April 16, 2024
Hennessy Court 3rd floor Sir John Pope Hennessy street Port-Louis
News

Chagos

Sir Seewoosagur Ramgoolam en compagnie de David Ben Gourion, Premier ministre d’Israël de l’époque.

-La bataille pour le retour des Chagos aurait déjà pu être gagnée en 1974.
-SSR « pas personnellement dérangé ou opposé » à la base militaire de Diego Garcia.
-Henry Kissinger : « Nos conversations doivent rester secrètes nous ne voulons pas embarrasser Ramgoolam. »

Le dossier Chagos a toujours été très politique. Ils sont nombreux, ceux, à avoir clamé la pérennité de cette lutte. Toutefois, l’Histoire retiendra d’une part, les arrangements avec les Américains durant les années 70 et d’autre part la ténacité de SAJ pour que la République récupère son territoire aux mains des néo-colonialistes.
La Cour internationale de Justice a, le 25 février, tranché en faveur de Maurice dans la bataille légale l’opposant au le Royaume Uni au sujet de la souveraineté des Chagos. Une victoire historique pour Maurice et pour SAJ. Le ministre mentor n’a jamais abandonné la lutte, et a offert à la nation une victoire synonyme de liberté et d’espoir. Mais cette bataille aurait déjà pu être gagnée en 1974. Mais, nos dirigeants d’alors étaient trop complaisants à l’égard des puissances américaines et britanniques. Maurice était devenue la marionnette des Président Nixon et puis Ford et était aussi manipulée par la CIA et le MI6.
Mazavaroo revient sur ces évènements qui ont été cruciaux dans la croisade de Maurice pour obtenir justice.

Kissinger and the Washington Conspiracy
Les câbles diplomatiques déclassifiés contiennent une mine d’informations. Et ceux datant du début des années 70 sont des documents essentiels pour comprendre le dossier des Chagos. Selon ces informations, Sir Seewoosagur Ramgoolam (SSR) n’a jamais été « opposé » ou « dérangé » par la création d’une base militaire sur Diego Garcia.
Le Parti Travailliste (PTr) des Ramgoolam père et fils a toujours été une formation politique au double langage. Un discours qu’ils tiennent devant leur électorat et un autre qu’ils tiennent en privé avec leurs amis du jour. Le PTr a toujours clamé haut et fort qu’il soutient la cause Chagossienne, qu’il a été contre l’installation d’une base militaire sur Diego Garcia. Cependant, les câbles diplomatiques déclassifié par le département d’Etat américain nous livrent une toute autre version de l’histoire et un portrait peu flatteur du père de la nation.
Le 16 Avril 1974, Sir Seewoosagur Ramgoolam (SSR), les ambassadeurs Balancy et Ramphul rencontrent le sous-secrétaire américain aux affaires africaines Donald Easum dans une chambre d’hôtel à Washington DC. Il y question des Chagos et de la création d’une base militaire sur Diego Garcia. Le ton est cordial et la conversation amicale.
Donald Easum était un diplomate de carrière et spécialiste des affaires
africaines sous les administrations Nixon et Ford. La rencontre entre SSR et Easum a été documenté et rapporté en haut lieu par un certain Henry Kissinger, conseiller en matière de sécurité nationale du Président Richard Nixon. Kissinger manie l’art de la diplomatie, et a également reçu le prix Nobel de la Paix en 1973 pour son rôle dans les accords de Paris qui ont sonné le retrait des troupes américaines du Vietnam.
Le Premier Ministre de l’époque ne fait pas le poids face à ces mastodontes des relations internationales, les précurseurs du spin-doctoring. Easum est par la suite rejoint par l’ambassadeur Philip Wallace Manhard, ancien prisonnier de guerre qui s’est évadé d’un camp de prisonniers au Vietnam. Manhard a aussi été un espion à la solde de la CIA et le NSA. Il a été nommé ambassadeur des Etats-Unis à Maurice en 1974 et a retourné ses lettres de créances en 1976. Une fois sa mission accomplie.
Easum et Manhard sont là pour analyser Ramgoolam, pour savoir s’ils peuvent toujours le mettre sous leur joug. Ils ont pour mission d’amadouer
le P.M pour qu’il serve leurs intérêts. Kissinger rapporte les propos de Ramgoolam dans sa missive au département d’Etat. Il y est question de la position de SSR au sujet de la création d’une base militaire sur Diego Garcia, de l’influence de l’Union Soviétique sur le MMM, dont la popularité ne cesse de grandir à Maurice et qui constitue une menace pour le PTr de SSR.
« En ce qui concerne l’expansion proposée des installations de la marine américaine à Diego, le P.M dit qu’il n’est pas personnellement dérangé ou opposé à ce projet. Il en reconnait la nécessité et qu’il faut être réaliste… » Selon Kissinger, Ramgoolam est de leur côté, ce dernier essaye de limiter les déclarations publiques au risque de froisser ses alliés indiens. Selon les américains, notre P.M d’alors n’a jamais été opposé au projet de base militaire sur Diego Garcia et que cela ne le dérangeait pas.
La rencontre se poursuit sur le sujet des élections générales qui devraient avoir lieu en 1976… Selon le rapport de Kissinger, Ramgoolam est inquiet et concède que les partis d’opposition (Le Mouvement Militant Mauricien- MMM) utilisent les Chagos comme thème de campagne. Toujours selon les documents américains, Ramgoolam craint qu’on lui reproche d’avoir cédé trop facilement face aux pressions britanniques sur le dossier Chagos pendant les négociations pour que Maurice ait son indépendance. Est-ce qu’il a cédé trop facilement ? On ne le saura jamais. Toutefois, SSR était sûre que l’opposition capitaliserait dessus. Il n’y a jamais de fumé sans feu.
Pour conclure son rapport, Henry Kissinger sert une mise en garde à tous les officiers qui travaillent sur le dossier RAM. Il demande que toutes les communications entre Ramgoolam et le gouvernement américain au sujet des Chagos soient classées secret défense. « Toute répétition de ses propos, toute fuite, notamment émanant de sources américaines, seraient certainement embarrassantes pour lui (Ramgoolam) et contre-productif pour nos intérêts », écrit Kissinger. Les Américains ont tout fait pour protéger l’image de Ramgoolam. Est-ce que ce dernier était-il l’homme des Américains ou simplement un pion dans toute cette histoire. Quoi qu’il en soit, les centaines de documents déclassifiés démontrent clairement que SSR n’a jamais été réellement opposé à militarisation de l’archipel des Chagos. Et que cette situation ne le dérangeait pas.