March 29, 2024
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Opinion

Irritation déplacée !

Dans sa conference de presse de ce samedi, le leader du Mouvement Militant Mauricien(MMM) se dit « irrité » que Roshi Bhadain ait signifié son intention de présenter soixante candidats dans les vingt circonscriptions du pays, avec le leader du Reform Party comme candidat au poste de Premier ministre.

Ce qu’on peut retenir de cette déclaration de Bérenger, c’est que le leader du MMM vieillit mal et n’a retenu aucune leçon du passé. D’abord comment peut-il être « irrité » si le Reform Party veut présenter Roshi Bhadain comme futur Premier ministre ? Ce parti est-il une annexe du MMM, ou est-il libre de ses mouvements ? Ou bien Bérenger croit-il encore que la démocratie c’est accepter tout ce que lui décide ?

En 1982, Bérenger irrita nombre de militants, dont ceux de Lalit, en décidant envers et contre tout de s’allier avec le PSM d’Harish Boodhoo, alors que la victoire tendait les bras au MMM. Résultat des courses ? Après neuf mois, Harish Boodhoo trahit le MMM et donna son PSM corps et biens à Anerood Jugnauth, qui créa alors le Mouvement Socialiste Militant.

Au lieu de tirer une première leçon de cette grave erreur, Bérenger continua dans la même veine en cherchant des « paravents » hindous pour le poste de Premier ministre. Et tour à tour, Prem Nababsing, Anil Baichoo, Sir Satcam Boolell !, Navin Ramgoolam, pour ne citer que ces quelques noms, furent mis en avant alors que si Bérenger s’était derechef présenté au poste de Premier ministre dès 1976,la face politique et sociale de ce pays aurait été transformée. Dans son obssession « maladive » de censément ratisser large, et pour conquérir l’électorat hindou, Paul Bérenger s’oublia dans cette équation, et donna de l’eau au moulin communal de ses adversaires, depuis 1983 à ce jour, qui l’accusèrent d’utiliser un paravent Hindou pour accéder au pouvoir.

En montrant donc son « irritation » face à Roshi Bhadain, Bérenger a donc d’ores et déjà décidé de faire une croix sur le leader du Reform Party, croyant sûrement que ce dernier n’a aucune chance de devenir le prochain Premier ministre de ce pays. Et si l’électorat en décidait autrement, monsieur Bérenger ? Et si l’électorat se disait qu’il serait temps de se passer d’un Jugnauth ou d’un Ramgoolam, et d’essayer un Bhadain ? Qu’auriez-vous alors à dire ?

En 2014,alors que le peuple appelait au changement, Navin Ramgoolam ayant usé son pouvoir par des excès et autres abus, Bérenger choisit de quitter l’alliance qu’il allait partager avec Sir Anerood Jugnauth, pour s’allier avec Ramgoolam. Croyant dans le calcul que « deux gros partis ramèneront inévitablement 60-0 ». Or, comme en 1982, Bérenger se fit trahir très vite, Ramgoolam choisissant lui aussi de faire confiance aux socio-culturels et promettant de manger du requin au travers d’un combat rapproché. Ivan Collendavelloo et d’autres militants l’avaient pourtant prévenu. Mais Bérenger seul sait tout et décide pour tous ! C’est donc Ivan Collendavelloo,le PMSD et Sir Anerood Jugnauth qui formèrent parti de l’équipe victorieuse qui s’installa à l’Hôtel du Gouvernement,en 2014. En 2019,le chat échaudé ayant enfin compris les leçons du passé, Paul Bérenger choisit alors d’aller seul aux élections. Cela ne fut pas sans risque, car l’opposition d’alors, avec le Parti Travailliste et le PMSD faisant eux aussi cavalier seul, Pravind Jugnauth s’engouffra donc dans le train de la victoire avec ses 37% de votes. Bérenger comprit donc, mais trop tard comme d’habitude !, que si l’opposition s’était rassemblée, Jugnauth fils n’aurait pas gagné. Et fort de cette nouvelle équation, Bérenger répète la même erreur de 2014, en se disant que si le MMM s’allie au Ptr et au PMSD,et il ne parle même plus de Nando Bodha !,la victoire est assurée.

Ce qui n’est pas acquis là encore. Et c’est cette habituelle arrogance, dans le ton et dans les actes, qui fait que Bérenger amène, pour la énième fois !, son parti vers la défaite, en 2024, ou avant, si Pravind Jugnauth est assez malin pour profiter de la désorganisation de l’opposition. Il est vrai que son gouvernement n’est plus populaire, mais faute de réels prétendants à son poste, l’électorat votant surtout pour un « chef », Pravind Jugnauth peut effectivement revenir au pouvoir. D’ailleurs, il garde en poche les Rs 13500 pour la pension de vieillesse, qu’il donnera aux plus de 250 000 retraités. S’assurant encore une fois d’un « bank vote » pour écraser ses adversaires !

Paul Bérenger a donc tort de croire que les mathématiques seules suffisent à faire gagner des élections à Maurice.Si le MMM a effectivement pesé de tout son poids dans différentes échéances électorales, en 1982, 1991, 1995 et 2000, sans oublier les municipales et les villageoises, son parti a eu un effet de bascule pour arriver jusqu’à l’Hôtel du Gouvernement. Mais depuis 2005, année qui verra le Ptr de Navin Ramgoolam commencer son règne jusqu’en 2014, jamais plus le MMM n’a goûté à la victoire. Ce qui a fini par écoeurer Steve Obeegadoo et Alan Ganoo.

Au lieu donc de faire son mea-culpa, et de réfléchir sur cette traversée du désert, Paul Bérenger retombe dans ses travers, et fait de nouveaux plans sur la comète. Oubliant, dans ses calculs, que c’est toujours l’électorat qui décide en dernier lieu.

Et valeur du jour, rien ne dit que les Mauriciens, qu’ils soient des villes ou de la campagne, veulent changer du Jugnauth pour du Ramgoolam. Ils ont d’ailleurs décidé, en 2014 et 2019,qu’ils ne veulent plus de Ramgoolam. Qu’est-ce qui fait croire à Bérenger que ce même électorat voudra cette fois-ci de Ramgoolam, lui-même fragilisé par des soucis de santé ? Pourquoi donc ne pas miser sur un Nando Bodha ou un Roshi Bhadain, s’il faut vraiment des « paravents » Hindous ? Pourquoi Ramgoolam, Paul Bérenger ?

D’ailleurs, au train où vont les choses, avec des protagonistes décidant d’être un jour « citoyen », et un autre jour « politicien », l’électorat est plus que dégoûté de ces manœuvres. Et donc en 2024,ou avant, si un parti, avec un vrai challenger à sa tête, et un programme d’action pour les cinq/ dix ans à venir, se présente devant cet électorat, avec un discours fort comme Roshi Bhadain sait les faire, il n’est pas dit que ce dernier ne récolte pas la confiance de l’électorat. Car, il y a de la place pour une alternance. Deenarain Lokee veut lui aussi qu’on lui donne sa chance. Et, il n’est pas dit que le peuple ne choisisse pas cette alternative.

Car, il ne faut pas oublier que ce peuple est « admirable », n’est-ce pas Paul Bérenger ? Alors, vos « irritations » mal placées risquent encore une fois de jouer des tours à votre parti !

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