May 4, 2024
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Opinion

Basse-cour politique et urgence socioéconomique

Il faut à tout prix que la sérénité retrouve ses droits à Maurice afin que la reprise se maintienne. Maintenant que la police s’est saisie de l’affaire liée à Mauritius Telecom, il faut que le gouvernement et les autres secteurs de l’économie poursuivent sur la voie de la reprise avec une attention particulière à la situation sanitaire. Cet enjeu est la première condition essentielle à la reprise, car à l’heure du bilan, ce gouvernement sera jugé sur la capacité à sauvegarder les emplois et à redonner espoir à l’ensemble de la population.

La bonne nouvelle est que, petit à petit, l’économie retrouve des couleurs, dont celles associées au retour des touristes dans nos hôtels et sur nos plages. En 2020, dans ces mêmes colonnes, nous faisions valoir que ce sont les étrangers qui seront nos meilleurs ambassadeurs pour aller porter la ‘bonne nouvelle’ de retour chez eux. Avec un pays de retour aux affaires, nourri surtout par le souci ‘écologique’, il faut absolument tout mettre en œuvre pour renvoyer l’image d’une île qui aura pris à bras-le-corps l’enjeu environnemental. Mais il faut aussi que la fonction publique s’applique à mettre en œuvre les décisions majeures contenues dans le Budget 2022-2023.

Ce pari là, le gouvernement de Pravind Jugnauth doit le surveiller comme le lait sur le feu, rien ne devant faire obstacle à sa réalisation. De la même manière que les gros projets d’infrastructures publiques décidés avant la pandémie ont été mis en œuvre durant les deux dernières années, il convient aujourd’hui de mettre la même détermination pour aborder le prochain Budget avec la satisfaction d’avoir réalisé une bonne partie des mesures décidées cette année. En sachant aussi que le gouvernement a réagi immédiatement et de manière proportionnée à l’urgence imposée par la hausse des cours des denrées alimentaires.

Céréales et oléagineux

Dans l’immédiat, il faut déjà se réjouir que l’île Maurice ne connaisse pas de rupture alimentaire. Il convient de savoir que ce risque était bien réel depuis que le déclenchement de la guerre en Ukraine a brusquement interrompu la totalité des exportations de céréales et d’oléagineux depuis l’Ukraine et une grande partie de celles de la Russie qui transitent par la Mer Noire. L’interruption a provoqué une envolée des cours du blé, du maïs et des oléagineux, trois composantes de l’indice du prix des denrées de base calculé par la FAO depuis 1961. Mais le danger est toujours présent, car le conflit en Ukraine est en train de gagner en intensité alors que cette inflation agricole porte déjà un coup très sévère à la sécurité alimentaire dans le monde.

La Russie et l’Ukraine

Cette situation est venue révéler une réalité qui montre pour la première fois le poids de la Russie et de l’Ukraine dans l’approvisionnement mondial en denrées de base et d’engrais. En raison de la nature fortement intégrée de ces marchés, des personnes vivant à des milliers de kilomètres du champ de bataille – dont nos marchands de ‘faratas’ ou de ‘mines’ -, subissent les conséquences de la guerre. On comprend dès lors comment les perturbations de l’approvisionnement, que ce conflit provoque, font à leur tour, grimper les prix des aliments et des engrais. Selon un rapport de la FAO, les Seychelles, un pays de notre région, dépend exclusivement de l’Ukraine pour son blé. Par ailleurs et ce qui nous concerne au plus près, est le fait que la situation s’est encore aggravée, car la Russie est la première exportatrice mondiale d’engrais azotés et le deuxième plus important fournisseur d’engrais potassiques de phosphater, ce qui explique la hausse du prix du poulet et des œufs à Maurice.

Il n’est plus un secret pour personne que le prix plus élevé des intrants est soit directement répercuté sur les consommateurs, soit à l’origine d’une moindre utilisation de ces produits, ce qui réduira les volumes des récoltes. On pourrait en fait multiplier les exemples qui montrent l’impact direct et indirect de cette guerre sur la production alimentaire. Mais, dans le sens inverse, pour des personnes vivant dans des pays qui dépendent des exportations de blé, et pour l’ensemble du système alimentaire mondial, cette situation est potentiellement catastrophique. Donc, on peut, d’ores et déjà, conclure qu’aucun conflit militaire ne rend des populations – de quel côté qu’elles se trouvent -, heureuses. Selon l’Oxfam, cette situation fait aussi craindre une aggravation de la malnutrition et de la sous-alimentation. De son côté, le Programme alimentaire mondial (PAM), prédit qu’en Afrique de l’Ouest, 7 à 10 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir d’insécurité alimentaire en raison du conflit militaire en Ukraine.

Impact sur la qualité de l’alimentation

Ainsi, à ce compte-là, il existe très peu de moyens de répondre à une situation qui met quasiment le monde en arrêt. Le gouvernement mauricien fait de son mieux pour atténuer l’impact de cette crise, mais il convient d’examiner de plus près son impact sur la qualité de l’alimentation afin que les enfants issus des familles précarisées ne soient pas touchés par une éventuelle carence alimentaire. Ce qui pourrait affecter leur développement physique et leurs facultés cognitives. Il faudra que, dès aujourd’hui, les soutiens du gouvernement s’accompagnent d’une étude pluridisciplinaire sur les conséquences de cette ‘disruption’ sociale, économique et alimentaire. D

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