May 8, 2024
Hennessy Court 3rd floor Sir John Pope Hennessy street Port-Louis
Lifestyle

Poésie – Elisabeth Técher, volcan intérieur

Ce n’est peut-être pas pour rien qu’Elisabeth Técher parle de volcan intérieur en titre de son recueil de poèmes. Car, il y a un érotisme caché dans les mots qu’elle emploie pour passer son message. Chez cette auteure « en fusion » l’instant est « don d’amour ».Et elle s’adresse à l’amoureux en promettant « le sel de ses lèvres ».

Pour ce faire, elle se fait île, appelant justement à la réunion des êtres. Avec le corps « suant de désir », elle devient femme-flamme, unique, volcanique. Fournaise ardente prête  « à accueillir les fleurs en mon jardin ».Mais cet amour ne se veut pas obsessif. L’amante est prête « à vouloir le voir, sans vouloir le changer ».Elle lui donnera alors « l’intime des courbes dévoilées », espérant « le bon grain. Celui qui prendra soin de la terre, de la fleur au fruit de la récolte. »

En somme, la poétesse nous parle de son « voyage au réveil de l’être ».Sans aller jusqu’aux audaces d’un Pierre Louys, voire d’Apollinaire, elle ose quand même proposer un langage érotique qui se veut « banquet de la vie ».Dans ce recueil, édité par les bons soins de l’Union pour la Défense de l’Identité Réunionnaise (L’UDIR), Elisabeth Técher emprunte au vocabulaire îlien, substituant « piton » pour sexe masculin, et volcan pour le sexe de la femme.

Et c’est peut-être comme cela que la communion des éléments a commencé ? Jules Hermann ne parlait-il pas de désir tellurique, et La Fournaise n’éjecte-t-il pas sa chaude semence dans l’eau de la mer ? La femme devient « l’univers sel » et dans ce jardin d’Eden où bruissent tamariniers, bambous, cocotiers, frangipaniers, manguiers, l’auteure propose toute la panoplie de la flore de son île pour cueillir « l’un et l’autre », Adam et Eve appelant juste à « la tendresse de nos mains ».

La femme-flamme mythifiée par la poétesse offre sa « caverne-zirondèl » à celui qui serait « en accord avec mon corps ».Des photos illustrent son propos, mettant en exergue ce « kapkap né d’une rencontre ».Elisabeth Técher, ou son double littéraire, aura sûrement connu l’extase physique qu’elle ne se cache plus pour aimer. Ce voyage au pays de l’intime, elle nous le révèle dans des mots simples. Arrachés à l’instant présent :

L’accueillir sans frémir

Faire durer l’entrée en scène

Peut-être

L’arrêt aux horloges internes

Continuer à gravir le piton

Jouissant de cette vue

Inondée par cette joie

Elevons-nous

Où la solidité se fond

Se confond

A l’harmonie naturelle

De ce souffle aux lèvres

Et cette chaleur intense tropicale

Caresse les moindres interstices

Unis aux doux mouvements

Du bas vers le haut et inversement

Ascension mémorable

Ineffable

L’union parfaite

Au sein de ce paysage

De l’âme au cœur à corps

Tout est dit dans ce poème. Tout est édité. Immortalisé dans les pages d’un recueil à mettre entre toutes les mains. Parce qu’il parle d’amour « couleur flamboyant » !

Née à Saint-Pierre, Elisabeth a grandi à Saint-Philippe, et réside présentement à Saint-Denis. On la verra au Salon Athéna, qui se tient du 5 au 8 octobre, à Saint-Pierre, la ville de sa naissance. De son ouvrage, elle dit avoir écrit « 150 poèmes, mais Jean-François Samlong, mon éditeur, en a retenu 107.Le reste paraîtra dans mon prochain recueil. »

Elle dit avoir  « à coeur de le partager à voix haute afin de partager l’émotion de  mes mots, telle  la lave en fusion. En fait, j’écris depuis mon enfance. Cela  a commencé dans un journal intime, et puis j’ai toujours aimé les mots. Je me rappelle au collège faire la course aux mots dans le dictionnaire ! Mon lien avec l’écriture est intimement lié à la nature J’ai grandi proche du volcan. Mon père était passionné de photographie de volcan et  des étoiles, et il passait des heures à regarder la mer en silence. Je me rappelle de ces instants dont aujourd’hui je comprends la puissance. ».Pour elle, »lave créatrice illustre ma relation à l’écriture. J’ai écrit ce  recueil  en écoutant la nature et ma nature. En fait, c’est mon second ouvrage. J’ai déjà publié un récit autobiographique aux éditions Les 3 colonnes à Paris, et  intitulé « Huit bougies pour la Vie ».Dans ce premier livre je raconte mes traversées du cancer et ce que j’ai trouvé en chemin. L’espoir de l’instant, l’espérance d’un chemin malgré les gros galets à dépasser tout au long de mes traversées je n’ai jamais cessé d’aimer la Vie telle qu’elle est. Et j’ai regardé ma tristesse, ma colère, mes pertes et j’ai pris le temps de les embrasser. Et puis j’ai pris le temps et je prends le temps chaque jour de renouveler à la vie mon amour. La poésie, c’est pour moi l’expression du sensible de la vie autour de la vie, au coeur à corps de la vie dans une dimension où sens et essence s’unissent. »

En conclusion, elle dit souhaiter  « participer, par mon écriture, à diffuser au sein de mes écrits, la vie qui est Amour, la vie présente, la Vie à chérir, du grain aux racines du sel de la terre à la douceur du ciel. Éveiller la poésie au cœur de la vie auprès des anciens comme des jeunes adolescents afin de les sensibiliser à la joie du Vivant en lien avec la nature. »

Sedley Assonne

Leave a Reply

Your email address will not be published.