April 19, 2024
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Père Laval, l’homme qui a évangélisé l’île Maurice

Le bienheureux père Laval vit dans la mémoire de tout un peuple. Cette année marque le 179e anniversaire de son arrivée à Maurice et le 159e anniversaire de sa mort. Revivez son parcours à travers nos colonnes. Un texte de Zuhayr Dhunny.

Le père Laval transcende les années, les communautés, les clivages. L’île Maurice en entier prie le bienheureux père Laval. Il serait impossible, en quelques mots, de rendre hommage à un homme tel que Jacques-Désiré Laval. Rien, ni même les pages les plus noircies d’encre, ne peuvent lui rendre justice. Cela ne nous empêchera toutefois pas, à l’occasion du 179e anniversaire de son arrivée à Maurice et du 159e anniversaire de sa mort, d’évoquer sa vie. Il a été, pendant les 23 dernières années de sa vie, missionnaire à l’île Maurice, auprès des esclaves affranchis.

Jacques-Désiré Laval est né le 18 septembre 1803 à Croth, en France, dans une famille d’agriculteurs assez aisée. Il sera baptisé immédiatement après sa naissance, tout comme son frère jumeau Michel. Mais Michel meurt quelques jours après. Le père de Jacques-Désiré Laval, lui aussi prénommé Jacques, est un homme dur et autoritaire. Il est aussi un notable et maire du village de Croth. Suzanne, la mère du bienheureux, est affectueuse et tendre, et c’est elle qui va donner l’exemple de la charité à ses enfants.

Malheureusement, Suzanne meurt l’année où JacquesDésiré Laval fête ses 7 ans. A 14 ans, il ira vivre chez l’abbé Laval, son oncle, qui est aussi curé à Tourville-laCampagne. A 17 ans, JacquesDésiré Laval entre au petit séminaire d’Evreux, mais s’ennuie rapidement et veut rentrer chez lui. Son père, étant mécontent de son attitude, assigne Jacques-Désiré Laval aux plus rudes travaux de la ferme. Ce dernier finira par quitter le village pour reprendre ses études. Jacques-Désiré Laval étudiera les sciences et les lettres au collège Stanislas, à Paris, avant d’embrasser la carrière médicale. Il suivra des cours à la Faculté de médecine de Paris et deviendra médecin au bout de cinq ans.

Jacques-Désiré Laval retourne en Normandie et sera un médecin dévoué et charitable pour le compte de SaintAndré de L’Eure, puis d’Ivry-laBataille, pendant plus de cinq ans. Etant jeune, il délaissera quelque peu la religion. Mais lorsque les pauvres, qui n’ont pas les moyens de se soigner, lui demande de l’aide, il basculera dans une vie pieuse.

Jacques-Désiré Laval se convertit et en juin 1835, entre au séminaire de Saint-Sulpice à Paris, faisant de l’humilité la base de sa vie religieuse. Il sera ordonné prêtre dans la chapelle de Saint-Sulpice le 2 décembre 1835, par monseiVisite du Premier ministre au tombeau du père Laval gneur Hyacinthe de Quelen, archevêque de Paris, trois ans après avoir rejoint le séminaire.

Père Laval sera curé d’une petite paroisse de 485 habitants du diocèse d’Evreux. Il consacrera le plus clair de son temps à la prière et vivra très pauvrement, distribuant tous ses revenus en aumônes. Il se dévouera à évangéliser les Noirs des colonies, récemment affranchis de l’esclavage. Il devient religieux dans la congrégation du Saint-Cœur.

Le 4 juin 1841, de Londres, Jacques-Désiré Laval embarque à bord du «Tanjore». Pendant le voyage, il sera tellement malade qu’on croyait qu’il ne survivrait pas. Père Laval ne reverra plus l’Europe.

Après une traversée de 100 jours, le Tanjore arrive dans la rade de Port-Louis, le lundi 13 septembre 1841, vers 15 heures. Père Laval débarquera du Tanjore le lendemain. Ses débuts ne sont pas des plus tendres ; on ne le respecte pas, on ne lui témoigne aucune sympathie. Il reçoit la charge de la mission des Noirs le 26 septembre 1841. Il est pauvrement logé, à côté de la cathédrale Saint-Louis, dans un pavillon en bois, mais sa vie de mortifiant et de prière édifie quand même tout le monde. Père Laval catéchise matin, midi et soir. Afin de mieux se faire comprendre, Jacques-Désiré Laval se met à apprendre la langue des esclaves, le créole, et rédige pour eux un catéchisme entièrement en créole. Il s’entoure très vite de catéchistes qui deviennent ses aides. Le bienheureux père Laval anime une messe chaque dimanche, à midi, pour les Noirs.

En janvier 1842, JacquesDésiré Laval devient aumônier des prisons. Il convertit les condamnés à mort et les accompagne à l’échafaud. Il s’occupera aussi des prisonniers à leur libération et acceptera, par la suite, le ministère auprès des malades à l’hôpital. Après la mort du père Libermann, le 2 février 1852, Jacques-Désiré Laval est nommé supérieur de la communauté de Maurice et de La Réunion, par le père Schwindenhammer, nouveau supérieur général de la Congrégation. Jacques-Désiré Laval est enfin accepté de tous, après avoir été persécuté et humilié.

Il a instruit et baptisé un bon nombre d’affranchis qui ont retrouvé leur dignité d’homme, pendant 23 années de mission. En mai 1854, le choléra sévit à Maurice. Le père Laval se dévoue à l’extrême pour les malades et les mourants. Il en fait de même au cours d’une épidémie de variole très meurtrière en 1856. Exténué par ses travaux apostoliques et ayant subi cinq attaques d’apoplexie, il meurt le 9 septembre 1864, dans l’après-midi, après avoir répété longuement ce verset du psaume :

«J’étais dans la joie, quand on m’a dit : allons à la maison du Seigneur.»

Quarante mille personnes suivent ses funérailles, de la cathédrale à Sainte-Croix, où il a demandé à être enterré.

Jacques-Désiré Laval a été béatifié par le pape Jean-Paul II, le dimanche 29 avril 1979, en la basilique de Saint-Pierre de Rome. Aujourd’hui, personne n’oublie l’humble missionnaire : le pèlerinage annuel de SainteCroix rassemble entre 100 000 et 200 000 Mauriciens. C’est aussi 12 000 pèlerins par semaine le long de l’année. Le père Laval vit dans la mémoire de tout un peuple ; sa tombe est entourée d’un culte sans précédent et vraisemblablement son nom subsistera de génération en génération.