May 5, 2024
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Opinion

Édito – Interprétation.

Il n’y a pas mille façons d’interpréter les mots du Premier ministre, dans son message à la population. Soit, il est confiant dans son gouvernement et veut ainsi aller jusqu’au bout de son mandat. »Au-delà de 2024 », précisera-t-il d’ailleurs. Soit, il a peur de l’alliance Ptr/MMM/PMSD, et veut ainsi éviter de les affronter bien avant le délai prescrit par la loi.

Qu’en est-il au juste ? En fait, au travers de projets infrastructurels, comme le pont qui reliera Coromandel à Cascavelle, la nouvelle route de la Vigie, et d’autres chantiers visibles et importants, Pravind Jugnauth a effectivement un bilan plus que présentable. Et il fait campagne (qui a depuis longtemps démarré bien sûr !) sur ces dossiers. Pourquoi donc vouloir rester jusqu’à la fin de son mandat, alors qu’il peut profiter du « feel good factor » qu’il propage lors de ses sorties publiques ?

En fait, l’explication est simple : Quand ils sont au pouvoir, les politiciens ont un raisonnement différent. On se rappellera qu’en 2005, alors que l’alliance MMM/MSM devait aller jusqu’au bout de son mandat, Paul Bérenger, alors Premier ministre, préféra aller aux élections générales avant l’échéance prévue. Qui vit alors  la victoire de Navin Ramgoolam. Ce dernier, lui aussi au pouvoir en 1995, alla aux élections, dans le sillage des émeutes de février 1999, et fut battu. Sir Anerood Jugnauth connut le même scénario en 1987, quand il fut forcé d’aller vers des élections anticipées.

Pravind Jugnauth connaît le résultat de toutes ces décisions prises par son père, par Bérenger et par Ramgoolam fils. D’un, soit son équipe de campagne connaît elle aussi l’histoire, et veut ainsi éviter la répétition d’une défaite. Soit, justement cette équipe, prise par l’usure, ne saura pas prendre la décision qui s’impose. Mais en tout cas, des observateurs clament déjà que  « si Pravind Jugnauth se sent fort, pourquoi ne pas organiser des élections municipales en 2024 ? »

S’il redonnait effectivement le pouvoir aux citadins de choisir leurs édiles, le leader du MSM aura tout loisir de savoir s’il a les villes avec lui. En attendant le double test villes/campagne pour les générales. Ceux qui sont dans le secret des dieux soutiennent qu’il veut prendre l’opposition par surprise, et organisera effectivement les générales cette année, probablement après un dernier budget en Juin. Avec l’opposition pas encore d’attaque, et les oppositions pas encore unies, le MSM peut espérer les prendre par surprise. Mais est-ce que ce parti est prêt pour un nouvel exploit, après 2014 et 2019 ?

Il est clair que beaucoup de membres du  MSM ne seront pas sur la liste

de  candidats. Et même si Pravind Jugnauth conserve sa prérogative de les choisir, nous ne pensons pas que les Kenny Dhunoo, Avinash Teeluck, Manish Gobin,Yogendra Sawmynaden et autres Leela Devi Dookun puissent être de nouveau de la partie, n’ayant pas particulièrement brillé dans leurs domaines respectifs. De même, même si les anciens « militants » veulent se regrouper dans un même parti, nous ne pensons pas que les Obeegadoo, Collendavelloo et Ganoo aient le pouvoir de séduire de nouveau les militants. Pravind Jugnauth sait cela aussi. Et il veut donc mettre tous les atouts de son côté, parce que  le MSM devra aller seul aux élections.

Et c’est là que ce sera « tough » pour le parti de Pravind Jugnauth. Paul Bérenger a essayé, en plusieurs fois, d’aller seul aux élections. Sans succès. Et la seule fois où il devait aller seul, il prit le PSM avec lui, avec le résultat qu’on connaît. Parce que le Mauricien vote mal, et avec émotion en plus. On aurait pu rêver d’une joute inédite où chaque parti présenterait 60 candidats, mais malheureusement l’électeur ne vote que pour les alliances. Roshi Bhadain est averti, mais lui persiste à croire que ses 80 réformes suffiront à changer l’électorat.

On en doute fort. Car, nous avons eu des partis politiques qui ne sont que le reflet de l’électorat. Il faudrait donc sans cesse rappeler que les votants ont donc tout autant tort quand il s’agit de choisir entre le bon et le mauvais, le bien et le mal. Quelle sera donc l’interprétation de l’électorat du mandat de Pravind Jugnauth à la tête du pays ? A-t-il bien fait, ou mérite-t-il d’aller faire un tour dans « karo kann », circonscription bien connue d’Anerood Gujadhur ?

En fait, l’électorat–ce que d’autres appellent « communauté majoritaire » ou « la kanpagn ki fer eleksion » — sera tout autant coupable si le pays va dans des mains incertaines aux prochaines élections. Et tant dans les villes qu’à la campagne, ce sera une question d’interprétation de savoir à qui confier les rênes du pouvoir. Il va de soi que les corrompus ne s’identifieront qu’aux corrupteurs. Car, il n’y a pas de mal sans racine.

En son temps, Harish Boodhoo parlait de « mauvaises herbes ».Ne maîtrisant toujours pas le clavier d’un ordinateur, le chaman de la politique crie maintenant dans le désert. Cet homme fut, à un moment de sa vie, le numéro 2 d’un gouvernement. Il est aujourd’hui un anonyme qui n’intéresse plus personne. Enfin, c’est une question d’interprétation. Car, ses écrits, faits au stylo-bille, restent pertinents. Mais n’est-ce pas l’électorat qui n’a plus voulu de lui ? Il n’y a donc pas de mystère en politique. Les torts restent partagés !  

Sedley Assonne

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