April 24, 2024
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Politique

NAVIN RAMGOOLAM: LE POINT DE NON RETOUR

CONFIDENCES ET CONSTATS

L’auteur de ces lignes, témoin d’une péripétie dans la mission publique d’un Premier ministre, se justifie pour révéler ce témoignage, avec l’unique intention de montrer ce que l’usure du pouvoir, la légerté dans la gestion des affaires de l’État et les pulsions peu enviables peuvent anéantir à petit feu  la grandeur que confère ce poste suprême de PM. 

Il m’arriva un jour de me retrouver un matin dans le bureau spacieux et confortable de NCR. Il donna d’emblée des instructions à sa secrétaire confidentielle et à la Senior Chief Executive de ne pas le déranger, tout en précisant que la communication avec l’extérieure devra être exclusivement réservée aux appels téléphoniques du Commissaire de Police. 

Même un ministre s’embarrassant d’un dossier urgent se heurta à l’incommunicado de son chef. NCR était-il en attente d’une information d’une extrême importance, qui valut aux  ministres et autres personnalités économiques et sociales cet embargo? Malheureusement non ! Tout simplement, ayant eu une dispute avec sa mère de copine à NCR, le soir d’avant, le fils de Nandanee S avait déserté le toit familial. 

Ainsi, exceptionnellement les affaires quotidiennes d’un PM furent-elles réduites à attendre le résultat de la mise en alerte et des recherches d’un bataillon de policiers pressé à retrouver le fiston de Madame.

La question qui trotterait en premier dans la tête d’un Mauricien est celle-ci: combien de jours durant le mandat d’un PM comme Navin, le PMO était-il déconnecté des affaires publiques, vivait-il en marge des exigences des attributions conférées à ce poste? Sûrement souvent pour que NCR dépose un bilan global moyen de son règne, lequel est entaché de trois raclées honteuses dont deux successives, la dernière pulvérisant la carrière de Navin et sonnant aujourd’hui son glas. 

Beaucoups pourront pointer les dérives d’un système qui tend à concentrer trop de pouvoirs entre les mains d’un PM, au détriment de l’intérêt même des institutions et secteurs-clés, sans parler du peuple. D’autres  y verront le signe d’un attachement excessif au pouvoir – il faut savoir partir ! -, et celui d’une avidité et d’un sentiment de puissance sans limite. 

 Mais au-delà de ces reproches mérités, il faudra quand même se souvenir de la valeur individuelle exceptionnelle d›un PM visionnaire, déterminé, conscientieux et artisan d’une vraie réussite « à la mauricienne ». Celle de Pravind Jugnauth aussi . En un demi mandat et quelques poussières. 

En politique comme ailleurs, on a le droit de perdre ; la défaite fait partie des éventualités d’un système démocratique. Mais, pour le PTR, ce revers, il n’a que son leader à blâmer. Lui seul. Pour avoir règné en dictateur, maîtrisant tous les rouages et accessoires du pouvoir, réléguant la gestion rigoureuse du pays au profit de ses relations intimes; pour avoir traité ceux qui méritaient la reconnaissance et la gratitude, avec dédain, mépris et par l’oubli. Ses mensonges, ses paroles chimériques et ses serments d’ivrogne ont  rongé à doses distillées et la réputation, la crédibilité de NCR (le poussant à se fabriquer une mauvaise conscience) et aussi la force de frappe du parti.

 L’immobilisme, l›inaction, l›inconstance de Navin auraient dû amener nécessairement des remises en cause, même si pour autant cela devrait entrainer le rejet en bloc de tout ce qui a été accumulé  pendant de nombreuses années.  

Mais, Navin est un génie de mauvais augure et ni la crainte du Tout-Puissant ni le spectre de la mort ne figurent dans son vocabulaire et son sub-conscient. De ce fait, il avait cette certitude que personne ne pouvait lui barrer la route. À l’échelon le plus élémentaire de sa fonction, la puanteur de son langage trivial, même à l’égard de ses aînés et les femmes, ne le rebuta point. 
  
Le pouvoir est un miroir aux alouettes qui donne un sentiment de toute puissance, quitte à trahir un jour les siens et ses propres convictions. On finit par oublier qui l’on est, et ceux et celles pour qui on se battait vraiment. Le pouvoir donne ainsi l’illusion d’être préservé de tout et de tous, enfin presque, jusqu’au jour où la chute s’ensuit ! Navin Ramgoolam aura incarné l’exemple parfait de ce que le pouvoir peut faire sur un seul homme, à savoir le meilleur comme le pire, une fois propulsé aux plus hautes sphères d’une société. 

Toutefois, dans ses errances et dans la perdition, la docilité des autres, leur silence découlant de la peur, leur asservissement ont contribué à cette décadence. Ce qui a provoqué leur propre dégénérescence. Arvin Boolell, qui n’a plus sa vigueur physique s’est maintenu et contenté de son statut de faux Poulidor et quel gâchis ! Anil Bachoo entre autres s’est complu dans un motus « bouche cousue» de bout en bout, hormis une fronde sans lendemain. 

Le crime de Navin a été de cloisonner le PTR dans une structure de vacuum privant toute réflexion et action en dehors de son leadership. Personne n›a osé susciter un débat pour parer à l’après NCR. << Après moi le déluge et ce ne sera pas mon problème>>. Et, dire que ceux qui vivent à l’ombre de Navin ont toujours eu l’audace de venir haranger les foules qu’ils étaient capables de lutter pour le peuple. Des faux combattants dont le seul attribut était de << put muscles in their mouth>>, à l’instar du showman, du narcissique S. Mohamed.

Pour que la démocratie ne continue pas à être malmenée par la confiscation des appareils d’un parti par un seul homme ayant fait le vide autour de lui, il est impérieux que le PTR en finisse avec les méfaits de Navin. Personne ne mérite, dans le clan des vieux routiers, que les rênes lui soit confiées. 

L’insigne honneur échoit à ce groupe dans la tranche d’âge de 40 à 55 ans de renouer avec les vraies valeurs mises en exergue par les Curé, Seeneevassen, Anquetil et Rozemont et d’impulser cette mouvance vers un leadership élu en accord avec le mécanisme d’un parti digne de ce nom.