. Depuis les années 70, le gouvernement de Sir Seewoosagur Ramgoolam avait été suffisamment visionnaire pour comprendre que les seuls adolescents titulaires du SC et HSC ne participeront pas au développement de l’île Maurice. Ainsi fut créé à Beau-bassin le centre de formation professionnelle, la fameuse école technique, ancêtre de l’IVTB. Dans son sillage, d’autres centres de formation professionnelle privés ont vu le jour, certains avec un niveau plutôt moyen, mais ont quand même permis aux jeunes d’obtenir des jobs indispensables à l’île Maurice d’alors. Ensuite, avec l’appui du gouvernement français, le Lycée Polytechnique a été créé à Flacq. Malheureusement, les diplômes et degrés délivrés par cette institution ne servent qu’à des pays francophones.

Pôles économiques excentrés

Dans un monde de plus en plus dominé par la langue anglaise, et avec des pôles économiques excentrés – en Afrique du Sud, Chine et Inde, tout pays anglophones -, l’influence française est de plus en plus en repli au même moment où les grands pays industrialisés européens font face à une augmentation du coût de leur main-d’œuvre, de pénurie de matières premières et à des mouvements sociaux revendicateurs. Le système éducatif mauricien se doit de prendre en ligne de compte ces mutations économiques, sociales et culturelles internationales, car au final, le jeune Mauricien doit posséder des compétences lui permettant de travailler en Afrique ou en Asie. Si les Européens eux-mêmes s’y rendent, nous ne pouvons être plus royalistes… Notre système doit former nos jeunes à des capacités multidimensionnelles et celles-ci passent par la maîtrise de l’outil informatique de base. Ici et plus que jamais, c’est la langue anglaise qui en est au cœur, car les plus grands développeurs dans ce secteur sont aux États-Unis, Canada, Chine. Japon, Corée du Sud, Taïwan (qui fabrique les micro-processeurs pour les Américains), ou encore Singapour et Malaisie. Il n’est pas un hasard si les producteurs d’Hollywood et du Canada sous-traitent à Bangalore pour les apports numériques de certaines de leurs grosses productions.

Initiation à l’informatique

L’île Maurice ne peut pas rater ce train dans son système pédagogique et l’apprentissage doit obligatoirement passer par l’initiation à l’informatique dans tous les domaines, des mathématiques aux langues en passant par les formations professionnelles les plus variées. Aucune formation, qu’elle soit académique ou professionnelle, ne peut faire l’économie de l’initiation au digital. Or celle-ci, qui ouvre des perspectives gigantesques tant en savoirs qu’en offres d’emploi, est un outil en anglais. Le jeune Mauricien ne peut plus se satisfaire d’une seule langue et malheureusement, lorsqu’elle est étrangère, c’est le français, une langue dont les limites ont été clairement identifiées dans les pays africains francophones contraints depuis ces vingt dernières années de diversifier leurs sources d’investissements hors de la zone francophone. Nos jeunes écoliers – et plus dans le secondaire, se doivent de faire des efforts pour apprendre l’anglais afin de s’initier à l’outil informatique, car l’entreprise elle-même, dont la manufacture, jadis le lieu où atterrissaient des recalés, s’est déjà mise à la robotique et à l’informatisation de ses étapes de fabrication, en aval le design et la conception. Il n’y a pas longtemps, un grand capitaine dans le textile-habillement faisait observer que la montée en gamme dans ce secteur permettra d’embaucher des Mauriciens dans des taches hautement perfectionnées, informatisées et rémunératrices alors que le travail manuel sera lui l’apanage de la main-d’œuvre étrangère. Le secteur hôtelier est lui-même très informatisé – dont les réservations en ligne, et de plus en plus, les grands hôtels embauchent du personnel à multiples compétences.

L’enjeu de l’éducation à Maurice est au cœur de notre développement, mais les seuls investissements en outils pédagogiques, personnels enseignants et en murs ne suffira pas pour réussir la transition et répondre à l’attente de toutes les familles de Maurice, il faudra que celles-ci fassent un bout de chemin elles aussi, notamment en sacrifice. Dans les années 60, 70, 80 le développement économique de l’île Maurice est passé pour un ‘miracle’ grâce aux sacrifices de la population.

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