Deux questions ont retenu l’attention durant la semaine écoulée : d’abord la prévision de Business Mauritius (BM), à l’effet que le premier trimestre de 2021 verra une nouvelle décroissance à Maurice, puis l’affirmation de Navin Ramgoolam d’une contestation de sa présence à la direction du Parti travailliste.
C’est surtout la nouvelle de nature économique qui demeure préoccupante car elle laisse présager une véritable crise sociale, étant donné son impact sur les entreprises et les emplois. Face à cette perspective, qui ne surprend personne dans un contexte de récession, le gouvernement va sans doute encore une fois proposer des mesures afin d’atténuer l’impact des conséquences de cette nouvelle décroissance, envoyant ainsi à sine die une sortie de crise.
Petites économies insulaires
Il ne faut pas se voiler la figure : les nouvelles risquent d’être mauvaises pendant encore quelques années, comme l’a affirmé la Banque mondiale, car, d’une part, il n’y a aucune indication concernant la mise au point d’un vaccin et, d’autre part, l’état de l’économie mondiale a atteint un tel niveau de décroissance qu’il faudrait des années pour qu’une reprise concrète s’amorce. A plusieurs reprises, les experts internationaux ont indiqué que les petites économies insulaires seront les plus impactées par la crise économique engendrée par la Covid-10, en raison de la dépendance de l’étranger. Aussi, compte tenu de cette réalité, l’ile Maurice doit envisager des stratégies de résilience intérieures, en misant sur le marché domestique. Mais, une telle démarche devra également prendre en ligne de compte le fait que la récession a conduit à des pertes d’emploi et des réductions des salaires conséquentes, impactant lourdement le pouvoir d’achat. Dans ce sillage, les consommateurs sont très devenus, et non sans raison, plus prudents à la dépense. Mais, cette situation est aussi l’occasion de rebooster le secteur productif local pour exploiter le marché domestique. Cette possibilité a déjà été éprouvée dans le secteur de l’hôtellerie, qui avait ouvert ses portes à la clientèle locale durant la saison morte.
Filière alimentaire
La balle est dans le camp du ministre des Petites entreprises afin qu’il dégage cette stratégie, assortie de moyens adéquats pour qu’une telle démarche aboutisse. Bien entendu, en amont, il convient de dresser un inventaire des produits importés qui peuvent être fabriqués à Maurice. En raison du blocus aérien et du cout du dollar, les importateurs ne pourront pas exercer des pressions sur le gouvernement pour conserver leur monopole sur ces produits. C’est une occasion rêvée pour le gouvernement de promouvoir les entreprises locales sans besoin de se justifier face à certains lobbies présents dans le secteur des importations. Ce qui vient instantanément à l’esprit est la mise sur pied d’une filière alimentaire, où la perspective d’une véritable industrie agro-alimentaire devient possible. Cet engagement figure en bonne place dans le Budget 2020-2021, mais il reste à lui donner une véritable impulsion afin de mettre sur pied une filière agro-alimentaire pérenne. L’agroalimentaire concerne aussi la production de lait et l’élevage. Ici encore, il implique que le gouvernement démocratise ces filières en leur ouvrant l’accès à des prêts et en donnant un coup de pouce en termes d’initiation à l’expertise, la gestion et l’étude de marchés.
Le réseau des coopératives
Les conditions objectives et subjectives sont toutes présentes pour favoriser ces initiatives entrepreneuriales, créatrices d’emplois et de richesses et, en même temps, réduisant le cout de la balance des paiements. Le gouvernement peut déjà s’appuyer sur le réseau des coopératives, présentes dans de nombreuses activités mais il faut se saisir des conditions citées plus haut pour stimuler, professionnaliser et, surtout, mettre de l’ordre dans un secteur qui est longtemps resté dans l’ombre du développement, au nom d’une politique ultra radicale de marché. Il est impératif de rendre plus visible ce secteur, véritable grenier de l’ile, mais aussi en raison de sa fonction sociale et économique. Mais, c’est au gouvernement de jouer pleinement ce rôle historique afin d’éviter une catastrophe alimentaire, économique et sociale. La prise en compte de cet enjeu est cruciale au moment où l’opposition souhaite se regrouper pour capitaliser sur les frustrations de certaines couches sociales durement touchées par la récession. C’est dans cette optique qu’il convient d’interpréter l’obsession de Navin Ramgoolam à jouer les premiers rôles au sein du Parti travailliste. Même s’il lui faut renvoyer ce cher Arvin Boolell à ses études.
Nous l’avons dit dans ces colonnes : Navin Ramgoolam est prêt à saper les bases de son propre parti et utiliser tous les moyens pour se présenter comme la seule alternative aux prochaines législatives. Deux grosses défaites ne lui ont pas suffi pour prendre sa retraite. Il lui faut encore se faire prévaloir afin de séduire Bérenger et Duval à des fins d’une alliance de l’opposition parlementaire. C’est cette obsession vengeresse qui lui fait prioritiser la démarche bassement politicienne au lieu des enjeux économiques. Mais on peut comprendre cette posture, car l’opposition sait qu’elle est déjà battue sur le terrain économique, le seul qui vaut d’être inscrite au rang des priorités.
CASSAM DHUNNY