La politique à Maurice a été marquée par plusieurs évènements surprenants, allant de Paul Raymond Bérenger comme Premier ministre jusqu’à l’arrestation de Navin Chandra Ramgoolam en 2015. Le paysage politique de Maurice a connu son lot de polémiques et de bouleversements qui d’un côté, a bénéficié à un parti politique et de l’autre côté a été néfaste à un autre parti. Etant riche d’évènements, il fallait faire un survol de plusieurs de ces évènements marquant ces deux décennies et demi, de 1995 à 2020.
En 1995, le Parti Travailliste (PTr) a un nouveau leader, le Dr Navin Chandra Ramgoolam. Le Mouvement Militant Mauricien (MMM) de Paul Bérenger, sentant la défaite du Mouvement Socialiste Militant (MSM), forge une alliance avec le PTr et remporte les législatives de 1995 haut la main. L’électorat mauricien fait alors la connaissance du plus jeune Premier ministre que le pays ait connu en la personne de Navin Ramgoolam, âgé alors de 48 ans. Le nouveau premier ministre avait été sur le point d’immigrer au Canada après la mort de son père, Sir Seewoosagur Ramgoolam, en 1985, mais Sir Satcam Boolell (le leader de l’opposition d’alors, père d’Arvin Boolell) et Paul Bérenger réussirent à le convaincre de revenir assumer la direction du Labour Party, dans le but de faire une alliance qui battrait Anerood Jugnauth aux législatives de 1995. Une victoire incroyable pour Navin Ramgoolam et pour Paul Bérenger, 60-0, dont 35 sièges pour le Parti Travailliste et 25 sièges pour le Mouvement Militant Mauricien. Navin Ramgoolam devient Premier ministre et nomme Paul Bérenger comme son vice-Premier Ministre. Mais en 1997, la coalition se fracture et Navin Ramgoolam limoge Paul Bérenger. La plupart des membres élus du MMM suivirent Paul Bérenger après son départ du gouvernement.
Paul Bérenger devient Premier ministre
Trois ans après avoir été limogé de son poste de vice-Premier ministre, Paul Bérenger forme une alliance avec le Mouvement Socialiste Militant (MSM) de Sir Anerood Jugnauth, le Parti mauricien social-démocrate (PMSD) de Xavier Luc Duval, le Mouvement Républicain (MR) de Rama Valayden et l’Organisation Fraternelle-Les Verts (O-FV) de Sylvio Michel. La nouvelle alliance remporte les élections de 2000 avec comme arrangement : Anerood Jugnauth sera le Premier ministre pendant les trois premières années puis deviendra Président de la République, auquel poste il accèdera en octobre 2003, puis Paul Bérenger sera le Premier ministre pour les deux années qui suivirent.
L’Alliance sociale contre l’Alliance Gouvernementale
Le pays en 2003, connaît un nouveau Premier ministre, Paul Raymond Bérenger, dont l’accession au fauteuil de Premier ministre était véritablement une première, étant le premier (et le seul à ce jour) non-hindou à y parvenir. Dans l’accord, Pravind Jugnauth est devenu vice-Premier ministre et ministre des Finances sous le mandat de Paul Bérenger de 2003 à 2005. Dès le début de son mandat en 2003, Paul Bérenger prédisait que Pravind Jugnauth : «A un destin de Premier ministre. » Il semblerait qu’il avait bien prédit le destin de Pravind Jugnauth. Petite anecdote, les républicains avaient l’habitude d’appeler celui qui prédisaient des évènements, le responsable de ces évènements. Donc, la prédiction de Paul Bérenger se réalisa en 2017, mais nous reviendrons plus tard sur le premier mandat de Pravind Jugnauth comme Premier Ministre. En 2005, l’Alliance Gouvernementale, composée du MMM, PMSD et du MSM, affronte l’Alliance Sociale, composée du PTr, MR, OF-V, PMXD, MMSM et le MSD d’Anil Baichoo. Cette dernière, l’Alliance Sociale, remporte les législatives de 2005 et Navin Ramgoolam se retrouve de nouveau à la tête du pays comme Premier ministre avec une majorité de 38 sièges sur 60 et Rashid Beebeejaun devient vice-Premier ministre. 24 sièges ont été remportés par la coalition de Paul Bérenger et de Sir Anerood Jugnauth, composée du MMM et MSM. Mais Pravind Jugnauth, le leader du MSM, a perdu son siège au profit d’un candidat de l’Alliance Sociale. De plus, l’Alliance Sociale remporta les élections municipales en 2006 où le MSM et le MMM ont connu une défaite écrasante. Ces défaites et les instabilités internes provoquèrent l’éclatement de la coalition MSM/MMM. Du fait que le MSM compte plus de sièges que le MMM, et du fait que Pravind Jugnauth n’ai pas été élu, Nando Bodha s’est vu nommer leader de l’opposition.
En 2006, Paul Berenger a proposé à Rajesh Bhagwan, un autre membre du MMM, d’être Chief Whip de l’opposition. Le MSM ayant plus de sièges que le MMM a donc retiré son soutien à Paul Berenger et a brisé la coalition. Pravind Jugnauth a continué de diriger le parti même s’il n’était pas membre du Parlement. Ashok Jugnauth, qui est l’oncle de Pravind Jugnauth, voulait devenir le leader du MSM et voulait assumer aussi le poste de leader de l’opposition. Mais Pravind Jugnauth s’était opposé à cela et une querelle a explosé entre les deux. Ashok Jugnauth décida alors de quitter le MSM, déclarant que le parti était une dictature avec Pravind Jugnauth comme le seul leader. Deux autres membres du MSM quittèrent les rangs, à savoir Joe Lesjongard qui était président du parti, et Sekar Naidu. Ils ont ensuite prêté allégeance à Paul Bérenger, qui est devenu, ipso facto, leader de l’opposition. Ashok Jugnauth a aussi perdu son siège au parlement car la Cour suprême de Maurice l’avait reconnu coupable de fraude et de corruption de 2000 à 2005. Il était alors ministre de la Santé. Selon la loi, un député condamné par le tribunal perd son siège avec effet immédiat.
Le Premier ministre, Navin Ramgoolam, avait par la suite annoncé une élection partielle afin d’élire un député. Ashok Jugnauth avait annoncé sa candidature aux élections partielles et a reçu le soutien de Paul Berenger et du MMM, tandis que le Parti travailliste a décidé de ne pas aligner de candidat. A la surprise générale, le PTr a apporté son soutien à Pravind Jugnauth, qui a ensuite annoncé sa candidature dans la circonscription 8. Le 2 mars 2009, Pravind Jugnauth regagne son siège au Parlement. Les élections partielles ont scellé l’alliance du Parti travailliste et du Mouvement socialiste militant pour les élections générales de 2010.
L’Avenir
Juste avant les législatives de 2010, l’Alliance Sociale se rapproche du MSM et forme l’Alliance de l’Avenir contre le MMM. Navin Ramgoolam avait décidé en 2008 de soutenir Anerood Jugnauth pour sa réélection à la présidence, afin d’empêcher un éventuel retour de ce dernier au parlement. Navin Ramgoolam le considérait comme une menace potentielle et comme dit l’adage: sois proche de tes amis, et encore plus proche de tes ennemis. La condition d’Anerood Jugnauth pour accepter l’offre était une alliance entre le Parti travail- liste et le MSM. Sur l’insistance de Ramgoolam, l’Alliance de L’Avenir comprenait également le PMSD qui avait absorbé le PMXD. L’Alliance de L’Avenir a remporté 41 des 60 sièges en jeu. Ramgoolam est resté Premier ministre et Pravind Jugnauth, fils de Sir Anerood Jugnauth, est devenu son vice-Premier ministre. Au final, le PTr, le MSM et le PMSD remportent les législatives de 2010 avec toujours Navin Ramgoolam en tant que Premier Ministre, et donc un troisième quinquennat pour lui. Son cabinet se composa de Pravind Jugnauth comme Ministre des Finances et Xavier-Luc Duval comme Ministre de l’intégration sociale. La coalition ne perdura pas pendant longtemps, car en 2011, les ministres du MSM démis- sionnèrent du gouvernement à la suite d’un profond désaccord suite à l’implication de certains membres du MSM dans le scandale de Medpoint. Navin Ramgoolam renvoya le MSM du gouvernement et ils rejoignirent l’opposition et discutèrent d’alliance avec le MMM pour les prochaines législatives.
Victoire écrasante de L’Alliance Lepep
Les législatives de 2014 étaient au départ prévues pour 2015. Le Parti Travailliste de Navin Ramgoolam avait conclu une nouvelle alliance avec le MMM de Paul Bérenger. Ils proposaient d’amender la constitution afin de faire passer la présidence à un rôle moins cérémoniel. Les deux leaders ont affirmé que l’élection était un référendum sur une proposition qu’ils ont appelé la Deuxième République. Si l’Alliance du PTr et du MMM détenait plus de 45 des 60 sièges, la constitution serait modifiée afin que Navin Ramgoolam se présente à la Présidence et que Paul Bérenger lui succéder comme Premier Ministre. En 2014, suite à un désaccord concernant une coalition entre le PTr et le MMM aux prochaines élections, le PMSD de Xavier-Luc Duval quitte le gouvernement. Il s’alliera alors avec le MSM et le Muvman Liberater (formé à partir de membres du MMM qui contestaient la coalition avec le PTr) pour former l’Alliance Lepep. La dissolution de l’Assemblée Nationale eu lieu le 6 octobre 2014 et les législatives furent prévu pour le 10 décembre de la même année. Les législatives de 2014 montrèrent la victoire écrasante de l’Alliance Lepep (47 des 62 sièges de l’Assemblée contre 13 pour la coalition PTr-MMM – 2 pour Rodrigues). Navin Ramgoolam, Premier Ministre sortant, est personnellement battu dans son propre fief, la circonscription Triolet/Pamplemousses (5) et perd son siège de député qu’il occupait depuis plus de 20 ans. Le 12 décembre 2014, il a démissionné de son poste de Premier ministre. Le PTr arriva à sauver seulement 4 des 33 sièges qu’il détenait dans l’Assemblée et le MMM passe de 20 à 9 députés dans le nouvel hémicycle composé d’une majorité Orange. Sir Anerood Jugnauth devient alors le nouveau Premier Ministre à l’âge de 84 ans.
Navin Ramgoolam en prison
Un mois et trois semaines seulement après avoir perdu les élections de 2014, l’ancien Premier ministre, Navin Ramgoolam, a été arrêté pour implication dans des cas de complot et de blanchiment d›argent. C›est la première fois qu›un Premier ministre mauricien est envoyé en prison. Cette arrestation a initialement été liée à une enquête sur un cambriolage dans son bungalow (L’affaire RochesNoires). La police a cru que l’ancien Premier ministre avait menti dans l’une de ses déclarations et était prête à l’accuser de complot. Mais lorsque les policiers ont fouillé sa maison, ils ont trouvé des millions en devises étrangères entassé dans un coffre-fort et l’ont inculpé de blanchiment d’argent, pour lequel la peine peut être de 10 ans de prison en vertu de la loi mauricienne.
Passation de pouvoir de père en fils
Après la victoire de l’Alliance Lepep, Pravind Jugnauth a été nommé Ministre des Technologies de l’Information et de la Communication. Certains « politologues » locaux prédisaient une instabilité au gouvernement car Pravind Jugnauth était le chef du plus grand parti au Parlement et occupait de ce fait une position qui ressemblait au poste de Premier ministre. Il y a eu divers moments de désaccord majeur au sein du parti, notamment la nomination de Menon Murday au poste de Vice-Président, la révocation de Roshi Badhain au poste de ministre, le licenciement de Vishnu Lutchmeenaraidoo à la suite du différend qu’il a eu avec Roshi Badhain, mais Pravind Jugnauth a poursuivi ses fonctions de ministre. De nombreux politiciens considéraient Pravind Jugnauth comme un Premier ministre « en attente » dû à l’âge avancé de son père, Sir Anerood Jugnauth. L’opposition à l’époque affirmait que si le fils prend la place du père au poste de Premier ministre, sans passer par un vote, ce serait manifestement un acte antidémocratique. Le 21 janvier 2017, Sir Anerood Jugnauth annonce qu’il démissionne de son poste de Premier ministre à compter du 23 janvier et qu’il sera remplacé par son fils, Pravind Jugnauth. La passation de pouvoir entre Pravind Jugnauth au poste de Premier ministre par son père, Sir Aneerod Jugnauth, a été désignée comme un acte de népotisme. Il faut signaler que cela est complètement légal de le faire, même si cette loi fait souvent l’objet de débats.
Pravind Jugnauth consolide sa place en tant que Premier ministre
Les élections législatives de 2019 ont eu lieu le 7 novembre. Le résultat a été une victoire pour l’Alliance Morisien qui a remporté 42 des 70 sièges. Pravind Jugnauth est devenu le Premier ministre incontesté. Le ministre qu’on appelait « Ministre l’imposte » est maintenant devenu le « Ministre Grande Porte ». Les détracteurs sont réduits au silence. Le MSM a remporté plus de la moitié des sièges au Parlement, ce qui signifie que le Premier ministre sortant Pravind Jugnauth exercera un mandat de cinq ans comme Premier ministre. Sur les 62 sièges élus, le MSM en a remporté 38, le Parti travailliste en a remporté 14, le Mouvement militant mauricien (MMM) en a remporté 8 et l’Organisation du peuple de Rodrigues (OPR) en a remporté 2 sièges. Paul Raymond Bérenger avait choisi de faire cavalier seul pour les législatives de 2019, sa stratégie de « Al tousel pou gagne » n’a toutefois pas marché, croyant que les militants vont le rejoindre après s’être fait aveugler par le rassemblement à Bar Chacha et à la municipalité de Port-Louis, le 25 octobre 2019 et le 3 novembre 2019 respectivement. Le MMM n’a pu que remporter 8 sièges. Le Dr Arvind Boolell du parti travailliste a été nommé chef de l’opposition, car Navin Ramgoolam n’a pas pu se faire élire pour la deuxième fois.
Zuhayr DHUNNY