April 19, 2024
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Opinion Politique

L’opposition dans l’incapacité d’apporter des solutions

C’est un spectacle désolant que renvoie l’opposition, une affliction qui renforce encore plus l’idée des partis et des individus incapables de se présenter comme alternative à l’actuel gouvernement. Ce n’est pas la nature disparate de l’opposition qui désole, mais la conviction qu’elle n’a rien à proposer de mieux pour relancer l’économie et établir la confiance au sein de la population.

En première ligne pour s’opposer au Parti travailliste (PTr), de Navin Ramgoolam, on retrouve Paul Bérenger ouvertement hostile à l’actuelle direction des rouges. En souhaitant un PTr purgé du ramgoolamisme, il entend secrètement favoriser l’ascension de son propre poulain, Nando Bodha dans une éventuelle plateforme de l’opposition aux futures législatives, laquelle, évidemment, ne s’accommodera pas de Xavier Duval. Le véritable expert en composition ethnique de Maurice, le leader des mauves connaît la réalité de ces facteurs en milieu rural, bien qu’il ne soit plus le seul aujourd’hui. Compte tenu de l’existence d’une faction des rouges restés fidèles à Navin Ramgoolam, le ‘leader Maximo’ toute idée de déboulonner définitivement leur champion et de le remplacer par Arvind Boolell est à mettre aux oubliettes.

Ancrage

Depuis de longues années, déjà, le MMM s’est vu amputer de son ancrage en milieu rural, ses seuls élus ne le sont que lorsque leur parti est en alliance avec le PTr ou le MSM. En fait, depuis la création du MSM, suivie d’année en année du déclin de la général Workers Fédération, qui était le bras syndical du MMM, ce parti a vu l’effritement de ses bases rurales. Il convient de savoir que l’engagement syndical du MMM, depuis sa création jusqu’aux années 80, avait permis à ce parti de s’installer durablement dans l’industrie sucrière. Mais aussi dans des secteurs comme le port, les docks et le transport, ce qui a permis au MMM de se constituer une base électorale ancrée dans ces secteurs. Cela s’est vérifié aux élections législatives de 1976, 1982, 1983 et 1987. Mais, depuis les années 90, marquées par l’essor économique et social de l’île Maurice, le mouvement syndical s’est lui aussi laissé séduire par le libéralisme ambiant et la frénésie de la consommation. Le MMM, dépassé par la nouvelle idéologie libérale, s’en est retrouvé piégé dans son essence socialiste, avec pour résultat l’annihilation des revendications sociales et des syndicats.

Embourgeoisement

Nous avons ainsi assisté à ce qu’on a appelé l’embourgeoi- sement des dirigeants syndicaux. Le déclin des luttes sociales a eu pour conséquence une nouvelle redistribution des cartes politico ethniques dans l’île. La bourgeoisie sucrière elle-même sous l’impulsion des syndicats et du MSM, surtout avec un Anerood Jugnauth qui avait déjà compris que l’intérêt et la survie de cette bourgeoisie étaient dans le compromis, a fini par céder des pans entiers de son bout de gras. Las des mouvements de grève à répétition et sans conséquence sur cette bourgeoisie qu’il combattait et le destin des classes défavorisées, le MMM a dû se résigner à bruler ce qu’il adorait, c’est-à-dire la lutte des classes. Avec la disparition de la classe ouvrière – telle que Karl Marx la concevait-, le MMM a fini par perdre de sa substance idéologique. L’ouvrière de la zone franche, le laboureur, le docker ou encore le travailleur du transport ont tous fini par adhérer au mirage de la société de consommation. Comment donc leur faire comprendre le rôle de leur classe sociale dans le processus de transformation de la société telle que Lénine les assignait.

Classes intermédiaires

La pandémie de Covid-19 et ses conséquences sont venues remettre à plat la situation des classes intermédiaires, déjà fragilisée par l’endettement et incapable de maintenir les exigences de leur mode de vie. Ce sont des catégories sociales où les salaires ne connaissent pas d’augmentation mirobolant et qui se retrouvent parfois avec des revenus égaux à ceux des catégories dites inférieures. Là où celles-ci sont capables de résister aux dépenses superflues, les cadres moyens éprouvent, eux, des difficultés à réduire les dépenses qui leur permettaient de vivre selon leur statut social. Et il est à craindre que cette classe sociale dite intermédiaire ne retrouve plus ce même style de vie pendant de longues années.

Ces mutations économiques dictent aux formations politiques et à la classe politique en général de reformuler leur analyse et stratégie, qui doivent prendre en ligne de compte les nouvelles attentes nées des contraintes économiques de la Covid-19, avec des classes sociales totalement désillusionnées. Comment s’affirmeront les partis politiques dans leurs propositions, compte tenu de la décomposition presque entière de notre économie et l’absence de certitudes quant à une véritable reprise ? Il faudra prendre avec une bonne dose de suspicion celui qui dira apporter des solutions à l’actuel marasme économique. Il n’est donc guère étonnant que l’opposition éprouve une véritable problématique à proposer des idées différentes des soutiens que la Mauritius Investment Corporation apporte aux entreprises de tous les secteurs et de toutes tailles. Car, la réponse première aux classes intermédiaires, à la crise économique provoquée par la Covid-19 est bien de nature financière. Il faut protéger les entreprises et sauvegarder les emplois. Toute autre considération ne serait que secondaire.