March 29, 2024
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Opinion

Le cout de la vie : l’épée de Damoclès

Au moment où l’ile Maurice s’apprête à entrer dans sa deuxième phase de vaccination, où le gouvernement et le secteur privé réunissent toutes les conditions pour relancer l’économie, une menace sournoise plane sur la population, celle de l’augmentation du cout de la vie. Depuis le premier confinement qui a d’abord vu une augmentation exorbitante des légumes – pourtant une denrée locale, puis celle de certains produits alimentaires importés dans les grandes surfaces, la tendance à la hausse n’arrête pas. Les importateurs attribuant les hausses au cout du dollar et celle du fret. Et le gouvernement ne semble pas être en mesure d’imposer un contrôle sur ces prix.

Facteurs externes

S’il est vrai que les facteurs externes ne sont pas contrôlables, il n’en est pas moins vrai que les commerçants comment des abus flagrants depuis le premier confinement, car les produits alimentaires surtout, achetés durant des conditions normales étaient déjà en stocks. Mais comme c’est souvent le cas, ces produits sont revendus deux plus cher, sans que le ministère du Commerce ne vérifie les dates d’acquisition. Ces données sont, bien entendu, vérifiables. Le ministère a intérêt à mettre bon ordre parmi les prix, car à force de laisser le champ libre à ce commerce malhonnête, des consommateurs réduits à eux-mêmes et avec peu de revenus, n’hésiteront pas à se livrer à des actes de pillage. Et il ne faut pas croire que la paupérisation n’affecte que des citadins. Des milliers de personnes domiciliées dans des localités du littoral, et de toutes les communautés, ont perdu leurs emplois à cause d’une industrie touristique mise à l’arrêt. Et selon l’organisation internationale du Tourisme, il faudra attendre début 2024 pour retrouver les premières centaines de milliers de touristes fouler le territoire mauricien. Entretemps, les risques d’une crise sociale seront bien présents.

Prix déraisonnables

Une telle perspective, si elle s’avère, peut s’aggraver si les commerçants et autres maraichers se mettent à vendre leurs produits à des prix déraisonnables. Il ne faudrait pas croire, à ce moment-là, que seuls les ‘exclus’ commettront des actes de pillage. Il ne faut pas oublier que de nombreuses personnes ‘propres sur elles’ et domiciliées dans les faubourgs urbains, s’étaient livrées à des pillages durant les émeutes dites ‘Kaya’, emportées par l’hystérie collective. Cette fois-ci, les scènes de pillage risqueraient de se passer partout où des familles ont été réduites à la pauvreté. Là, où se trouvent des hôtels, les usines de textile, les sucreries ou encore Air Mauritius !

Il est du ressort du ministère du Commerce de veiller que des abus ne soient pas commis dans les commerces d’alimentation. Il ne sera plus possible de mettre de l’avant l’absence de moyens – les ressources humaines -, pour effectuer des descentes dans les grandes surfaces, souvent responsables de ces abus. S’il n’y a pas d’inspections du ministère, des commerçants plumés risquent de prendre la loi entre leurs mains. Dans de telles situations, aucun appel au bon sens ne sera entendu.

Chiffres alarmants

Depuis ces dernières semaines, les chiffres alarmants indiquent avec certitude que la reprise dans le secteur touristique se fera attendre. Pour une industrie locale qui fournit plus d’une centaine de milliers d’emplois directs et indirects, cela signifie clairement que des milliers de personnes seront encore privées de revenus. Des gens qui auront les nerfs à vif. Il suffirait d’une petite étincelle – comme des abus au prix dans les produits alimentaires -, pour mettre le feu aux poudres. Dans des localités, où le gouvernement n’a pas une bonne presse, certains habitants n’auraient plus grand-chose à perdre, quitte à se retrouver derrière les barreaux pour avoir dérobé de quoi manger. Ils risquent même de passer pour des martyrs.

Analystes de comportements

Les psychologues ou analystes de comportements collectifs savent comment les foules peuvent être conduites à des extrêmes lorsqu’elles savent qu’elles ne risquent plus rien ou lorsqu’ils sentent que leurs actes ont une certaine légitimité dans un contexte de crise sociale et économique généralisée où il est difficile de désigner des coupables. Ces situations se sont produites dans le Maghreb durant des émeutes dites de la faim. Les pénuries alimentaires ont souvent été à l’origine de ces émeutes, car la faim a une charge émotionnelle sans pareille en ce qu’elle touche des catégories aussi vulnérables que les enfants ou les personnes âgées. Ce sont des émeutes qui s’étendent rapidement et qui ciblent souvent les symboles des riches et des puissants. Ce qui, en clair, signifie que ces catégories de personnes doivent aussi s’émouvoir des signes avant-coureurs d’une crise sociale : elles ont plus à perdre que toute autre personne.

La prise en ligne de compte de cette perspective permet aux pouvoirs publics de cerner tous les enjeux économiques et sociaux liés à la reprise. Celui lié au cout de la vie et au prix des denrées alimentaires et les médicaments sont un enjeu populaire qui affecte aussi les classes intermédiaires. Tout gouvernement responsable dans l’état actuel des choses doit ajuster ses réponses dans une perspective holistique afin que personne ne reste en bordure de route.