Une dernière défection et une déclaration du Premier Ministre (PM) Pravind Jugnauth ont jeté le doute sur l’avenir du Mouvement Militant Mauricien (MMM). Cette partie est-elle encore capable d’occuper une place sur l’échiquier politique ? La démission de Gayatree Dayal de ce parti et l’admission de Salim Abbass Mamode au Mouvement Socialiste Militant sont des factrices objectives et subjectives permettant au PM de déclarer que le MMM est voué à la disparition. Pourtant depuis ces dix dernières années, le MMM était déjà en train de perdre l’essentiel de son lectorat. Le gâteau sur la cerise – le coup de grâce ! -, est venu de la direction du MMM qui, par la voie de son président, Ajay Gunness, est venu concéder que l’opposition est prête à céder le leadership – la locomotive – au Parti travailliste (PTr). Une déclaration qui vient s’ajouter au désarroi et aux contradictions qui minent l’opposition.
Grande alliance
Pourquoi donc le MMM a-t-il fini par céder devant le PTr, un parti déjà profondément incertain sur le choix de son leadership, entre Navin Ramgoolam et Arvin Boolell ? On sait que tout le monde au sein de la Plateforme de l’Opposition, de Paul Bérenger à Roshi Bhadain en passant par Xavier Duval, est opposé à la présence d’un PTr dirigé par Navin Ramgoolam, pour constituer une grande alliance de l’Opposition. Le MMM a toujours en tête la défaite massive de l’alliance PTR-MMM aux élections législatives de décembre 2014, une débandade attribuée au seul leader du PTr. Ce dernier, affirme Paul Bérenger, porte aussi la responsabilité de l’échec de l’opposition d’alors – MMM-PTR/PMSD face au gouvernement sortant MSM-ML aux élections générales de 2019. Depuis 2014, lorsque Paul Bérenger avait fait le choix de rompre l’alliance que son parti avait nouée avec le MSM de feu Anerood Jugnauth pour s’allier au PTr, le déclin des mauves n’a cessé de se poursuivre. Il n’y a pas de facteur extérieur à cela.
Facteurs extérieurs
Si facteurs extérieurs il y a, il faut les chercher dans un contexte historique qui remonte aux années dites de ‘miracle économique’, qui marquent la fin des illusions de gauche portées par le MMM depuis 1976, date de la première participation de ce parti à une élection libre et démocratique. C’est durant ces années-là, surtout après la démolition du Mur de Berlin et la fin de la Guerre Froide, qu’émergeront et triompheront la philosophie du libre-échange et l’économie du marché. C’en sera fini avec le collectivisme et le grand soir, le triomphe du libéralisme dans les ex-satellites de l’empire soviétique ouvrant la voie à une société de consommation. Face à ces mutations économiques, sociales et culturelles, le MMM n’a jamais pu trouver un choix de société qui réconcilierait la justice sociale et la liberté d’entreprendre. Au contraire, ses dirigeants sont restés englués dans une rhétorique figée dans les années 75 avec pour seul but, de conserver une base ouvriériste. Vers la fin des années 90, avec des concessions redoublées aux petits salariés, – les commerces, eux, avaient fait leur beurre grâce aux ‘années miracles’ -, les syndicats proches du MMM étaient presque devenus anachroniques. Un phénomène observé dans les pays où des syndicats proches des partis prosoviétiques étaient en déclin.
General Workers Federation
Sans son bras syndical, la General Workers Federation (GWF), majoritaire dans les secteurs du transport, sucrier, les docks et les mairies, dans les années 75-80, le MMM était privé d’un levier populaire qui justifiait son discours socialiste. On se souviendra que c’est la GWF – dont les dirigeants faisaient partie du bureau politique du MMM et son comité central -, qui avait occasionné la grève générale de 1970. Dès lors, il ne restait, au MMM que le seul terrain politique pour poursuivre son combat social. Une très faible carte car la période était au triomphe économique et du marché, que le MMM – sauf Paul Bérenger qui avait assuré le poste des Finances en 1982 – avait farouchement combattu. Cependant, le MMM était trop empêtré dans un discours ouvriériste pour pouvoir aborder avec sérénité une nécessaire transition vers l’économie de marché. Face à ce dilemme, le MMM a trouvé en face de lui un MSM, certes socialisant mais très pragmatique et soucieux de ménager les équilibres entre le secteur privé et la classe des salariés.
Idéologie en déphasage
C’est ici qu’il faut trouver la réponse à certains au MMM qui déversent leur bile sur des membres de leur parti qui rejoignent le MSM. C’est que le MMM n’est plus capable d’offrir des perspectives à leurs membres et leurs bases en raison d’une idéologie en déphasage avec les nouvelles réalités économiques, sociales et écologiques. Empêtré dans un leadership resté le même depuis 1969 et incapable de proposer un choix de société crédible, le MMM risque de voir d’autres défections dans ses rangs. Et les choses ne risquent pas de s’améliorer au moment où ce parti a accepté de confier la direction de l’Opposition aux rouges. Qu’adviendra-t-il des Bhadain et autres Bodha, qui eux aussi rêvent d’un grand destin ?