April 19, 2024
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Opinion

Pandémie et conflits militaires : la fin des certitudes ?

Depuis la fin de la guerre au Vietnam (1973), celle de la Guerre froide, la chute du Mur de Berlin (1989) et plus près de nous, le génocide des Tutsis au Rwanda (avril à juillet 1994), entre autres, et sans parler des guerres en Irak et Syrie, nous avions presqu’une certitude que les temps incertains étaient derrière nous et que l’avenir était à l’économie, les marchés et le productivisme. Chauffée à blanc, l’économie était à la recherche de nouveaux et jeunes consommateurs prêts à jeter leur dévolu, les yeux fermés, sur les produits électroniques les plus performants. Puis, la pandémie est arrivée…

Le Covid-19 a brutalement mis fin à des années glorieuses où les économies les plus performantes s’étaient mises à rêver à des conquêtes de marchés les plus prometteuses et destinées à leur assurer une mainmise sans partage, à chacune d’entre elle, sur des biens et services distincts. C’est ainsi qu’on a assisté à l’émergence des fameux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), qui ont fait bouger les lignes économiques, politiques, financières et commerciales que les grandes puissances historiques européennes gardaient jalousement. Pourtant, lorsque le Covid-19 est apparu et qu’il a commencé à impacter sérieusement le monde entier, ces nouvelles puissances – à l’exception de la Chine sans doute -, ont brutalement découvert leurs faiblesses avec des systèmes de santé publique parfois inadéquats. En même temps, la pandémie est venue apporter une nouvelle configuration des sphères économiques et augurer une période d’incertitude jamais connue dans le monde. Les grands pays-producteurs de biens et services se sont mis à s’interroger sur les habitudes de consommation pour se demander dans quelles proportions celles-ci s’étaient modifiées et s’il n’était pas plus judicieux de réaliser des études de marchés approfondies afin de réactualiser la demande.

La guerre en Ukraine

À ces incertitudes, est venue se greffer la guerre en Ukraine portée par la Russie, une des puissances économiques des BRICS, dont les motivations deviennent de plus en plus évidentes : la sécurité militaire de l’empire russe en passant par la mainmise sur le gaz et les céréales ukrainiens. En recherchant l’annexion de l’Ukraine, la Fédération russe ne vise rien d’autre qu’à asseoir son hégémonie sur l’Europe du Nord, riche en gaz et pétrole dont l’Europe de l’Ouest a besoin, mais qui assure aussi à la Russie une sécurité économique. Plus que jamais, la pandémie et la guerre en Ukraine sont des marqueurs post-2000 de l’insécurité marquant la fin des certitudes. Ces deux faits ont pris le pas sur l’économie et ses corollaires que sont la croissance, la productivité et l’expansion marchande.

Depuis 2020, au moment où les économistes et observateurs ont commencé à se rendre compte du fait que la pandémie tendait à s’installer dans notre quotidien, il devenait quasi-certain qu’il n’y aura plus de visibilité sur l’avenir. Comme si cela ne suffisait pas, les Russes ont trouvé moyen d’ajouter à la tragédie sanitaire qui affecte le monde. Celle-ci, on l’a vue, a fini elle-aussi par sensibiliser le monde entier en raison de son caractère injuste mais aussi à cause de la misère qu’elle a provoquée, frappant indistinctement tous les Ukrainiens. Cette guerre signifie aussi la fin des certitudes car elle se passe dans un pays dit ‘civilisé’ et que c’est l’œuvre d’un état européen même s’il se situe en Europe du Nord. Elle installe un climat de méfiance entre des nations coupées en deux camps. C’est là où l’île Maurice devra faire un choix, compte tenu aussi du fait que la Chine, adversaire commercial des États-Unis, s’est rangée derrière la Russie.

La question de Chagos

On voit ainsi que tout devient compliqué d’autant que Maurice s’est engagé dans un bras de fer avec l’Angleterre, alliée de l’Ukraine, sur la question de Chagos. Comment trouver son chemin dans un tel paradoxe géopolitique ? Dès le début de 2022, les observateurs crédibles faisaient remarquer que les prochains mois seront décisifs pour l’avenir de l’économie mauricienne, le secteur du tourisme, véritable moteur de la relance, ayant raté le rendez-vous avec les objectifs fixés après la réouverture totale des frontières en 2021. Avec la guerre en Ukraine, voilà que le gouvernement se retrouve avec une véritable colère citoyenne, à la suite de l’augmentation des prix du pétrole et du diesel. Nous savons désormais qu’une bonne partie des recettes provenant de ces augmentations servent à financer les dépenses publiques. Si la population peut admettre que l’État a besoin des taxes pour construire des routes et effectuer d’autres travaux publics, elle aura, en revanche, du mal à accepter que ses sous soient dépensés dans une opacité totale ou gaspillés dans des projets inutiles.