May 9, 2024
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Opinion

Édito – La presse n’a jamais eu d’intérȇt commun !

Si les passionnés d’histoire parcouraient les pages du Nation, journal proche du Parti Travailliste des années 70 et 80, soit ils ne liraient qu’une version tronquée de l’histoire du MMM, parti qui donnait ā l’époque du fil ā retordre au régime Ptr/PMSD, soit le parti mauve ne serait pas visible dans ce quotidien.

Pour dire que la presse mauricienne n’a jamais eu d’intérêt commun. Et qu’il serait vain de la présenter comme un bloc homogène qui parlerait d’une seule voix. Par exemple face ā la dictature des élus que craint légitimement l’ancien Directeur des Poursuites Publiques, Me Satyajit Boolell, invité principal du Journalists Association of Mauritius, qui organisait sa première conférence inaugurale, mardi dernier, ā Ebène.

Dans son discours, Joel Toussaint, président de l’Association, fit état de deux associations de journalistes, l’Association des Journalistes de l’île Maurice, dont Alain Gordon-Gentil était un des membres-fondateurs, et une autre dirigée par Patrick Yvon. Or, alors au Matinal, j’avais créé L’association des gens de presse. Qui fut boycottée par les groupes de presse en présence, et les journalistes qui en faisaient partie, dont Patrick Yvon !, s’en éloignèrent, cédant aux pressions de la direction de leur journal, qui ne voyaient pas d’un bon œil que les journalistes se regroupent ! Soit Joel Toussaint n’était pas au courant de ça, soit lui aussi n’a pas considéré que L’association des gens de presse méritait d’être mentionnée !

De même, Alain Gordon-Gentil, qui fut parmi les intervenants ā la conférence du JAM, trouva que les « hommes d’affaires »(sans les nommer !)font du tort ā la presse. Or, ā notre connaissance, seul le groupe Le Mauricien/Week-end s’inquiéta, ā l’époque oū Navin Ramgoolam était au pouvoir,de l’essor pris par le groupe BAI, qui investissait dans la presse, et rachetait ou créait des journaux a tour de bras.

De tout temps donc, la presse a eu besoin de fonds privés pour pouvoir être dans les kiosques. Le Groupe La Sentinelle Ltée pouvait ainsi compter sur la Mauritius Commercial Bank. Sans que cela ne soit perçu comme une « menace » pour la presse !

D’ailleurs, comme l’a regretté  Alain Gordon-Gentil,si la presse ne veut toujours pas s’auto-réguler, c’est justement parce qu’elle n’a jamais eu d’intérêts communs. Al Khiz Ramdin et Murvin Beetun,présents dans la salle, doivent donc comprendre que si les journalistes sont solidaires de leur combat pour plus de considération pour les journalistes licenciés,les deux sont désormais bien placés pour savoir que plus haut que les journalistes, il y a des personnes bien placées qui ont d’autres intérêts. Qui ne sont pas toujours ceux des journalistes et des lecteurs !

Au moment donc oū des journaux s’inquiètent d’une mainmise sur certains titres et sur l’information, c’était  pourtant chose courante dans le passé, quand des journaux étaient rachetés par d’autres groupes de presse ou des hommes d’affaires, qui bien souvent étaient de mêche avec des groupes de presse, pour faire ces OPA sur des journaux !

Ce qui est donc connu comme « la presse mauricienne » ne peut être considérée  comme une seule entité. Au sein de cette panoplie de journaux, chaque groupe de presse, ou chaque journal, a ses propres visées. Si Joel Toussaint a rendu hommage aux journalistes disparus lors du conflit Israélo-Palestinien, au sein de la « presse mauricienne »,il s’est quand même  trouvé  un éditorialiste pour oser écrire que le Hamas et le groupe Wagner étaient responsables du « global unrest ».Alors que tout bon journaliste bien informé et impartial sait que le hamas est un groupe de résistance pour la liberation de la Palestine. Et que le groupe Wagner n’a que récemment fait l’actualité, suite au conflit Russo-Ukrainien. Ce même éditorialiste n’écrirait jamais que les Etats-Unis par exemple sont responsables du global unrest depuis que ce pays existe !

Chaque journal ou groupe de presse defend donc les intérêts qu’il se choisit.Il serait donc naïf de demander ā tel journal(partisan ou pas) de montrer du doigt le gouvernement, alors que son service de comptabilité attend de la publicité de ce même gouvernement ! Al Khiz Ramdin et Murvin Beetun viennent d’ailleurs de comprendre qu’il ont été victimes  d’un complot visant ā les mettre sur le marché du chômage. A notre connaissance, personne n’a accouru pour les accueillir au sein de leurs rédactions, en guise de solidarité. Ils ne sont d’ailleurs pas les premiers ā connaître une brutale mise ā pied. Avant eux, d’autres sont aussi passés par ce calvaire. Sans que « la presse mauricienne » ne s’en émeuve !

Oui, Me Boolell, qui a brillamment fait un tour d’horizon de ce que doit faire la presse pour s’améliorer, nous sommes pleinement d’accord avec vous sur les points balisés. Et merci d’avoir ajouté que le judiciaire aussi mérite critique, quand elle faute. Mais la presse aussi doit faire son mea-culpa. En 1963, le Dr. Philippe Forget choisssait de mettre sa plume, et son journal, au service de l’indépendance, idée défendue par le Parti Travailliste. Au fil du temps, d’autres hommes et femmes, dont des étrangers aussi, choisirent d’investir dans la presse. Parce qu’ils croyaient que cette entité pouvait répondre ā leurs attentes.Tous ne sont plus de ce monde. Mais s’ils étaient lā, diraient-ils que les journaux qu’ils sont créés, certains toujours actifs, d’autres disparus, ont bien rempli leur mission ?

La presse a compté, et compte toujours, des hommes et des femmes qui étaient, et sont, conscients de leurs devoirs et responsabilités, quand il fallait, et faut, rester debout devant les vagues qui menacent son existence. Ces hommes et ces femmes n’ont attendu personne pour crier ā l’injustice quand il le faut, ou entériner tel projet politique quand ils pensaient que c’était dans l’intérêt public. Mais il s’est aussi trouvé des spécimens pour épouser des causes pas toujours nobles. Parce qu’au sein de la presse, il n’y a pas que des bons, mais aussi des méchants. A l’ego surdimensionné, rempli de haine et de méchanceté.

Pour qu’elle soit donc crédible, la presse mauricienne doit d’abord balayer devant ses propres rédactions. Et admettre que, comme les institutions qu’elle critique, ā tort ou ā raison, elle aussi a ses propres démons. Qu’elle se doit de dompter. Avant de faire la leçon aux autres !

Sedley Assonne

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