April 20, 2024
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Politique

NAVIN et PRAVIND :

À l’approche des élections, il nous semble propice de distinguer « l’autorité » et « les chef ». Les chefs exercent l’autorité. Là où il n’existe pas de chefs, l’autorité, en effet, n’est pas exercée. Mais là où de mauvais chefs l’exercent, alors c’est l’autorité qui est corrompue.

L’autorité est un principe vital, qui oriente une société vers des finalités correspondant globalement à son bien et qui, en même temps, par le mouvement donné, apporte au corps social sa cohésion, son unité, sa paix relatives. Il en est analogiquement de même dans toute forme de société, chacun le sait bien. Le bon chef, par sa vision, par les vertus qu’il cultive, sert ce principe. Un chef ne sert bien le pays que par l’exemple donné.

Le mauvais chef, au contraire, le corrompt. Il l’oriente vers des fins destructrices et, en retour, tous les liens sociaux sont distendus et dévoyés. De mauvais chefs, à dire vrai, il y en a eu toujours. La facilité avec laquelle un Premier Ministre comme Dr. Navinchandra Ramgoolam tente de revenir aux affaires du pays (avec cette outrecuidance qui lui fait donner des leçons au lieu d’en prendre), après ses échecs gouvernementaux consommés, est édifiant, voire choquant. Alors qu’au pouvoir, il n’avait aucune appréhension de ce qui était méprisable, comptabilisable et chiffrable, selon des ‘indices’ qui allaient du niveau de satisfaction de l’opinion publique à celui de la notation financière de notre pays, en passant par les projets et les mesures.

Cela est offensant que l’ancien PM n’ait pas le moindre souvenir de ses dérives et faillites. Sa vision accapareuse du pouvoir, son divorce d’avec toute morale et son goût prononcé pour les pantomimes en lesquelles son narcissisme puise tant de jouissance, ne peuvent que les rendre spontanément réfractaires à toute personne qui serait animée par un authentique sens de l’État. Le politicien qu’est Navin Ramgoolam lui-même, d’ailleurs, est devenu si étranger au corps social, par ses mœurs, et au sort des autres qu’il est devenu commun, sans que nul ne s’étonne, de donner librement dans cette confiscation, ces excès et cet immobilisme caractérisant ses mandats.

Pour la grosse majorité des Mauriciens, l’État était devenu ennemi, voire l’Ennemi, ce qui n’est pas la moindre des composantes de la dégénérescence. Ennemi de leur survie, ennemi de leurs libertés, ennemi du fruit de leur travail, ennemi de leurs familles, de leurs écoles, de leurs patrimoines culturels et matériels, complice de leur insécurité et de l’envahissement ethnique et religieux dont ils sont victimes. L’État n’était même plus celui dont on attendait tout, mais celui qui prenait tout. Il fallait que M. DNR fût pris d’une crise d’illuminisme totalitaire singulièrement aigüe pour oser lancer: « mo pou change zott la vie en 100 jours ». Il convient dès lors de ne pas excuser quelque peu, sur ce point l’ancien PM de son impuissance à devenir un homme d’État : on ne sert pas un tel État, qui n’appelle ni dévouement ni respect ; on s’en sert, et c’est précisément ce qu’il a fait.

Mais la politique est l’art du possible. Il est réconfortant, au milieu de ces ombres, de savoir que Pravind Jugnauth ait pu succéder à DNR. Si un instant on pouvait penser que Navin poursuivait aujourd’hui sa chevauchée, à la tête du pays, on frissonnerait à l’idée de la décrépitude qu’on aurait atteinte. Heureusement, dans la vie tout finit par être sanctionné. La restauration de la notion de chef, de l’autorité, de l’État passe, peut-on l’affirmer, par une restauration et une valorisation majeures de la notion de service et d’exemple. À vues humaines, une telle restauration a pu être apportée par P.J.

Pour ceux dont les épaules servent à jucher DNR et les composantes, qui majoritairement lui accordent leur soutien, l’heure est de réfléchir et de saisir la portée de la faillite de DNR. Qu’il soit trouvé coupable ou acquitté dans le dernier des 12 épisodes de son imbroglio, les dégâts causés par l’homme et le politique ne s’effaceront jamais de la conscience mauricienne. Qu’il s’agisse du temps perdu avec ses histoires intimes, qui entravèrent la liberté d’action et d’exécution de ses ministres, privant ainsi le pays de la réalisation de plusieurs projets et aussi le peuple, des mesures à rehausser sa vie quotidienne, N. Ramgoolam est passé à côté de la plaque. Sans compter toutes ces promesses vides de sens, qui firent vivre dans l’espoir et la population et ses inconditionnels (lesquels ont sacrifié une partie de leur vie pour lui) et dont le résultat fut désespérant pour beaucoup.

La question qui doit trotter dans la tête des gens est qu’est-ce que Navin Ramgoolam pourrait apporter, changer en mieux demain ce dont il a été incapable de faire jusqu’ici; alors qu’il avait tout à sa portée et jouissait d’un meilleur physique qu’en ce jour ? Quoiqu’il en fasse et exhibe, il doit sûrement rendre perplexe quand il se pose en moralisateur et en passeur de formules.

Une chose dont le peuple doit être sûr c`est qu’il faut en finir avec cette confiscation des manettes et des pouvoirs de l’État par un chef, qui en a trop fait usage selon ses caprices, ses humeurs et son mal-vouloir.