April 19, 2024
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Opinion

Révoquer se conjugue au présent

Tous, nous avons traversé une période historique exceptionnelle, et particulièrement pénible, avec le Covid-19. Notre société fondée sur le culte du mouvement et de la liberté avait dû s’immobiliser d’un coup, et aujourd’hui l’étrange statu quo du confinement des derniers mois de la crise s’est complètement dissipée. En ce moment, cependant, certains pays sont plongés à nouveau dans une angoisse collective, à l’annonce d’une seconde vague ; alors que d’autres États sont terrassés par la détérioration de la situation dans lequel certains veulent voir une part de négligences et le fait cruel d’avoir sous-estimé le virus.

La crise sociale et économique qui suit partout pourrait aussi être particulièrement destructrice. Jamais l’art de gouverner n’aura joué un tel rôle dans l’histoire récente de nos sociétés. On le dit et redit, il faut cultiver, dans la présente crise, un sentiment élevé du bien commun, en cherchant à transcender, le temps de l’épreuve, nos désaccords politiques ordinaires. C’est le cas de le dire, en ce moment. Après avoir géré remarquablement la pandémie, en soutenant que la fermeture des frontières était urgente et le contrôle de l’entrée des individus sur le territoire une nécessité vitale, le PM Pravind Jugnauth peut se présenter dans le rôle du bienfaiteur.

Malheureusement, alors que .le pays avance à tâtons, des antipatriotes, corrompus jusqu’à la moelle, profite de la détresse. Des nominés politiques refusant de voir dans leur accession à des postes-clés un défi et un engagement pour contribuer à sortir le pays de la crise, trouvent au contraire une opportunité pour instrumentaliser la situation difficile et pousser leur avantage. Dans le cataclysme sanitaire que le pays a traversé, n’étant pas à l’abri d’une vague renouvelée, la sale besogne de ces profiteurs constitue une affaire macroscopique et scandaleuse qui ne passe pas inaperçue. Pour quiconque veut considérer les mœurs antidémocratiques de la République, c’est une surenchère d’indécence qui a valeur de complot contre le peuple et l’État. Une indécence illimitée, un sans-gêne époustouflant.

Comme un nouveau virus, les escrocs profitent de la panique qui saisit le pays depuis plusieurs mois pour proliférer et mettre en place des arnaques liées aux lourdes problématiques sanitaires auxquelles les Mauriciens sont confrontés [masques, médicaments et autres matériels logistiques]. L’élan de solidarité en faveur du monde médical, offre un terreau fertile aux malfaiteurs. Cette histoire associée à d’autres, dans différents secteurs, mérite malgré tout d’être racontée, car elle vient confirmer que si la crise sanitaire a traumatisé tout le pays, il en est certains en haut lieu qui trouvent toujours le temps de se livrer à une pratique malheureusement courante mais détestable : la corruption.

Ce n’est pas exagéré que de le remarquer, et face aux exigences du bien commun, ne pas se montrer complice d’une telle entreprise qui a surtout l’allure d’un crime et surtout être saisi d’un courage hors-norme pour dénoncer ces exactions ne doit pas être pris comme une attaque contre le pouvoir en place. Le PM gouverne, mais doit déléguer des attributions dans chaque secteur; du ministre aux hauts fonctionnaires, en passant par les nominés politiques. Humainement, il est incapable de maîtriser tous ces ressorts, comme à partir d’une tour d’ivoire. La confiance, l’éthique et les règles sont autant de paramètres pour que tout s’opère dans les limites acceptables. Ce qui se passe est que ces cadres hiérarchiques n’ont pas les mêmes valeurs morales, conscience et probité. Certains trompent cette confiance, affichent des principes en haut mais pratiquent des magouilles en bas ; et n’ont que faire de la couleur de l’argent.

Autrefois la délinquance financière restait largement cachée ou avait peu d’écho dans l’opinion. Désormais, la médiatisation des affaires contribue certainement à augmenter la croyance en une corruption assez généralisée. Vu du haut et d’en bas de l’échelle sociale, cette conviction est bien ancrée que la corruption des hommes politiques et en celle des fonctionnaires et des nominés politiques sont liées : plus on croit en l’une, plus on croit aussi en l’autre. Le discrédit est général et la certitude très répandue en la corruption de ces hommes à trois échelons tient, évidemment, à l’existence de toutes ces affaires bien réelles, qui sont fortement médiatisées et réprouvées par les opinions publiques, ces derniers temps.

Il n’y a qu’une solution. Il ne s’agit plus de sauver les apparences et d’inventer des procédures biscornues. Il faut être impitoyable et révoquer. Ce verbe se conjugue au présent, non au futur. Le PM peut se targuer d’avoir la vertu de mettre un terme à cette rupture de confiance et cette odieuse dilapidation des fonds publics. Il vient de le démontrer et ce n’est sûrement pas la dernière. Sa devise devrait être celle-ci : « Je n’exprimerai jamais aucune pitié pour ceux qui trahissent ma confiance et qui n’ont aucun égard pour mon poste. » Puissent-ils être de n’importe quel bord ou quelles affiliation et attache.