May 9, 2024
Hennessy Court 3rd floor Sir John Pope Hennessy street Port-Louis
Opinion

Édito – Un inédit gênant !

L’affaire Franklin prend encore une autre tournure, après que les juges Rita Teelock et Carol Green-Jokhoo aient annulé la décision du tribunal de district de Port-Louis de ne pas donner de liberté conditionnelle au suspect, que la Réunion attend de juger, dans une affaire d’importation de  drogue.

Tout en comprenant le fait que les Juges veulent rester dans les paramètres du Bail Act, auquel a droit tout individu, innocent jusqu’à ce qu’une Cour de justice décide de leur sort, nous ne comprenons cependant pas la logique derrière la décision de la Cour Suprême. Car Franklin n’est pas n’importe quel suspect. C’est un homme qui doit faire face à un procès, voire à une condamnation, à l’île sœur.

Comment donc ne pas tenir compte du fait qu’on veuille combattre le trafic de drogue, et donner autant de latitude à une personne soupçonnée d’avoir été impliqué dans un réseau de drogue de bénéficier d’autant de « souplesse » pour contester son extradition ? De plus, sachant qu’une telle affaire nécessite une défense solide, on se demande où le suspect trouve de l’argent pour payer son avocat, et les frais juridiques y relatifs, alors que ses biens sont censés être gelés ?

Le profane attend donc un signal des autorités, de ceux d’en haut, pour nous éclairer la lanterne sur ce qui est un inédit dans les annales du judiciaire. Car, la magistrate Shavina Jugnauth qui avait fort justement  refusé la caution, motion soutenue par la police, avait raison de croire que le suspect pouvait  s’enfuir. Or, les Juges estiment qu’une personne en voie d’extradition n’est pas encore condamnée, et de ce fait doit pouvoir bénéficier de caution.

Or, si les Juges ont effectivement raison de s’en tenir à l’esprit de la loi, la magistrate aussi avait raison de croire qu’aussitôt en liberté, Franklin pouvait être une menace pour ceux qui l’ont dénoncé à la police. Pourquoi cela n’a pas été prise en compte par les deux Juges ? D’ailleurs, s’il obtenait effectivement la liberté conditionnelle, Franklin se tiendrait bien sûr à carreau. Mais  quid de la sécurité de ceux qui ont témoigné contre lui ? A l’instar de Bruneau Laurette, par exemple ?

Le pauvre Nono, Jeremy  Décidé de son vrai nom, qui croupit dans une geôle Réunionnaise, car déjà extradé, doit se demander pourquoi lui n’a pas bénéficié d’autant de « mansuétude » de la part des autorités de son pays ?

Pire, l’on apprend que le bureau de l’Attorney General compte aussi se mêler de l’affaire et aller au Privy Council pour contester le jugement de la Cour Suprême. Cela ne va-t-il pas encore retarder l’extradition de Jean-Hubert Célérine ? Et l’on peut de nouveau poser la même question : Si Nono n’avait pas assez de moyens pour se trouver un bon avocat pour empêcher son extradition, d’où provient l’argent de Franklin si ses biens sont gelés ?

Cet inédit juridique devient donc gênant.Tant pour la police, qui risque de voir Franklin sortir de taule, et pour le judiciaire, dont l’instance suprême a, comme si dirait, « désavoué » une magistrate, pour donner raison à une personne impliquée dans le trafic de drogue !

Nous comprenons que la Cour Suprême, rempart contre toute dérive, tient à démontrer son indépendance. Et nous n’avons aucun doute sur l’intégrité des Juges qui ont statué sur la demande de libération de Franklin. Mais justement, il n’est pas n’importe qui. L’ampleur des faits qui lui sont reprochés, tant à Maurice qu’à la Réunion, ne méritait-il pas que la balance penche plutôt du côté de la magistrate Jugnauth ? Nous l’avons déjà souligné : Les jeunes qui intègrent le judiciaire tiennent compte de ce qui se passe sur le terrain. Et la magistrate a eu raison de bien peser le pour et le contre en refusant que Franklin soit libéré sous caution.

Ce n’est pas porter atteinte aux droits d’une personne impliqué dans un trafic qui fait des morts et brise des cellules familiales. Pour nous, la magistrate avait raison de résister à la demande de Franklin, et si ce n’est pas elle qui reprendra de nouveau l’affaire, il faut espérer que son remplaçant tienne compte des arguments qu’elle a avancé.

Car, autrement les autorités Réunionnaises, qui collaborent avec notre police pour démanteler les réseaux de drogue, finiront par se dire que la loi est du côté des trafiquants !

Sedley Assonne

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