Ce n’est pas trop : le gouvernement mauricien semble vouloir enfin intensifier ses ambitions d’investir en Afrique. À ce jour, seules des banques rendaient compte de leurs investissements en Afrique, mais leur intérêt pour le continent avait déjà valeur d’indicateur. Chaque année, les agences de notation ainsi que des cabinets de conseils partout dans le monde ne cessent de répéter que l’Afrique demeure le dernier continent ou des opportunités de commerce et de coopération existent après que les multinationales aient ratissé les autres endroits au monde.
Les ambitions d’exploiter davantage le marché africain dans le but de diversifier nos marchés d’exportation seront-elles favorisées avec la mise sur pied de zones économiques spéciales ? C’est la question qui est posée avant que le gouvernement mauricien ne précise sa démarche en mettant sur pied des fonds additionnels et des bureaux dans des pays africains où il compte développer ses intérêts. Il existe un fond africain géré par le ministère des Finances, mais on ne connaît pas grand-chose concernant son utilisation. Seules les banques présentes dans certains pays africains où le secteur minier est la principale activité économique connaissent les réalités de ces pays. Les Mauriciens, dans leur grande majorité, connaissent très mal l’Afrique, du Maghreb jusqu’à l’Afrique du Sud, en passant par les pays du centre. Il existe des idées préconçues de l’Afrique selon lesquelles, le continent serait constamment ravagé par des coups d’Etat militaire, gangrenée par la corruption, les maladies, les fléaux sociaux sans oublier les instabilités climatiques. Mais, les rapports réalisés par des cabinets de conseils montre une toute image de l’Afrique, plus nuancée, avec des pays possédant chacun leurs particularités selon leurs rapports entre eux et les ex-puissances qui les ont colonisées, mais aussi avec la Chine et l’Inde, les deux pays d’Asie très présents sur le continent depuis ces dix dernières années.
Africa CEO Forum
Le lundi 5 juin 2023 s’est ouvert le plus grand rassemblement annuel du secteur privé en Afrique, l’Africa CEO Forum, cet événement rassemblant 2000 participants, dont les principaux acteurs économiques du continent ainsi que des Chefs d’État et ministres de plusieurs pays. C’est l’Economic Development Board (EDB) qui y a représenté l’ile Maurice. Durant deux jours, ils ont été conviés à échanger sur l’émergence d’une nouvelle génération de champions africains. Près d’une trentaine d’entreprises et groupes mauriciens (BPO, CIEL, ITL, etc.) étaient représentés à cette édition 2023 de l’Africa CEO Forum, le plus grand rassemblement de décideurs du continent. Fondé en 2012, l’Africa CEO Forum est la plateforme de référence des dirigeants des plus grandes entreprises africaines et internationales, des investisseurs internationaux, des responsables de multinationales, des chefs d’État, des ministres et des représentants des principales institutions financières actives sur le continent. Incontestablement le lieu de rencontres de haut niveau, de partage d’expériences et de décryptage des tendances qui affectent le monde des affaires, l’AFRICA CEO FORUM propose des solutions concrètes et innovantes pour faire avancer les entreprises du continent. Grâce à ses initiatives, l’AFRICA CEO FORUM accroît la représentation des femmes aux postes de décision sur le continent et soutient la transformation des entreprises familiales africaines. C’est à travers de telles plateformes que de nombreux pays africains portent un véritable intérêt à l’ile Maurice depuis le milieu des années 80 où notre pays s’était fait la réputation d’une petite ils sans ressource ayant réalisé un ‘miracle économique’ grâce à ses entrepreneurs et un écosystème qui avait créé les conditions pour son essor économique sans précédent…
Depuis ces vingt dernières années, l’ile Maurice a encore élargi cette belle réputation bâtie sur une solide stabilité politique qui ne s’est jamais démentie, les alternances se faisant dans le respect des institutions. Depuis la décentralisation dans le secteur du sucre, l’ile Maurice a su négocier avec succès sa recherche de nouveaux piliers
économiques, la dépendance sur la monoculture ne devenant plus viable. Mais pour y arriver, notre pays a dû investir lourdement dans la formation de nouvelles compétences, notamment dans la finance, la banque, les télécommunications, le commerce et le droit des affaires, entre autres. Ce défi dans la formation, comme celui qui s’était présenté à l’ile Maurice au lendemain de l’Indépendance, a été relevé et si bien que le secteur financier est devenu une filière à succès à Maurice et a montré sa résilience face à la ‘disrupture’ provoquée par la pandémie en 2020
Nouvelle configuration économique
Cependant, depuis la double crise économique provoquée par la Covid-19 et la guerre en Ukraine, la nouvelle configuration économique nous dicte de réévaluer nos relations avec le monde. En Afrique, cette réalité est déjà prise en ligne de compte, car au moment où la prolifération des crises à l’échelle mondiale s’accélère, la priorité du continent africain doit encore davantage se tourner vers la construction d’économies souveraines, résilientes et prospères. Il convient de savoir que les PME, les entreprises de taille intermédiaire et les grands groupes africains sont les premiers pourvoyeurs d’emplois et les relais économiques indispensables de la puissance publique. L’ile Maurice peut, elle, s’enorgueillir d’avoir des grands groupes patrimoniaux, de même que des banques et compagnies d’assurance qui se sont constitués grâce à des fonds propres et que sa transition vers l’Indépendance s’est déroulée dans la paix et l’harmonie, hormis l’infecte campagne communaliste du PMSD et les bagarres raciales. Si ces bases ont été déterminantes pour relever le défi posé par le sous-développement, l’absence de richesses naturelles à Maurice de même que la crainte d’une explosion démographique, en cette année post-Covid, il importe d’affronter des défis autrement plus complexes dus à la mondialisation des échanges des biens et services.
Aussi, ce contexte nouveau dicte d’explorer de nouveaux marchés en addition à nos amis traditionnels que sont l’Europe et l’Inde. La tendance depuis ces trente dernières années est de rechercher des partenaires de proximité dans une philosophie de commerce gagnant-gagnant. Notre appartenance au continent africain conjuguée à notre réputation héritée des années de ‘miracle économique’, nos compétences dans différents domaines sans oublier notre bilinguisme, sont des atouts sur lesquels il nous faudra nous appuyer pour réussir ce nouveau défi de diversification.