December 12, 2024
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Opinion

L’espoir revient lentement mais surement

Il est sans doute trop tôt pour crier victoire, mais il y a des raisons d’espérer, à voir les bons résultats des chiffres de contamination à la Covid-19 durant ces derniers jours. Et cette tendance, si elle persiste, il faut l’attribuer aux bonnes pratiques de la population, qui sait se ressaisir pour éviter que la pandémie ne gangrène le pays.

Nous avons démontré que dans le passé, au lendemain des violents cyclones, la population savait se retrousser les manches afin de reconstruire le pays. Lorsque les rues et les maisons étaient reconnectées au réseau électrique, la liesse populaire gagnait la population comme si le pays avait vaincu des envahisseurs venus de l’espace. C’était un grand signe d’élan patriotique destiné à sauver le pays. En ce moment, c’est ce même souffle national qui est primordial afin de faire face à la pandémie et à ses conséquences économiques et sociales. Mais, pour y arriver, il faut un consensus sur les questions qui concernent le travail, les salaires, les soins de santé, l’administration publique et privée, les prix des denrées, la sécurité ou encore la qualité des fruits et légumes. Cela signifie que les salariés sont prêts à des sacrifices, ils attendent en même temps que le gouvernement veille scrupuleusement à la saine gestion des biens et services publics et à un service de qualité.

Manifestations

Les manifestations suivant l’affaire Wakashio et celle de 2021 ont quelque peu démontré la capacité des citadins à braver les autorités durant une période d’incertitude où certains se sont peut-être dit qu’ils n’avaient plus chose à perdre. Il ne faut pas que ceux qui nous gouvernent dorment sur leurs lauriers et se laissent convaincre que les mauvais jours sont passés. La pandémie et ses conséquences tragiques sur l’économie, le travail et l’avenir des jeunes engendrent un pessimisme, voire un certain nihilisme qui pourrait pousser certaines personnes à des actes extrêmes si elles considèrent qu’ils ont tout perdu et qu’il n’y a rien à attendre des pouvoirs publics. Ce sentiment de désespoir est déjà arrivé dans des pays industrialisés où il n’existe aucune solidarité citoyenne ni de prise en charge psychologique et sociale. Les situations extrêmes, on l’a vu, sont de nature à révéler les fragilités des individus qui n’en donnent pas l’air. Ce sont souvent des personnes qui tiennent à leurs acquis économiques et sociaux et qui, du jour au lendemain, voient le sol se dérober sous leurs pieds.

Emploi

La perte d’un emploi bien rémunéré et les conséquences qu’elle entraîne sur le niveau de vie d’un couple, sur l’éducation de leurs enfants et les perspectives que ses revenus permettent de construire, sont encore plus graves, car elles révèlent en fait le malaise de toute classe socio-professionnelle. Ni pauvres ni riches, les membres de cette classe sociale sont souvent des individus qui ont grimpé l’échelon social à force de sacrifices et en se fixant des objectifs. Leur monde est fixé comme un parcours fléché dont ils ne commettent pas l’erreur de s’éloigner. Cette construction mentale de leur avenir prend appui sur un parcours scolaire sans tache ponctué par un degré, puis un salaire rémunérateur et un mariage conforme à leurs attentes et selon les codes de leur milieu social.

Désirs matériels

Le pauvre, lui, ne connaît pas ce rituel dans sa petite vie où les désirs matériels sont limités par un salaire minimal. Il n’aspire pas à des études universitaires pour ses enfants ni à des vacances à l’étranger pour ses enfants, mais comme le cadre moyen, il dépend de la bourgeoisie pour le travail. Mais il a aussi besoin de la petite moyenne qui construit sa maison dans un quartier chic et sécurisé, pour les emplois que celle-ci génère lorsqu’elle va dîner au restaurant ou lorsqu’il s’habille en vêtements neufs pour une réception de haute facture. Les contours du style de vie de l’ouvrier ne dépassent guère les frontières de son quartier à la périphérie des villes, là où se trouvent les ‘résidences’, les écoles, les commerces et les centres sociaux qui correspondent à leurs attentes. Le malaise qu’il peut éprouver est dans la même proportion que ses attentes, donc matériels et sans gros impact sur sa psyché. Tous les psychologues savent que les suicides sont très rares parmi la classe ouvrière, car un échec social ou conjugal n’est pas de nature à nuire l’image qu’il se fait de lui dans une localité où les chances de gravir l’échelon social sont quasiment inexistantes. Mais heureusement, nous n’en sommes pas là, car la religion, les solidarités, les attaches familiales et sociales influent toujours sur les consciences.

Échec

Mais on peut aisément s’imaginer les conséquences d’un échec sur la vie d’un cadre moyen urbain qui vit dans un quartier huppé. C’est ce dernier qui était également présent durant les manifestions dans la capitale. Il a été le plus fragilisé par les retombées économiques et sociales de la pandémie, car le poste qu’il occupe au sein d’une entreprise – le mid management -, est celui qui est le plus durement touché. Sans son salaire et celui de son épouse, elle aussi cadre moyen, c’est toute une structure qui s’écroule, à commencer par les dettes de voiture, le loyer, les leçons particulières, les dîners au restaurant, entre autres. On peut aisément imaginer les conséquences qu’entraînent de telles privations pour des individus habitués à un style de vie bien codé.

En fait, la Covid-19 vient aussi déstructurer ces vies bien rangées jusque-là. La pandémie oblige à concevoir l’organisation de la vie dans une perspective qui est désormais sans repères, visibilités et certitudes. C’est aussi cela le ‘new normal’.