March 29, 2024
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Opinion

Un petit Corona aux grands fracas

Le FMI l’a déjà fait savoir dans son autopsie de l’économie post Covid 19 cette semaine, la contraction économique pour Maurice sera de (- 6.8%). Alors qu’au début de l’année, le nouveau ministre des Finances avait prévu une croissance de +3 ; et souvenez-vous il avait même affirmé que Maurice se prémunissait de ressources nécessaires et ne devrait pas avoir recours aux financements étrangers pour soutenir les entreprises en difficulté. Si vous ne l’avez pas encore compris, eh bien sachez que nous sommes dans une récession sans précédent. Et franchement, ça sent le roussi. Concrètement, cela veut dire que les hôteliers ne sont pas prêts de revoir des touristes jusqu’au mois de septembre, dans le meilleur des cas. Quant au textile, il n’est pas prêt non plus à revoir son cahier de commandes se renflouer de sitôt. C’est la galère. Quant aux chantiers de construction, ils sont tout simplement sous perfusion. Pour cause, nous avons été en guerre contre un petit ennemi invisible mais qui a, tout de même, tout décimé sur son passage.

Qu’est-ce qui a provoqué cette sourde colère chez le petit corona envers l’humanité ? Il lui reproche, son avidité, sa cupidité et sa frénésie de polluer la planète sans retenue et sans se soucier des conséquences de ses actes. En conséquence, l’état d’esprit des consommateurs et investisseurs dans le monde va changer drastiquement. Ne vous attendez pas, par exemple, dès la levée du confinement, de voir les français, notre principal pourvoyeur de touristes, sauter dans les premiers avions pour venir se dorer la pilule sur nos plages. Cela ne risque pas d’arriver, car ces derniers vont nettement préférer rester chez eux, par contraintes financières d’une part, par solidarité d’autre part ; et comptent privilégier et consommer français pour faire vivre leurs compatriotes et relever l’économie de leur pays. De même, cette dépendance sur les importations chinoises va très certainement changer, selon les spécialistes de l’économie. Ces experts pensent également que les gens vont beaucoup réfléchir avant de faire des dépenses superflues et par conséquent cela va grandement influencer l’offre et la demande, comme cela avait été le cas après le krach du 24 octobre 1929, aux États-Unis. À cette époque, l’un des principaux problèmes était, qu’avec la décroissance, une même somme d’argent permettait d’acquérir de plus en plus de biens au fur et à mesure de la chute des prix. Dans de telles conditions, les agents économiques attendront le plus longtemps possible avant d’acheter. Du coup, la consommation chutera. Les gens préfèreront aussi garder leurs biens sous forme de monnaie plutôt que d’actifs productifs et ce faisant, c’est l’investissement qui chute.

Pis encore, une récession entraînera la population dans un cercle vicieux destructif, qui peut durer plusieurs années. La chute se traduira aussi dans les cours sur le marché boursier. Quant à la production industrielle, elle va beaucoup baisser. Il se pourrait aussi que des banques, celles les moins capitalisées, fassent faillite et ce faisant, elles augmenteront de manière conséquente le taux de chômage chez les ouvriers, artisans et autres salariés. Devant ce postulat désastreux, l’année 2020 s’annonce donc très affligeante pour tous les pays de la planète qui subiront, qu’ils le veuillent ou non, les contrecoups de cette pandémie qui n’a pas de référence empirique. La longueur et la gravité de cette crise qui peut aisément provoquer la ruine de nombreuses familles, le développement d’un immense chômage, la faillite des banques, et celle de dizaines de milliers d’entreprises, et pour finir le taux de suicide, si les bonnes mesures correctives ne sont pas prises et les bonnes solutions ne sont pas trouvées à temps, doit interpeller les dirigeants de notre pays. S’il y a une chose que l’on peut affirmer du Covid 19 c’est que les croyances qui avaient pu se dégager et laisser croire qu’une crise de type 1929 ne serait plus possible aujourd’hui car désormais « on sait », eh bien toutes, sont désormais remises en causes.

Des mesures protectionnistes qui vont certainement découler de cette épizootie, sont aptes à entrainer une augmentation fulgurante des droits de douane sur les importations, afin de protéger les producteurs indigènes (mis en danger par la compétition internationale). En réponse à cette politique, d’autres pays n’auront d’autre choix que d’augmenter à leur tour leurs droits de douane. D’une façon plus générale il n’est pas exclu que les grandes puissances choisissent de se replier sur eux-mêmes et ne recherchent plus le commerce international devenu trop dangereux, faute de monnaie mondiale. S’il y a une chose dont on est quasi-certain du petit corona c’est qu’il va très probablement altérer la manière de penser des riches qui, une fois n’est pas coutume, se retrouvent sur un pied égalitaire avec les pauvres et vulnérables qu’ils méprisent et exploitent selon leur bon vouloir. Car, quand le petit corona s’est décidé à frapper, milliardaires et clochards se sont déjà retrouvés dans la même fosse commune.

Ce symbolisme doit faire vibrer même le plus hardi des êtres humains. C’est sa manière à lui, le virus, de rétablir un ordre mondial bafoué par le fossé grandissant des inégalités entre riches et pauvres. Le Covid 19 a tout remis à plat et veut qu’avec tous les compteurs à zéro, les dirigeants de la planète prennent le temps de réfléchir sur la portée de leurs décisions et en tirent les leçons qui s’imposent pour rectifier le tir. Il y a dans la fulgurance du petit corona une leçon morale qui demande mûre réflexion et surtout mea-culpa.