May 3, 2024
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Opinion

Analyse – Compétences et équipements : Maurice a-t-elle investi suffisamment ?

‘Wise after the event’. Après les catastrophes causées par le cyclone Belal et les tragédies humaines qu’il a engendrées, ce dicton anglais prend tout son sens. Mais ce n’est pas cette seule catastrophe naturelle qui est venue nous rappeler que, par de nombreux aspects, nous sommes encore un pays encore sous-développé avec des autorités et des groupes de personnes encore ancrés dans des pratiques qui prennent prendre à contre-pied les rhétoriques officielles qui veulent faire accroire que l’île Maurice serait devenue une économie moderne. Que ce soit en termes de compétences ou d’équipements, les autorités n’ont pas fait assez d’efforts pour se donner les moyens de réaliser leurs ambitions. Pour un exemple flagrant, ni notre police ni notre secteur de santé publique ne sont équipés de systèmes informatisés. Il est facile de se rendre dans un centre de santé local – les fameux ‘dispensers’ – pour en être convaincu. Tout est toujours consigné dans des registres, que ce soit à l’accueil ou lors des consultations. Il est évident que les syndicats des fonctionnaires ne sont pratiquement jamais présents pour plaider en faveur de la formation des fonctionnaires aux nouvelles technologies de communication. Il peut arriver que des médecins travaillant dans ces centres perdent un temps considérable à chercher les registres, tandis qu’à l’enregistrement, il n’est pas rare que des dossiers s’égarent.

Ordinateurs

Dans les hôpitaux, les ordinateurs sont une ressource rare et bon nombre de membres du personnel paramédical, y compris ceux qui travaillent au service d’accueil, ne connaissent pas du tout l’informatique. Beaucoup d’entre eux sont réfractaires aux stages d’initiation à cet outil devenu indispensable dans notre quotidien, préférant les méthodes anachroniques… Pourtant, à en croire la pub, les écoles de formation en informatique ne manquent pas aux coins de l’île Maurice de même que les espaces publics pour offrir des cours d’initiation gratuits, notamment les centres communautaires, les écoles et collèges d’État… C’est une véritable aberration que les informations pour le public et offerts par les services cités plus haut, ne soient pas disponibles sur les téléphones mobiles dont les prix ne cessent de diminuer. On entend fréquemment parler de l’île Maurice comme d’un des pays au monde qui compte le plus grand nombre de téléphones par habitant.

Investissements

Les investissements dans des équipements demeurent un enjeu problématique car certains équipements coûtent des dizaines de millions de roupies et ne sont utilisés que pour une période limitée. On peut observer cela dans le bâtiment où les pelleteuses et autres bétonneuses restent souvent recouvertes de bâches et sans aucun entretien en raison de l’absence de projets de construction. Malgré tout, si les entreprises de ce secteur avaient partagé leurs ressources financières, elles auraient obtenu un retour sur investissement optimal pour leurs investissements dans ces équipements lourds. Dans d’autres domaines, il est possible de constater ces dépenses, diminuées néanmoins par la formule du ‘leasing’. Dans de nombreux espaces publics de l’île, surtout ceux du milieu rural, il existe de réelles possibilités de former les habitants, retraités et actifs aux nouvelles technologies de la communication, dont l’usage des téléphones mobiles. Il est possible d’élaborer des projets, en collaborant avec des formateurs, et de réquisitionner les espaces qui sont majoritairement des centres communautaires. Certes, les autorités ont déjà un ‘autobus’ itinéraire qui sert à initier les seniors à l’informatique, mais ce véhicule très bien aménagé ne suffit pas pour les quelque 260 000 seniors de l’île. De la même manière, les municipalités et Conseils de District auraient pu mettre les stades de football de leurs juridictions respectives au service des citadins et villageois pour l’organisation de différents types d’activités post-travail ou tôt le matin. Ces formules sont à l’œuvre dans des pays pauvres où les autorités locales ont un véritable souci pour la santé des habitants mais surtout pour éviter aux jeunes de se dévoyer dans la drogue et la délinquance. Les micro-projets de l’Inde et du Bangladesh ont connu une grande popularité à l’échelle mondiale. Mais, à Maurice, il faut à certaines citadines l’espace des ‘fitness centres’ de zumba, avec musique et équipements de dernier cri. À l’île Maurice, une petite île qui souffre régulièrement d’inondations, où les accidents de route font régulièrement les gros titres. Nous vivons au-dessus de nos moyens…

Alternance

Ces initiatives devraient pouvoir se dérouler sans être influencées par des décisions politiques. Pourtant, dans une île où la rumeur politique est omniprésente, tout est influencé par la politique. Il suffit d’une alternance au gouvernement ou dans les collectivités locales pour mettre fin à un projet louable initié par les administrations précédentes. Les deux pieds déjà ancrés dans une année d’élections générales prévues en fin de 2024, il est à craindre que le pays perde le sens de ses priorités qui sont celles de consolider la reprise après la double crise de la Covid et de la guerre en Ukraine. A ce titre, il appartient au Premier ministre de maintenir le cap des décisions contenues dans ses précédents Budgets, en sachant que l’Opposition si d’aventure elle accédait au pouvoir, n’aurait d’autre choix que de maintenir les projets mis en œuvre par son gouvernement. On ne voit pas le leader du Labour, le Dr Navin Ramgoolam livrer le pays pieds et poings liés à la Fédération russe ou à la France, qui a bien d’autres chats à fouetter alors que Rishi Sunak, lui, nous a infligé un coup de massue magistrale sur le dossier Chagos. Ce qui vient démontrer, si besoin était, que l’enjeu géopolitique, devient de plus en plus complexe.

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