April 19, 2024
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Opinion

Où est le dialogue ?

J’ai plusieurs fois rappelé avoir été dans le bureau d’un ministre (qui se reconnaîtra) et qui m’avait dit ceci : »Le gros problème d’un gouvernement, c’est la communication. » De fait, avec son armada de conseillers, depuis le bureau d’un Premier ministre jusqu’à ceux des ministres et des PPS, sans oublier les attachés de presse, tout gouvernement à Maurice a souvent pêché par manque du savoir communicatif. Pourtant, les communicants sont payés des fonds publics, et sont tenus de tenir la population au courant des réalisations du gouvernement. Mais ce travail n’est pas fait comme il faut. Et cette disruption de dialogue entre les gouvernants et ceux qu’ils sont censés servir aboutit à une forme d’anarchie et des échanges musclés. Chemin Grenier, Vacoas, Camp Levieux, Le Morne en ont fait les frais.

Prenons l’exemple de ce qui s’est passé dans la circonscription numéro 12, où les ministres Stephan Toussaint et Bobby Hurreeram ont dû faire face aux courroux des habitants et les gérants du village. Les deux ministres n’ont pas tenté un dialogue avec les habitants, car d’emblée si ce n’était pas possible. Mais, pourquoi ne pas l’avoir fait après ? Pourquoi avoir laissé la police réagir, alors qu’il est plus simple d’entamer un dialogue ? Si le gouvernement estime que ce qu’il fait est pour le bien-être de la population, pourquoi ne pas le leur expliquer ? Et si la population répond que ces réalisations ne répondent pas à leurs attentes, pourquoi ne pas changer de projets, de manière à satisfaire le peuple ?

De son voyage en Inde, le Premier ministre annonce un hôpital Ayush « moderne » dans la circonscription numéro 8. Certains avanceront que ce projet auraient pu être réalisé dans leur circonscription. Par exemple, les résidents du no.14 auraient apprécié qu’un tel projet soit mis en chantier dans leur circonscription, là où il n’y a jamais eu d’hôpital depuis 1968. Il y a des hôpitaux à Port-Louis, à Pamplemousses, à Flacq, à Souillac(au numéro 13), à Quatre Bornes. Mais aucun régime n’a trouvé que l’Ouest méritait un hôpital ? Et ce n’est pas trop tard que ce gouvernement trouve la nécessité de construire un centre hospitalier entre Bambous et Surinanm. Qu’en premier lieu, un conseiller/attaché de presse ne devrait pas hésiter à le transmettre au ministre Alan Ganoo, qui à son tour le relayera au Premier ministre ? C’est cette rupture entre les vraies besoins de la population et les réalisations gouvernementales, qui crée ce vacuum où s’engouffrent ceux qui sont irrités par le vide, le fossé grandissant !,entre eux et le gouvernement. Alors que beaucoup de pays ailleurs, aussi touchés par le Covid, ont voté et revoteront, comme la France, le gouvernement donne l’impression qu’il a intériorisé le fait qu’il ne sortira pas gagnant de cette joute. Et donc, »ariv seki ariv », faisons ce que nous devons faire.

Même si cela ne plaît pas. Pravind Jugnauth ne doit pas oublier que ses prédécesseurs, de Sir Seewoosagur Ramgoolam à Sir Anerood Jugnauth, en passant par Navin Ramgoolam et Paul Bérenger, ont toujours payé le prix de leur indifférence envers les souffrances de la population. En tout cas, des démunis. Qu’on se rappelle du « SSU pa la pou donn biberon » balancé par Paul Bérenger, alors Premier ministre, en 2003, alors que des grévistes de la Zone Franche attendaient un dialogue de celui qui a été un syndicaliste exemplaire dans les années 70. Cette arrogance fut évidemment sanctionnée aux élections de 2005,et ouvrit la voie à Ramgoolam. Lui-même précédemment sanctionné, en l’an 2000, pour son indifférence lors de Février 1999. De même, SSR et SAJ connurent leurs traversées du désert, en 1982 et 1995, pour avoir ignoré les cris de détresse de ceux qui souffraient. Pravind Jugnauth a connu ces parties de l’histoire, pour avoir été un acteur dans les victoires et défaites de son parti, ou des alliances. Il aurait donc tort de ne pas tenir compte de ce qui se passe sur le terrain.

C’est à la source qu’il faut régler les problèmes de terrain. S’il y avait un problème au numéro 12, pourquoi les conseillers de village, les PPS n’ont pas averti au préalable les ministres ? Et si ces derniers ont été informés, pourquoi rien n’avait été fait ? On le voit, tout peut être solutionné par le dialogue. En l’absence d’un dialogue franc et sincère avec les gens en détresse, le gouvernement court le grand risque d’imiter les trois singes de Gandhi. Et faire comme s’ils ne voient, n’entendent et ne disent rien, leur fait courir le danger du dialogue des sourds ! Tous les gouvernements qui ont été sanctionnés dans le passé ont juste recueilli les fruits de leur arrogance, de leur indifférence, et plus que tout, de leur absence de dialogue avec la population. Les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets, ce gouvernement sait donc déjà ce qui l’attend.

Pravind Jugnauth a donc deux ans, voire moins !, pour rectifier le tir. Et cela se fait en distribuant équitablement leur part de gâteau à ceux qui le méritent. Et si cela est fait, il n’y aurait aucun besoin de manifester sa colère, comme à Chemin Grenier, à Vacoas et à Camp Levieux. Si ce gouvernement reconnaît qu’il ne dialogue pas avec la population, et corrige ses erreurs, tout est possible pour lui. Faire amende honorable grandit celui qui admet ses torts. Les conseillers/attachés de presse du gouvernement ne peuvent pas continuer à faire croire que tous ceux qui crient leur souffrance sont des gens de l’opposition. La rubrique Solidarité Marye Pike est là pour le démontrer : Il y a une grande détresse humaine dans le pays. Et ce sont ces gens-là qui veulent être écoutés. Les communicants du gouvernement ont donc le devoir de dire la vérité à qui de droit. Et cela se fait le plus simplement du monde :A travers le dialogue avec la population. Et non pas au travers de projets imposés sur le dos du peuple !

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