May 4, 2024
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Opinion

Le judiciaire appelé à se servir de son intelligence

L’accusé ne peut pas être remis en liberté. Il pourrait s’enfuir, quitter le pays ; Il pourrait influencer des témoins ; Pour sa propre sécurité. Ce sont là les trois « arguments » souvent présentés en Cour par la police, pour contrer toute demande de liberté conditionnelle de tout individu arrêté pour trafic de drogue. Et trois cas récents, ceux de Wayne Attock, Raquel Jolicoeur et Bruneau Laurette méritent qu’on décortique ces objections policières.

D’abord, il faut se demander ce que pensent les magistrats de ces objections. L’avocat Akil Bissessur, avant, et Wayne Attock, mardi dernier, ont pu être libérés sous caution, malgré les « arguments » de la police. Ce qui démontre l’intelligence des magistrats. Car, si on prend soin de bien réfléchir sur les « arguments », on voit bien qu’ils ne tiennent pas la route. Et que la police(en comptant aussi sur le Bureau du Directeur des Poursuites Publiques) joue plus la montre que la volonté de faire justice.

Prenons le premier argument. Quelles ont été les retombées dans les affaires Hervel, Catterino, Sabapathee, pour ne citer que trois exemples de personnes qui ont pu quitter le pays, par la voie des mers. En allant à la Réunion ou à Madagascar, et ensuite prendre le large de l’île sœur. Où en sont les enquêtes sur ces trois cas ? S’il n’y a pas de traité d’extradition entre Maurice et la France, ce qui fait que le steward Catterino est désormais libre, quid des autres ? Et au fait, combien l’Etat a investi dans les unités de garde-côtes, disons durant les 30 dernières années ? L’opposition ne s’est jamais intéressée à cette question, sûrement pour ne pas froisser l’Inde, dont un ressortissant en est toujours responsable. Car, si nous avions une garde-côte vigilante, personne n’aurait pu s’enfuir par les mers, n’est-ce pas ?

Il pourrait « influencer » des témoins. Allez,- prenons les cas de trafic de drogue des dix dernières années. Qu’ont donné tous les portables saisis sur les suspects ? A travers ces appareils, la police ne pouvait-elle pas traquer des complices/témoins ? Citez-moi un seul cas où des complices, entendez gros poissons/chefs de gang, ont été arrêtés ? Combien d’arrestations spectaculaires il y a eu à l’aéroport ? Combien de complices ont été arrêtés grâce aux portables saisis ? Là encore, jamais de questions parlementaires précises sur ces cas spécifiques. Si on prend le cas de Gros Derek, récemment condamné, qu’ont donné les portables saisis chez lui ? Il serait intéressant qu’un magistrat pose ces questions à la police.

Pour sa propre sécurité. A Maurice, les personnes les plus en danger de mort sont les femmes. Nous avons récemment donné la solution pour que cessent les féminicides. A savoir que c’est l’Etat qui doit être taken to task. Car,- la police, et la Protection Order, ne protège pas les femmes. Alors,on veut nous faire croire que Attock, Jolicoeur et Laurette ne peuvent être remis en liberté pour les raisons citées ? En plus, quand ces trois personnes disent que la drogue a été plantée chez eux ? Avec vidéo convaincante à l’appui dans le cas Attock ?

Nous l’avons dit et le répétons :La police est nécessaire au maintien de l’ordre et de la paix dans notre île, et sur tout le territoire mauricien, à Rodrigues, Agalega, Saint-Brandon et autres. Mais il ne faudrait pas que la liberté de mouvement de tout Mauricien soit violée sous des prétextes fallacieux. Et juste dans l’intention de punir, ou de démolir la réputation, voire la vie, de quelqu’un. Comment des bêtes, des monstres, peuvent avoir la liberté sous caution, voire même des remises de peine quand ils vont en prison, dans des cas de féminicides, alors que dans les cas de trafic de drogue, où les méthodes d’arrestations sont de plus en plus contestées, la poursuite nie toujours le droit à ces personnes de bénéficier d’un procès équitable ?

Prenons le cas de Bruneau Laurette. Supposons qu’il est vraiment trafiquant de drogue. Qui voudra croire que s’il est remis en liberté sous caution, il s’enfuirait ? Cela conforterait les arguments de la police, n’est-ce pas ? De même, s’il est en liberté, c’est ridicule de penser qu’il pourrait « influencer » des témoins, alors que son ordinateur-portable, ses portables sont entre les mains de la police ! Que fait donc la police de ces saisies ? Oui, il faut l’ordre d’un Juge/Magistrat. Sachant que Laurette était sur leurs radars, et qu’il est arrêté, personne aux Casernes ne pense à avoir un ordre de la Cour pour fouiller dans les objets saisis chez lui, dès le lendemain de son arrestation ?

De nos jours, un ordinateur ou un portable sont devenus les calepins d’antan. Nous gardons tout dessus, même des vidés intimes, qui ensuite atterrissent sur les réseaux sociaux. Donc, s’il y a des témoins à coincer, n’est-ce pas sur ces appareils qu’il faut les chercher ? Un magistrat peut-il vraiment gober le fait qu’un complice de Laurette, Attock, Jolicoeur viendrait les contacter dès leur remise en liberté ? Ou bien se tiendront-ils à carreau, de peur d’être pris ?

Tout cela pour souhaiter que le judiciaire utilise son intelligence, pour ne pas priver un Mauricien de sa liberté de mouvement. La police a ses arguments, et ils peuvent être vrais dans des cas spécifiques, mais ils ne doivent pas devenir la norme. On ne peut pas venir avec les mêmes arguments pour TOUT cas de trafic de drogue ! Pourquoi pas dans les cas de violence domestique ? Ce policier qui a brûlé la pauvre Sanjana, à Saint-Julien, la police objectera-t-il à sa remise en liberté ?

Dans les cas de Wayne Attock, Raquel Jolicoeur et Bruneau Laurette, tous trois accusent la police de « planting ». Et ces trois personnes ne se connaissent pas. Pour son bonheur, Attock a une vidéo pour prouver ses dires, et les deux autres non. Mais, et s’ils disaient vrai ? Les opposants à la peine de mort ont un argument de poids : Et si on envoyait un innocent à la mort ? Les policiers qui ont arrêté Laurette et Jolicoeur, excluant Attock qui a sa vidéo, sont-ils vraiment convaincus de la culpabilité de ces deux suspects ? Si oui, les trois arguments cités tiennent-ils toujours la route ? Ou si non, pourquoi punir des innocents ?

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