April 23, 2024
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Opinion

Tradition de liberté à Maurice : comment s’en servir…

Depuis l’Indépendance de Maurice en 1968, acquis grâce aux suffrages universels, les droits des citoyens n’ont cessé de gagner du terrain, que ce soit pour l’égalité des genres ou la protection des droits des enfants. Dans le même temps, plus près de nous, le pays a ouvert les ondes aux radios privées tout en mettant sur pied des garde-fous pour éviter les diffamations et autres atteintes aux droits et à la vie privée de chaque citoyen. Le droit à la parole libre est inscrit dans notre Constitution, il suffit de voir comment des avocats sont descendus dans la rue durant la semaine écoulée pour faire entendre leurs doléances. Bien entendu, il reste encore du chemin à faire, surtout en ce qui concerne la parité au sein de notre Assemblée nationale, une situation que ne cesse de déplorer la SADC. Ou encore l’introduction du Kreol au sein de cet hémicycle. Le processus y est déjà en marche, mais il semble bien que la machine se soit quelque grippée.

Sur le plan politique, depuis ces derniers temps, il ne passe pas une seule semaine sans qu’on ne voie apparaitre une nouvelle formation politique, avec des personnes nourries de bonnes intentions, mais donnant cependant l’impression de ne pas trop se rendre compte ce qu’implique l’engagement politique.

Engagements en politique

Durant ces trente dernières années, nous avons assisté à des engagements en politique venant de toutes parts, dont des hommes de loi – feu Guy Ollivry s’était présenté à une élection partielle à Stanley/Rose-Hill-, des profes- sionnels ou encore des travailleurs sociaux. Ce sont les élections municipales et villageoises qui rendent surtout compte de la bonne santé de notre démocratie en autorisant à tout citoyen de la République de Maurice de prétendre à la mandature de proximité. Et la presse écrite et les radios privées sont toutes libres d’ouvrir leurs espaces à ces candidats et à leurs opinions dans le respect de la Constitution de Maurice. Il n’existe aucune entrave à la liberté dans le respect des droits de chacun à Maurice et lorsqu’un individu a le sentiment qu’il n’a pas obtenu justice devant nos cours, il peut recourir au Conseil privé de la Reine en Angleterre.

Droits et libertés

Il n’est approprié que chaque opposition critique le gouvernement du jour en raison de violations des droits et libertés. Or, on ne peut que constater – d’ailleurs le citoyen lambda lui-même ne se gêne pour le dire -, que l’opposition du jour, alors qu’il était au gouvernement, n’avait pas œuvré pour faire avancer un quelconque dossier sur lequel il reproche au gouvernement du jour de piétiner. Cette situation illustre les difficultés liées à la mise en œuvre de certaines promesses électo- rales importantes lorsqu’elles sont confrontées à des contraintes économiques. Mais il est de bonne guerre en politique que tous les partis se laissent gagner par la rhétorique de la démagogie… La politique parler vrai n’a jamais fait gagner les élections.

Électorat opportuniste

Il est tout aussi vrai que l’électorat lui-même est suffisamment opportuniste pour faire le jeu des politiciens et contribuer à hausser les enchères durant les campagnes électorales. En vérité, l’ile Maurice est entrée dans une ère de consommation en lien avec notre essor économique des années 85-90 et qui empruntent au mode de vie occidental. Pour s’en rendre compte, il suffit d’aller flâner dans les grandes galeries commerçantes où les boutiques s’articulent autour des immenses foodscourts. Ces boutiques vendent souvent des vêtements et chaussures ‘griffés’ vantés par la pub classique ou les réseaux sociaux. Plus aucun jeune n’y échappe sous peine d’être classé comme ringard ou vieux jeu. De la même manière que le socialisme égalitaire ne fait plus recette, le discours vantant la solidarité, la fraternité ou la convivialité trouve peu d’écho auprès de la jeune génération, qui préfère l’individualisme, le matérialisme et le succès rapide. Tous ces comportements et attitudes ont été étudiés par des experts en psychologie et attitudes, en rapport avec les préférences d’achats. Aussi n’est-il pas étonnant qu’un jeune salarié encore célibataire choisisse d’acheter un portable à un prix supérieur à ses revenus au motif que cet appareil ‘dernier cri’ permet d’identifier sa catégorie sociale et le niveau de son ancrage dans son temps. Il suffit de relire l’essai de Guy Debord, ‘la société du spectacle’ pour comprendre que l’apparition du smartphone et son accessibilité ont conduit une bonne partie de la jeune génération à tout mettre en spectacle : ses nouveaux vêtements et chaussures, sa voiture (qu’elle soit surtout chère !), ses sorties en restaurants ou en mer, ses copines ou copains, entre autres. Tout est mis en ligne pour être exposé et admiré. Mais tout est aussi jugé à l’aune du temps, car nous vivons aussi sous le règne de l’obsolescence…

Comment inverser une telle attitude pour en venir à des choses simples ? Une telle question serait elle-aussi ringarde puisqu’elle pourrait vouloir renvoyer à une certaine nostalgie du temps passé… Au moment où il est de bon ton de parler de robotique, de sciences nouvelles, de connexion digitale à toutes les sauces, la question est de savoir comment trouver le juste milieu pour éviter une société de consommation frénétique, avec ses impacts sur l’environnement, dont l’espace vert, l’eau, les plages, les sous-bois, la faune et la flore… Car, l’enjeu politique et économique doit aussi intégrer la dimension écologique, sans laquelle la petite économie qu’est l’ile Maurice ne pourra avoir de lendemain…

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