December 7, 2024
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Analyse: La police, la sécurité et les dérives

Comme tout service de l’État et du secteur privé, la police n’échappe pas non plus à des dérives qui sont de nature économique et sociale. Plus que d’autres, il constitue un lien social de la plus haute importance pour le public parce qu’il a pour mission d’assurer sa sécurité. Or depuis ces vingt dernières années et bien avant les gouvernements successifs dirigés par le MSM et ses alliés (le ML et le PMSD), la police a été sous les feux des projecteurs et visé par des critiques de la population. On se souviendra de la gestion de feu Raj Dayal, lequel lui avait valu une commission d’enquête. La police est fondamentalement une institution de nature sociale avec des responsabilités beaucoup plus exigeantes, mais elle n’est nullement exempte des changements économiques dans notre société. À Maurice, nous pensons qu’il est resté ancré dans une administration anachronique totalement déphasée par rapport aux changements de notre société.

Les années 60-70

On a souvent évoqué les années 60-70 pour mettre en lumière la proximité que la police entretenait avec la population, ce qui lui permettait d’être informée sur tout ce qui se passait dans des quartiers dont elle avait la responsabilité. Mais c’était également le moment où la police inspirait la peur et le respect. C’était l’époque où les parents et les enseignants aussi inspiraient ces mêmes sentiments. L’ile Maurice des années 60.70.80 était elle-même un pays sous-développé, avec une génération qui trimait et des jeunes qui avaient connu l’époque de l’Indépendance alors qu’ils étaient en fin de primaire. Plus encore le monde n’était pas encore ce fameux village global réseauté par Internet où l’information et ses excès nous atteignent en temps réel. La roupie permettait d’acheter du pain, du sucre, de l’huile et peut-être une boîte de sardines. Et en ces années-là, dans la force policière, il n’existait que les constables, les soldats de la Spécial mobile force et la Central Investigation Département et moins connue la Spécial Branch, la police politique. La génération après 2020 n’a pas vécu ces années et elle ne veut pas qu’on lui en parle. La grande majorité des policiers d’aujourd’hui font partie de cette génération.

Formation des recrues

On a beaucoup parlé de la formation des recrues dans la police et insisté sur la nécessité de leur prodiguer une instruction morale et civique, comme si la famille, l’école et les religions avaient toutes raté leur vocation. C’est comme si ces recrues étaient d’une autre planète et qu’il fallait repartir à zéro. La grande majorité de ces jeunes s’enrôlent pour occuper un emploi qui n’est pas de vocation et personne parmi eux n’aspire à devenir policier pour traiter avec les narcotrafiquants. C’est en cours de route que des occasions se présentent et des liens se tissent. Il y a bien eu un moment avant eux où les trafiquants de drogue et leurs dealers ont établi des relations de confiance avec des simples policiers de quartier ou avec des hauts gradés à Port-Louis. Et pour que ces relations perdurent, il fallait bien tisser de liens avec de nouvelles recrues, le mettre dans le bain et leur faire miroiter les avantages pécuniaires que leur offrent ces activités bien plus que leurs simples petits salaires mensuels. Il faut bien se dire qu’aucun simple flic n’oserait se prêter à cette ‘collaboration’ si celle-ci n’existe déjà pas. Dans n’importer poste de police d’une localité où se pratique le commerce des drogues, les policiers qui y sont affectés sont au courant d’une certaine complicité entre certains de leurs collègues et certains dealers ou soupçonnent l’existence de ses liens ou encore y détournent pudiquement le regard.

Discours de la police

C’est bien le discours de la police selon lequel la collaboration des habitants est indispensable afin de lutter contre le trafic de stupéfiants dans leur quartier. Or, dans la pratique, cette collaboration n’a jamais porté ses fruits, pour la bonne raison que ses habitants soupçonnent certains policiers d’être de mèche avec ces dealers qui habitent dans leur localité. Si d’aventure un habitant veut dénoncer un dealer, il se dit qu’il y a de fortes chances qu’un policier du poste de sa localité refile l’information au dealer dénoncé. Il n’était un secret pour aucun habitant d’une certaine localité de l’est qu’un individu y menait train de vie de milliardaire alors que ses origines étaient plutôt très modestes. Ce détail de taille s’était échappé étrangement de la police de cette localité. C’est ainsi que ce petit commerce de proximité se perpétue, avec bien entendu le soutien de certains avocats dont les noms sont bien notés dans les portables des petits dealers et gros trafiquants.

Dialogue avec les habitants

Pour que la police renoue le dialogue avec les habitants, il est indispensable de reconnaître l’expertise citoyenne. Ce sont toujours les habitants des quartiers qui sont les mieux placés pour identifier les dealers et suivre leurs mouvements. Une telle démarche de la police permet de mieux identifier les besoins locaux et comporte une dimension pédagogique. Elle permet à la police d’informer les citoyens sur ses contraintes opérationnelles et de disséminer des informations importantes pour son travail. Pour réussir, il est néanmoins indispensable d’inscrire ces actions dans la durée, d’y associer tous les échelons hiérarchiques de la police et d’intégrer les populations éloignées des institutions. Mais comment y arriver si la confiance en la police se dilue et que s’installe plutôt le doute et la suspicion ? Plus qu’un simple ajustement aux attentes de la population et des policiers, il faut une réforme qui implique un véritable changement culturel au sein de l’institution policière. La formation, les méthodes de management mais aussi l’évaluation des agents doivent être adaptées.  Il faut valoriser la capacité des policiers à traiter les problèmes sur le terrain et diversifier les scènes d’évaluation. Le combat contre le trafic des drogues n’a pas de prix, il faut envoyer des signaux forts aux trafiquants et petits dealers comme au temps de feu Sir Anerood Jugnauth.

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