April 29, 2024
Hennessy Court 3rd floor Sir John Pope Hennessy street Port-Louis
Opinion

Édito – Exclure, encore et toujours !

Leela Devi Dookun n’entend pas le cri du cœur des parents, des étudiants et des responsables de collèges. Elle reste sur sa position d’exclure ceux qui n’ont eu que 4 Credits en School Certificate, et qui ne pourront donc concourir pour la Higher School Certificate. Et cette année encore, elle posera en compagnie du Premier ministre avec les lauréats, considérés comme « la crème de la crème » de notre système scolaire.

Mais où nous mène ce système ? Où sont tous ces lauréats qui ont bénéficié de l’argent public, pour soutenir leurs études à l’étranger, et qui ne sont jamais revenus au pays, sous prétexte qu’ils seraient mal payés ? Pourquoi donc continuer à subventionner les études de ces égoïstes ? Ananda Devi, aujourd’hui écrivaine de renom, est une ancienne lauréate. Installée à la frontière Franco-Suisse, elle pourrait arguer qu’elle a mis Maurice sur la carte littéraire mondiale, mais ce n’était pas vraiment pour ça qu’elle avait figuré parmi les « élus » du système éducatif.

En fait, si on demandait au ministère de l’Education de nous dire où sont les lauréats, depuis 1968 à ce jour, Leela Devi Dookun serait bien en peine d’y apporter réponse. Car, à part les Anil Gayan, Jocelyn Chan Low, Philippe Goupille, Dan Callikan, entre autres lauréats qui sont retournés au pays, et qui ont servi le peuple, les autres ont littéralement disparu dans la nature ! Et sous tous les régime, chaque ministre de l’Education a trouvé normal que les contribuables financent les lauréats, pour qu’ensuite ces derniers disent bye bye Charlie.

Et depuis le temps qu’elle est à l’Education, Leela Devi Dookun ne remet toujours pas en question ce système. Nos cerveaux partent à l’étranger, et nous applaudissons ces départs ! On se prend en photo avec eux, pour immortaliser leurs présences ici, et puis basta on ne se soucie pas de savoir ce qu’ils font après. Et au lieu de s’interroger sur cette fracture, on diminue ceux qui n’ont pas eu 5 Credits. On leur met tous les péchés du monde sur le dos, et par extension on est en train de dire que leurs parents et les responsables de collèges sont aussi fautifs. En fait, coûte que coûte on montre du doigt ces « losers ».Quitte à les laisser se morfondre dans la marge.

Mais prenons ce qui s’est récemment passé lors du passage de Belal dans nos parages. Et le directeur de la météo, et le ministre Husnoo ont été pris à partie par la population et la presse. Mais aucune commission d’enquête jusqu’ici, aucun  blâme (sauf pour Ram Durmeea).Comme si dès que vous êtes bardé de certificats et de diplômes, tout vous est permis ! D’ailleurs, au risque de se répéter, on attend toujours de voir des notables ayant de bons diplômes finir derrière les barreaux, pour leurs crimes en col blanc. Car, à part l’exception Siddick Chady, c’est à croire qu’on va étudier uniquement pour savoir comment contourner les lois !

Et c’est tout cela qui donne une société à multiples vitesses, où celui qui a 4 Credits se voit marginalisé, alors que celui qui est lauréat est érigé en dieu/déesse. Et tout cela avec l’argent public. Si les lauréats puisaient de leurs poches pour aller faire des études ailleurs, on n’avait aucun droit de remettre leur réussite en question. Mais tant que c’est l’argent public qui est en jeu, on est en droit de demander au gouvernement : Qu’est-ce que vous faites de ceux que l’école exclut dès la PSAC, la SC et la HSC ? Sont-ce vivier pour trafiquants de drogue, pour maquereaux en manque de prostituées et bras armés pour malfrats à la recherche de gros bras ? A quoi sert donc l’école, le système éducatif ? Etre juste un tamis, qui sépare le bon grain de l’ivraie ? Selon ce qu’on apprend, le Keats College a donné leur chance à ceux qui n’avaient que 4 Credits. Et cela a payé pour ce « petit » collège.

Pourquoi, sur le plan national, n’aime-t-on pas donner une deuxième chance à une personne ? On se souvient du tollé qu’avait soulevé la nomination de Hans Marguerite à la tête de la National Empowerment Fund, comme s’il était le dernier des criminels. Et on ne lui avait même pas donné le temps de faire ses preuves, alors que d’autres, bardés de diplômes, sont tolérés, et encouragés à fauter ! Mais il n’y a pas que les 4 Credits. Il y a aussi la langue maternelle. Ceux qui ont pris cette langue en SC n’ont pu aller jusqu’en HSC, le ministère trouvant toujours  toutes sortes de prétextes pour bloquer l’avancée de la langue nationale, déjà interdite de Parlement !

En fait, chaque année qui passe montre que toutes les décisions prises par ceux d’en haut ne tiennent jamais compte des aspirations de ceux d’en bas. Il y n’y a jamais de synergie entre les deux parties, la première se contentant de penser qu’elle a fait son « devoir ».Et c’est ainsi que le bateau ivre continue de voguer au gré des flots. Laissant à la merci des fleuves impassibles ceux qui seront cloués nus aux poteaux de couleur. Mais qui lit Rimbaud de nos jours ? Qui se fie encore à ces jeunes aux semelles de vent ? Sous toutes les latitudes, on les appelle migrants, déchets humains, palestiniens, recalés scolaires, Roms. Parce que les fascismes abhorrent la différence. Et aiment privilégier les usines de broyage de cerveaux !

Sedley Assonne

Leave a Reply

Your email address will not be published.