Dans un geste audacieux et généreux, Nadeela Lagan, plus connue sous le nom de Shura, une jeune femme inspirante récemment diplômée en droit, s’est engagée à partager son savoir et à soutenir les futurs aspirants au barreau mauricien. Résidente de Pamplemousses, Shura ne se distingue pas seulement par ses accomplissements académiques. À travers son livre, qu’elle a rendu disponible gratuitement en ligne, elle propose un guide pratique et précieux pour aider ceux qui préparent les examens du barreau, tout en s’apprêtant elle-même à entamer ce parcours exigeant. Incarnation de persévérance, de générosité et de réussite, Shura est un modèle pour de nombreux jeunes. Dans cet entretien, nous découvrons son parcours, ses motivations et ses aspirations pour l’avenir.
Qu’est-ce qui vous a poussée à choisir le droit comme domaine d’études et de carrière ?
Depuis mon plus jeune âge, le domaine du droit m’a toujours fascinée. Le droit représente à la fois un rempart et un refuge pour ceux qui sont confrontés à l’injustice, à la discrimination et aux actes répréhensibles. Il remplit une double fonction : il est à la fois un bouclier protecteur et une épée de rétribution. C’est une vocation sacrée.
Quelles ont été les principales leçons tirées de votre parcours académique ?
Il est regrettable que, bien que nous puissions vouloir ou tenter de le nier, nous soyons contraints de reconnaître que nous vivons encore dans un monde privilégié où la méritocratie fait défaut. Il suffit souvent de posséder les bonnes relations pour réussir, obtenir ce que l’on souhaite, ou agir selon son bon vouloir en toute impunité. De plus, je pense que l’éducation ne devrait pas devenir une arène compétitive où tous les moyens sont permis, où il s’agit de piétiner les autres pour réussir.
Comment avez-vous surmonté les défis pour obtenir une mention “First Class” ?
Ce parcours n’a pas été exempt de défis, mais je dois admettre que j’ai commencé mes études avec un certain avantage. En effet, j’avais auparavant suivi un A-Level en droit pour l’Angleterre et le Pays de Galles, qui offrait un programme d’études de grande qualité. Tout y était abordé : le droit de l’équité, la procédure pénale, etc. Bien qu’il y ait des différences notables entre le droit des contrats et le droit de la responsabilité civile en Angleterre, au Pays de Galles et à Maurice, j’avais déjà acquis une certaine familiarité avec le domaine juridique dans son ensemble. Ce cours m’a permis de construire une base solide de connaissances, ce qui m’a aidé à répondre efficacement aux questions, en particulier celles portant sur les études de cas.
Je recommande vivement aux étudiants actuellement en enseignement secondaire, et qui aspirent à obtenir un diplôme ou à faire carrière en droit, d’envisager l’étude du droit au niveau A-Level. Cela leur offrirait un aperçu approfondi du domaine juridique et une base solide pour leurs futures études.
Par ailleurs, je suis convaincu qu’il est crucial de développer des compétences en auto-apprentissage (self-learning) et de s’y tenir. L’autonomie dans les études est essentielle. Il est également important que les étudiants mènent des recherches approfondies pour améliorer leurs notes et leurs réponses lors des examens. L’étude du droit comparé, notamment dans le cadre des travaux pratiques, a également été un facteur déterminant dans ma réussite. Je conseille aux étudiants de s’engager dans cet exercice, car il leur permet non seulement d’élargir leur compréhension des systèmes juridiques au-delà de Maurice, mais aussi d’identifier des domaines où notre propre cadre juridique pourrait être amélioré.
Qu’est-ce qui vous a inspirée à écrire ce livre ?
Depuis mon adolescence, j’écris des livres de fiction qui sont ensuite publiés en ligne. L’idée d’écrire un livre de non-fiction représentait pour moi un défi considérable, compte tenu des différences marquées entre ces deux formes d’écriture. Cependant, une fois lancée, cela m’a paru naturel : les mots coulaient facilement de mon esprit jusqu’au bout de mes doigts, et ma frappe semblait se faire sans effort. J’ai d’abord été surprise, mais je pense que cela peut être attribué à ma passion profonde pour le droit.
Il est important de noter qu’il y a peu d’écrivains à Maurice qui se consacrent à la littérature juridique. Je me souviens qu’au début de mon LLB (Hons), je cherchais à acheter des ouvrages de référence adaptés à mes études. Les choix étaient limités et ces ouvrages n’étaient pas toujours abordables. J’espère que cette initiative incitera d’autres personnes à contribuer à l’enrichissement de la littérature juridique mauricienne, en augmentant ainsi le nombre d’ouvrages sur le droit mauricien disponibles dans le pays.
Aviez-vous identifié un manque de ressources pour les étudiants en droit à Maurice ? Comment votre ouvrage répond-il à ce besoin ?
Il est évident qu’il existe une nette lacune dans ce domaine, ce qui m’a poussée à entreprendre ce projet ambitieux. Malgré les critiques formulées depuis des années, voire des décennies, la question reste non résolue. J’espère que ces ouvrages contribueront à rétablir un équilibre plus juste en la matière. J’ai fait en sorte d’inclure le maximum d’informations possibles dans cette publication, et je continuerai à le faire dans les volumes suivants. Il se peut qu’un sujet ne soit pas couvert par le livre, mais les documents fourniront aux étudiants une base solide sur laquelle ils pourront s’appuyer.
Combien de temps avez-vous consacré à la rédaction de ce livre ?
La réalisation de ce projet a pris une année entière. J’ai commencé à le rédiger après la fin de mes examens finaux en juillet 2023. En réalité, j’avais planifié ce projet dès ma deuxième année de LLB. Je m’étais fixé pour objectif d’écrire ces livres si je continuais à obtenir de bonnes notes. Initialement, mon intention était de les écrire pour mon usage personnel. Cependant, j’ai décidé par la suite, si le projet allait de l’avant, de les rendre accessibles à d’autres.
Cette décision a été motivée par les commentaires positifs que j’ai reçus de la part de ceux avec qui j’avais partagé mes notes durant mes études O-Level, A-Level, ainsi qu’en LLB(Hons). Ils m’ont dit qu’ils comprenaient mieux les cours et que leurs notes s’étaient améliorées. Cette expérience très encourageante a sans doute été le catalyseur qui m’a poussée à partager mon travail.
Avez-vous collaboré avec d’autres professionnels ou étudiants pour la conception de ce livre ?
J’ai eu le grand privilège de bénéficier de la sagesse et de l’expertise de professeurs vraiment exceptionnels tout au long de mes études en droit. Pour moi, apprendre auprès de ces professionnels a été une expérience extrêmement enrichissante. J’ai eu la chance de travailler avec l’un de ces éminents professionnels pour mon livre, Me Bijayeduth Gokool. C’est un homme aimable, droit, un être exceptionnel doté d’une intelligence hors du commun. J’ai énormément d’admiration pour lui. Lorsque je l’ai contacté pour lui demander d’évaluer le livre, j’ai été ravi de recevoir son acceptation, et je lui en suis profondément reconnaissante.
Pourquoi avez-vous choisi de rendre ce livre gratuit et accessible en ligne ?
J’ai toujours été un fervent défenseur de l’éducation gratuite, tout comme je le suis des soins de santé gratuits. Je continuerai à les soutenir. Je pense que Maurice est l’un des rares pays au monde où l’argent des contribuables est directement investi dans la population, et j’espère que cela continuera ainsi. Je suis convaincu que l’éducation ne doit pas devenir une machine à profits, où les étudiants reçoivent des miettes en échange de leur argent durement gagné.
Selon vous, ce livre pourrait-il également être utile aux jeunes professionnels, au-delà des étudiants ?
J’espère sincèrement que ces ressources seront utiles au plus grand nombre. Il ne faut cependant pas oublier que le domaine du droit a une dimension pratique avant d’être théorique.
Où peut-on trouver et télécharger votre livre ? Existe-t-il une plateforme dédiée ?
Un site web a été créé pour permettre l’accès au livre ainsi qu’à la série à venir. Le site est conçu de manière conviviale, offrant aux lecteurs un accès facile aux informations relatives à l’avancement des prochains ouvrages. Ainsi, les visiteurs peuvent consulter régulièrement le site pour obtenir des mises à jour.
Quels conseils donneriez-vous aux étudiants en droit qui souhaitent exceller dans leurs études et leur carrière ?
La persévérance est une vertu essentielle qui permet de surmonter les vicissitudes de la vie, y compris dans le domaine de l’éducation. Il est important de faire preuve de résilience face à l’adversité et de ne pas se laisser abattre par les obstacles. Les circonstances ou les personnes peuvent parfois être injustes, mais il est crucial de ne pas se laisser engluer dans cette négativité et de transformer cette énergie en une force constructive, une force qui peut également bénéficier aux autres. J’ai appliqué cette approche pour la rédaction de ce livre. Plutôt que de laisser une année d’inaction, j’ai choisi de mettre cette période au service des autres, ce qui m’a permis de concrétiser ce projet plus tôt que prévu.
Selon vous, quelles qualités sont essentielles pour réussir dans le domaine juridique en tant qu’étudiant ?
Je crois que l’intégrité est la qualité la plus importante. Elle commence dès le niveau académique. Prenons l’exemple de deux personnes : l’une qui étudie dur pour obtenir les meilleures notes, et l’autre qui utilise ses contacts pour avancer, au détriment de l’autre. La première personne, ayant toujours travaillé dur, possède des choses qu’on ne peut lui enlever, comme ses connaissances et ses compétences. En revanche, la deuxième personne vivra toujours dans la crainte que ses actes finissent par la rattraper. Elle finit souvent par s’exposer, surtout si elle n’est pas capable de fournir de bonnes prestations ou si elle manque de contacts pour l’aider. C’est une question d’éthique et de principes.
Il est également essentiel que les personnes en position d’autorité, quelle que soit leur fonction, soient exemplaires en matière de conduite et de comportement, établissant ainsi un modèle à suivre pour les autres. Si ces personnes se livrent à des actes de discrimination ou prennent plaisir à humilier ou dégrader les autres, elles ne font qu’entacher leur propre réputation et celle des institutions auxquelles elles appartiennent. Il ne faut pas s’étonner qu’elles finissent par perdre le respect des autres.
Enfin, en tant que professionnels, et en toutes circonstances, je crois qu’il est fondamental de se rappeler que les personnes extérieures à nous sont aussi des êtres humains. Il est important de les traiter avec respect et dignité. Les paroles de Saint Thomas More me viennent à l’esprit : « Et reste à mes côtés au tribunal, afin qu’aujourd’hui, pour gagner un argument, je ne perde pas mon âme ».
Quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels sont confrontés les étudiants et les jeunes avocats à Maurice ?
J’espère sincèrement que les recommandations formulées dans le rapport de 2020 concernant l’attribution du cours du barreau mauricien à l’IJLS seront un jour mises en œuvre. Cela devrait inclure le développement d’un programme d’études et de matériel de lecture appropriés, la mise en place d’une plateforme en ligne adaptée, ainsi qu’un calendrier fixe. Une relocalisation du cours dans la capitale faciliterait l’accès, en particulier pour les résidents du nord, qui sont contraints de faire de longs trajets, ainsi que pour les personnes ressources qui travaillent à Port-Louis.
De plus, l’ère contemporaine est marquée par la digitalisation. Il est donc crucial d’adopter la technologie, notamment pour alléger le fardeau financier des diplômés en droit de Rodrigues qui aspirent à devenir avocats. L’option d’étudier le cours à temps partiel serait également bénéfique pour les étudiants qui travaillent, souvent contraints de quitter leur emploi en raison de la pression des études.
Enfin, dans le contexte actuel, il est difficile d’imaginer qu’un individu puisse survivre pendant une année entière sans revenu. Bien qu’un fonds ait été créé à cet effet il y a quelques années, il a été supprimé par la suite. Au lieu de ce fonds, il serait préférable que les pupils bénéficient d’un salaire minimum. Un tel système garantirait que les masters de pupillage ne soient pas indûment surchargés.
Y a-t-il une citation ou un mantra qui vous inspire et vous guide dans les moments difficiles ?
Je ne dirais pas que c’est un mantra, mais je crois qu’il est essentiel de cultiver la gentillesse. Comme l’a dit Mark Twain : « La gentillesse est le langage que les sourds entendent et que les aveugles voient ». La vie est courte, et nous devrions essayer de la vivre en faisant le plus de bien possible autour de nous. En fin de compte, le plus important, c’est ce que nous laissons derrière nous. Même si ce n’est qu’un petit changement, si nous pouvons avoir un impact positif sur la vie de quelqu’un d’autre, en améliorant ou en facilitant les choses, nous pouvons dire que nous avons vécu une bonne vie.
Les lecteurs intéressés par le livre de Shura Lagan, conçu pour guider les aspirants au barreau mauricien, peuvent le télécharger gratuitement en ligne. Il est disponible sur son site officiel :
http://shuralagan.wixsite.com/mrulawbooks
Une ressource précieuse, accessible à tous, qui reflète son engagement envers une éducation équitable et partagée.