April 25, 2024
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Opinion

Plumer un paille en queue qui a déjà du plomb dans l’aile

La compagnie d’aviation nationale a été placée sous administration volontaire en fin de semaine dernière. L’annonce pour le moins inattendue, a provoqué tristesse, amertume et aussi une onde de choc, au sein de la population. Car, Air Mauritius, qu’on le veuille ou non, ça reste un volet important de nos progrès modernes et de notre patrimoine national. Certains y ont vu la première victime collatérale d’une mort en série de plusieurs de nos entreprises frappées de plein fouet de « l’economicovidicie ».

Et dans ce concert des voix discordantes qui se sont élevés, on note ceux qui ont pointé du doigt la nomination empressée de l’un des administrateurs, à savoir, Sattar Hajee Abdoula, qui se trouve être le nouvellement nommé Président du Conseil d’administration de SBM Holdings et donc jugé en possible situation de conflits d’intérêts, car SBM est l’un des créanciers de MK. D’autres ont fait le procès de cette mort annoncée du Paille en Queue, au vu des séquelles du passé comme le fameux « hedging » sans jugeote et sans fondement de Sanjay Backory, mais aussi des décisions plus récentes comme les limogeages en série des CEOs, qui osaient se mettre en travers de ces hommes inattaquables survolant en haute altitude. L’administration volontaire d’Air Mauritius a surtout donné une bonne excuse à certains, dont un Navin Ramgoolam par exemple, à venir au-devant de la scène pour admonester le pouvoir en place sur sa gestion « jugée calamiteuse » de notre transporteur national, en faisant une impasse volontaire de l’influence d’un certain Mr Sharp par exemple dans les négoces juteux d’achats de nouveaux appareils et de renouvellement de la flotte de Boeings et d’Airbus, du temps où ce dernier empruntait cet ascenseur mystérieux des arcanes du pouvoir rouge.

ATTERRISSAGE FORCÉ

Puis, en queue de peloton viennent ces états d›âmes du commandant de bord Patrick Hoffman, ressortissant Belge dans « L’indocile » où il livre ses impressions sans équivoque sur la chronologie d’un crash inévitable du paille en queue, bien déplumé, et délesté par une cohorte infernale de charognards. Il ne mâche pas ses mots. Il déplore un conseil d’administration hautement politisé et des aspirations démesurées d’un homme qui n’avait qu’une obsession, à savoir agrandir et moderniser la flotte. Il explique également les méfaits (qui causeront le crash précipité d’Air Mauritius) résideraient dans la valse quand ce n’était pas la vacuité de CEOs au sein de la compagnie. Il dévoile aussi ce qui selon lui, a valu à Megh Pillay son atterrissage forcé hors du tarmac de MK. Pour le pilote, il ne fait aucun doute que ce qui a couté à MP son siège est le fait, qu’en fin administrateur qu’il était, il s’était rendu compte de la supercherie, en sus des modifications apportées aux prérogatives de CEO par ses prédécesseurs. Sa sortie en règle, qui consistait à faire comprendre qu’avec lui, ça n’allait pas perdurer, fut l’ultime réaction courageuse qui amena son limogeage. Megh Pillay a payé très cher pour sa perspicacité et par extension sa mise en garde, s’agissant de l’acquisition des A350 à un prix <> supérieur à la moyenne et qui, selon lui, risquait de mettre à mal les finances de la compagnie. On avait alors choisi de duper les esprits et posté des chiffres de profits dopés de MUR 1 milliard, sans préciser que ces chiffres-là n’étaient seulement dus qu’à la baisse du prix du pétrole sur le marché. Tandis que la structure de coûts elle, restait inchangée et finira même par exploser par la suite, avec l’acquisition de nouveaux avions.

GROSSE TURBULENCE AÉRIENNE

Megh Pillay, note Patrick Hoffman dans ses vérités à lui, avait alerté les autorités sur le fait que les bénéfices n’étaient dus exclusivement qu’à la baisse du fuel et leur avait recommandé les mesures suivantes: primo, une recapitalisation massive de MK ; secundo, une rationalisation de la flotte et des destinations recentrées sur les marchés traditionnels de MK; tertio, une refonte totale du « business model » et une renégociation des contrats de leasing à venir pour les A350. Il avait même averti qu’à défaut de le faire, MK serait insolvable à la fin de 2019. Mais au lieu d’y prêter attention, on avait choisi de le pousser vers la porte de sortie, tandis que le tandem qui tirait les ficelles avait fini par faire croire au sommet du Pouvoir que de plantureux bénéfices étaient en route, issus du corridor qui allait générer un énorme cash-flow. Pour ne pas donner raison à celui qui avait vu juste, en l’occurrence Megh Pillay, on abat la carte du Covid 19 pour sauver la mise auprès des actionnaires et aussi s’extirper de cette grosse turbulence aérienne.

UNE GROSSE BOîTE NOIRE DIFFICILE À DÉCODER

Pour beaucoup de Mauriciens, Air Mauritius reste une grosse boîte noire difficile à décoder, tant les interférences politiciennes sont légion. Mais pour tous les employés qui vivent actuellement un très grand drame humain, au-delà des effets anxiogènes du Covid 19, la vérité doit enfin triompher. Le PM n’est pas aussi naïf pour mettre à risque, fragiliser sa position en sauvant ceux qui sont responsables de l’effondrement. Pravind Jugnauth ne manque pas des hommes compétents pour remplacer ceux qui ont contribué à faire dégénérer l’état des lieux de MK. Car, tant que les « WRONG MEN » resteront « IN THE RIGHT PLACE », rien ne servira à y injecter de l’argent. Il s’y est installé dans ce pays une culture perverse, qui autorise à des coupables d’être juchés sur les épaules; alors qu’ils devraient être cloués au pilori. Le nom de Pravind Jugnauth sera envoyé à la postérité s’il brave tout et met une fin à cette grosse injustice