Il descendait d’une lignée métissée,et ne l’avait jamais cachée. Cela ne l’a pourtant pas empêché de défendre la communauté musulmane.Conscient que l’héritage de son père comptait aussi beaucoup dans ses racines multiples. Ce n’est d’ailleurs pasun hasard que la première photo publiée de lui sur les réseaux sociaux a été une photo « vintage »,en noir et blanc. Car, Me Yousouf Mohamed faisait partie de cette
île Maurice d’avant,où le respect primait.
Il faisait partie des ténors du Barreau, avec Sir Gaëtan Duval, Guy Ollivry, Jacques Panglose et Hamid Moollan. Et le judiciaire mauricien doit reconnaître en lui un des redoutables défenseurs du Droit. On n’oubliera pas le « complot » fait contre lui et se deux fils avocats, dans une affaire de vente d’armes. Accusation portée par une Américaine. Fort de son innocence, et de celle de ses enfants, il poursuivit la dame, et obtint des dommages et intéréts. Et l’accusatrice ne daigna même pas paraître en Cour !
Mais s’il brillait dans les tribunaux,c’est surtout en politique que son nom a rayonné. Emulant,par la même occasion Sir Abdool Razack Mohamed, son patriarche. A ce titre,comme ministre du Travail au sein du gouvernement post-indépendance dirigée par Sir Seewoosagur Ramgoolam, Yousouf Mohamed eut fort à faire avec les frondes du Mouvement Militant Mauricien. Qui lui reprochaient les lois « anti-travailleurs », tel l’Industrial Relations Act.
Mais s’il a souvent croisé le fer avec Paul Bérenger, Yousouf Mohamed savait aussi faire la part des choses. Et c’est en toute sérénité et lucidité qu’il rendit hommage à ce dernier,en ces mots, dans un entretien à un quotidien : »Je sais que Paul Bérenger ne m’aime pas, mais je lui dois quand même la vérité. Il est entré dans l’histoire pour avoir oeuvré en faveur des travailleurs. Si les salariés ont droit au National Pension
Scheme ainsi qu’à des hausses salariales à travers le National Remuneration Board,
c’est grâce à lui. »
Avant lui,Sir Gaëtan Duval avait lui aussi rendu hommage au leader mauve, dans les pages de la biographie que lui avait consacrée Alain Gordon-Gentil. Car, Yousouf Mohamed faisait partie de ces politiciens d’antan qui savaient reconnaître le mérite de l’autre. Quitte à le traiter de tous les noms en public.D’ailleurs,ce grand défenseur des minorités estimait que « aussi longtemps que Navin Ramgoolam et Paul Bérenger seront au pouvoir, je n’ai aucun souci à me faire quant à la représentation des minorités
au Parlement. Si cela avait été SAJ, mon avis aurait été différent. Tout le monde sait comment il s’est comporté vis-à-vis des Mauriciens issus de la population générale et de la communauté musulmane. »
S’il savait reconnaître les mérites de ses adversaires,il fut malencontreusement traîné dans l’arène politique,quand son fils Shakeel et Me Roshi Bhadain s’opposèrent sur le plateau d’une radio privée. Et c’est là que les Mauriciens apprirent que Mohamed père était malade. D’où son retrait de la vie publique. Mais personne ne s’attendait à ce que ce géant tire sa révérence.Né en 1933,il nous a donc quittés à l’âge
de 88 ans. Desquels il aura consacré au moins un demi-siècle au service de son pays. Comme député, ministre et ambassadeur. Une vie bien remplie qu’il a aussi utilisée pour montrer la voie à suivre à ses enfants.
Son père faisait des meetings en anglais et en français. Et lui parlait un créole raffiné. Toujours bien mis, l’avocat laissera un souvenir indélébile dans la mémoire de tous ceux qui l’ont côtoyé. A coup sûr, le pays manquera ses épaules quand il lui faudra chercher quelque réconfort.Un Mauricien comme on en fait rarement, Me Yousouf Mohamed est parti sur la pointe des pieds. Au moment où l’on s’interroge
encore sur notre vivre-ensemble.Lui dont le sang était un témoignage vivace de ce champ du possible communautaire.Il nous incombe donc d’émuler l’héritage qu’il a laissé.Où la grandeur d’âme émerge comme qualité première.
Le journal Mazavaroo s’associe à la douleur de tous ceux qui pleurent sa disparition.
Jean-Michel Lee Shim: ” Bhai Yousuf one of the greatest human being I have known…”
L’entrepreneur social et philantrophe Jean-Michel Lee Shim dans un poignant message envoyé à Shakeel
Mohamed et les proches, pour exprimer ses condoléances attristées, évoque Yousuf Mohamed comme l’un des plus grands êtres humains qu’il ait jamais connu et côtoyé.
” Bhai Yousuf shall always remain in my heart as one of the greatest human being I have known. He stood by me in my difficult times as barrister , a friend and a big brother when my wife was going through a terminal cancer. May God bless his soul. “, ainsi parle Jean-Michel Lee-Shim à l’égard de ce brillant Homme de loi et immense politique.
