March 28, 2024
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Greta Thunberg, le test de Rorschach de la société russe

La jeune activisme suédoise, Greta Thunberg

L’activisme de la jeune Suédoise ne passe inaperçu dans la société russe, dont la mobilisation sur les sujets environnementaux est timide et récente.

S’il est un sujet sur lequel Est et Ouest sont plus ou moins sur la même longueur d’onde, c’est bien le traitement réservé à la jeune activiste climatique Greta Thunberg. Le ton habituellement acrimonieux des grands médias russes ne dépareille pas avec les jugements définitifs émis par les non moins grands éditorialistes sur les plateaux de télévision français. Et l’ironie moqueuse d’un Donald Trump rappelle furieusement le paternalisme bon teint affiché par la classe politique russe.

Déjà peu populaire, l’adolescente a reçu une volée de bois vert après son intervention à la tribune des Nations unies (ONU), le 23 septembre. Son « Comment osez-vous ? » lancé aux dirigeants de la planète accusés de fermer les yeux sur l’urgence climatique a rapidement été détourné, sur Internet et sur les plateaux de télévision, en un « Comment ose-t-elle ? » ramenant la jeune Thunberg à son statut d’adolescente émotive et forcément manipulée.

Soyons honnêtes : ce qui est apparu en Europe ou aux Etats-Unis comme des jugements radicaux et minoritaires fait l’objet en Russie d’un quasi-consensus.

« Pourquoi Greta Thunberg est dangereuse », titrait le quotidien Vzgliad début octobre, pendant que plusieurs sites internet présentaient comme une évidence la manipulation de la jeune fille par George Soros, le financier et philanthrope juif honni que la Russie rend responsable du moindre battement d’aile de papillon dans l’espace post-soviétique.

« On verra bientôt qui se cache derrière ce projet », avertissait, plus énigmatique, le présentateur vedette de la première chaîne de télévision, Vladimir Soloviev. L’homme d’affaires Guerman Sterligov, qui s’était déjà fait remarquer en interdisant l’entrée de sa chaîne de boulangeries aux homosexuels, n’a pas été en reste, qualifiant l’activiste d’« enfant malheureuse et possédée ». Un politologue en a tiré les conséquences en suggérant, à la radio publique, de la « désenvoûter ».

Même dans la très libérale Novaya Gazeta, l’écrivaine Julia Latynina a dit son effroi devant la « pionnière » Thunberg, référence au mouvement de jeunesse soviétique : « L’utilisation des enfants dans les nbatailles idéologiques est un classique des idéologies totalitaires. » Autant dire que dans ce climat, la proposition d’un député – d’extrême droite – d’inviter Greta Thunberg à s’exprimer à la Douma n’a pas reçu un franc succès. L’un de ses homologues du Conseil de la Fédération lui a rétorqué que la Russie comptait bien assez de spécialistes du sujet.