Dans le sillage des résultats du SC et des “CREDITS” pour accéder en HSC, il ne serait point malvenu de notre part d’affirmer que l’expression ” l’arbre qui cache la forêt” correspond le mieux à la situation d’ensemble, dans ce secteur à haute tension qu’est l’éducation. À partir de témoignages concordants d’étudiants désabusés et décontenancés, nous avons jugé extrêmement utile de poursuivre notre incursion, en dénonçant l’état des lieux dans l’enseignement supérieur privé. Le modèle de gouvernance dans ces universités privées doit conduire les autorités à réfléchir sur ce qui est en dysfonctionnement à ce niveau et à raffermir les règles.
Aucun modèle de gestion ne sera jamais à l’abri d’erreurs de jugement. Mais ceux et celles qui croient encore que leur façon de diriger des institutions universitaires privées perdurera dans l’indifférence et l’impunité doivent être bien gênés d’expliquer comment de grandes universités installées chez nous peuvent errer, abuser au point, par exemple, de ne dispenser que 140 heures de cours par année, soit 7 heures chaque semaine, pour une vingtaine de semaines de cours. Et, au coût d’au moins Rs.210, 000 annuellement.
Quelle pourrait être la crédibilité d’une institution si, comme les étudiants le font ressortir, les voyages d’agrément des dirigeants au sommet de la hiérarchie se multiplient, au mépris des crises et des problèmes urgents à régler. Ou encore si le principal chargé de cours se désiste en pleine phase terminale (menant aux diplômes) pour prendre de l’emploi dans son pays d’origine, brandissant une offre alléchante d’ailleurs. Ou encore plus, que le «board» ne prenne pas conscience de l’impact psychologique néfaste de sa décision inconvenante de sanctionner une chargée de cours, à trois mois de la fin du passage universitaire d’un groupe d’étudiants. Ce ne sont pas des exemples isolés, mais triés au volet puisqu’ils font partie de la pratique courante dans ces institutions. La TEC qui veille sur le bon fonctionnement de ces universités privées doit s’impliquer davantage pour que l’argent des Mauriciens ne parte pas en pages vides et que nos étudiants ne décrochent pas des diplômes en décalage avec une formation de cours insuffisants.
Les diplômes retentiront comme des accomplissements tonitruants, portant l’empreinte d’universités de renom, mais dans le fond, le gage pour un emploi finan- cièrement convenable sera faible. L’esthétique et la marque de fabrique enrobant le certificat est une chose, mais la capacité des détenteurs à être à la hauteur de la salve ininterrompue de questions d’une commission de recrutement en est une autre. Quelle serait la force de frappe d’un postulant, qui n’a pas bénéficié de sessions adéquates qui lui auraient permis de maîtriser totalement son sujet, à moins que son quotient d’intelligence soit vraiment au-dessus de la moyenne? Toutes ces interrogations nous remettent en mémoire l’implantation même de ces universités. C’est sous le règne travailliste et par l’entremise de Rajesh Jeetah que la première vague de reconnaissance d’écoles privées fut enregistrée. Les avis favorables qui se succedèrent firent l’objet de critiques sévères, aboutissant à l’éclatement de scandales. La démission du ministre de l’enseignement supérieure fut réclamée par l’opposition, mais le PM d’alors vint à sa rescousse en précisant que c’est la TEC qui gérait le domaine.
Pour démontrer que les critiques pleuvent sur l’enseignement supérieur depuis des années, nous prenons la liberté de citer des extraits d’une rubrique par Kris Valaydon le 20 septembre 2018 dans l’Express : «… À l’heure où l’on parle d’Education Hub, il serait utile d’examiner les opérations de séduction que mènent des institutions qui recrutent et de prévoir un cadre régulateur, avec des normes sur le contenu des messages. On doit faire en sorte que l’éducation puisse conserver son fondement d’épanouissement de l’être humain, et qu’elle ne soit pas que vocation… marchande ! »
Ce qu’on doit considérer est que la principale raison pour laquelle les universités ne peuvent pas être gérées comme n’importe quelle autre entreprise est d’un tout autre ordre. La démocratisation de l’enseignement supérieur a profondément transformé l’université qui n’est plus, fort heureusement, l’institution hautement élitiste qu’elle était il y a encore quelques décennies. Les idéaux que sert aujourd’hui l’université sont beaucoup plus près de ceux que l’on retrouve dans différentes institutions du secteur public.
De surcroît, l’université contemporaine est financée en grande partie par des fonds publics. Les conditions d’emploi qui y prévalent devraient donc davantage ressembler aux celles du secteur public plutôt que du secteur privé.
De tout temps, des influences ont tenté d’orienter l’université. De nos jours, certaines pratiques issues du milieu des affaires semblent avoir la cote: suprématie du conseil d’administration, nomination par ce même conseil des dirigeants dans le plus grand secret, commercialisation des activités, insistance sur l’image et le positionnement du «produit», etc. Ce modèle a certainement sa place en entreprise et il est même possible qu’il puisse offrir des éléments bénéfiques aux universités qui ont parfois tendance à s’«autolimiter».
Cependant, cette vision des choses peut également conduire aussi aux excès qui tourmentent à l’heure actuelle ces universités. Elle peut surtout engendrer le désin- vestissement progressif et le cynisme de ceux et celles qui constituent les forces vives du milieu universitaire.
Il ne faut surtout pas exclure les représentants externes, ceux du milieu des affaires comme ceux des milieux sociaux, culturels, des conseils d’administration des universités, car ils ont bel et bien une contribution à apporter. Cependant, un équilibre des points de vue doit être à tout prix recherché. Et, le gouvernement devra exiger que la TEC exerce un contrôle plus rigoureux en élargissant ses paramètres d’opération et en augmentant ses fréquences de visites. Sinon la pente descendante sur laquelle ces universités se sont engagées aura une incidence sur tout l’univers de l’éducation nationale.