April 19, 2024
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Sècheresse et coupures d’eau : le scenario habituel

Faut-il s’étonner de la menace de coupes d’eau attendues dans les prochaines semaines à la fin de 2022 ? On s’était tous focalisés sur la problématique liée à l’alimentation sans nous rendre aussi compte que tout projet de sécuriser notre alimentation en recourant à la production locale d’une bonne partie de notre consommation était aussi tributaire d’une pluviométrie appropriée… Or, notre pays est régulièrement affecté par des sècheresses et malheureusement, les réservoirs, aussi nombreux soient-ils, n’y peut rien s’il ne peut pas !

La seule explication de l’insuffisance des précipitations est insuffisante pour remédier à cette situation. Et si nous pouvons aussi repousser l’argument de croissance démographique – l’ile Maurice faisant face à un grave problème de fécondité -, il nous faut quand même nous pencher sur les autres facteurs qui contribuent à ce scénario déjà vu. Depuis de longues années, nos gouvernements, toutes tendances confondues, ne parviennent pas à construire des espaces de captation localisés, beaucoup de régions n’étant desservies par la CWA que partiellement car la topographie ne leur permet pas d’être bien connectées. A cette difficulté, il est particulièrement nécessaire de rajouter les mauvaises habitudes d’utilisation domestique et industrielle de l’eau, sans doute expliquées par le fait que l’eau n’est pas vraiment chère à Maurice. Il n’est pas superflu de faire aussi ressortir que du milliard de roupies consenties au ministre des utilités publiques en 2015 afin de rénover le réseau de connexion de la CWA, la population ne sait pas trop où est passé ce colossal budget.

Économies en eau domestique

Si la population peut réaliser des économies en eau domestiques afin de limiter les effets de cette sècheresse déjà annoncée, on voit mal comment les exploitants agricoles dont les maraichers, les petits planteurs de canne et l’industrie sucrière pourraient, eux, tenir face à une telle situation. Dans le même temps, c’est aussi le secteur touristique avec ses grands hôtels et bungalows, pensionnats et restaurants sans oublier les piscines entre autres, qui risquent de souffrir énormément de cette pénurie d’eau. Comment y faire face au moment où l’ile Maurice est à une étape décisive dans notre reprise étant dans l’attente d’un million de touristes dans les prochains six mois ? Où trouver l’eau nécessaire autre que celles des pluies alors que les nappes souterraines sont asséchées ? Le gouvernement aurait-il dû procéder à une gestion de nos eaux en réservoir, avec des coupures programmées et localisées durant les mois d’hiver, quitte à provoquer l’ire de certains habitants ? Il est clair qu’une telle décision n’était pas à l’ordre du jour…

Hausse de prix de légumes

Si la situation de sécheresse dont nous sommes avertis devait se produire, cela provoquerait une véritable augmentation des prix des légumes, car les cultures sont frappées par le manque d’eau pour l’irrigation. Ce n’est pas un secret pour nos dirigeants que les pointes de consommation pour les activités agricoles ou les utilisations domestiques se produisent souvent pendant la saison sèche. Dans le secteur de la fabrication, qui est un grand utilisateur d’eau, ce scénario catastrophique aura aussi un impact négatif important. Si on sait que certains grands hôtels ont déjà investi lourdement dans des dispositifs de récupération d’eaux usées, on ne sait pas, en revanche, si les industries engagées dans la teinturerie ont ce souci. Par ailleurs, il faut ici aussi regretter que le ministère de l’Environnement ne se soit toujours pas engagé dans un relevé de nos cours d’eau et nappes phréatiques partout à Maurice. On sait que certains ruisseaux sont au bord de l’assèchement et ce pour plusieurs raisons : les berges de ces ruisseaux sont souvent envahies par des plantes et autres lianes qui entravent l’écoulement des eaux pluviales vers ces mêmes ruisseaux et par ailleurs, à certains endroits de ceux-ci, des détritus et ordres ordures ménagères bloquent l’écoulement normal de ces cours d’eau. Il convient aussi de savoir que les périodes de sécheresse et conjointement celles de fortes chaleurs mettent en péril la qualité sanitaire des ressources superficielles en eau à cause de leur faible renouvellement, de leur stagnation et des proliférations d’algues ou bactériologiques.

Habitants pollueurs

Par pure négligence, les autorités publiques – à commencer par le ministère de tutelle -, laissent perdurer cette situation, sans attribuer un budget adéquat pour entretenir les berges et ne sévissent nullement contre les habitants pollueurs de nos cours d’eau. Quant aux collectivités locales, elles restent de marbre devant cette situation par crainte de perdre des électeurs ! Pourtant, la crainte d’une aggravation de la situation est bien réelle, car un peu partout à travers Maurice, sous la menace des avancées des projets immobiliers, l’eau deviendra de plus en plus une ressource raréfiée. Et même le projet de désalinisation, qui n’est pas une nouveauté, ne s’offre que comme une goute d’eau en raison des énormes investissements qu’il implique…

Dès aujourd’hui et peu importe les investissements ou l’humeur de la population, le gouvernement doit s’engager dans une véritable stratégie à court et à long terme afin de sécuriser nos ressources en eau. Il n’est plus tolérable d’être régulièrement pris au dépourvu à des périodes cruciales pour notre économie, déjà très fragilisée par les conséquences économiques de la Covid-19 et de la guerre en Ukraine. Les gens de l’Hôtel du Gouvernement devraient pouvoir faire le point là-dessus et réfléchir à des réponses appropriées.

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