May 3, 2024
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Opinion Politique

Ne pas sous-estimer la réaction citoyenne

En ce temps de pandémie et des frasques d’un virus mortel qui effraie, traumatise et endeuille, la santé est devenue le centre névralgique des préoccupations des Mauriciens. Jamais, surtout ceux et celles qui ont vu la mort d’en face ou qui ont témoigné du calvaire d’un proche contaminé au coronavirus, n’oublieront-ils ce qu’ils ont dû endurer et endurent toujours avec la peur au ventre d’une rechute et tout ce qu’elle engendre comme choc et trauma, comme stress, panique et doute. Avec ce cas de médicaments achetés à prix d’or et à voir les nombreuses réactions sur Facebook, la majorité du peuple est déçue, en colère et ne se fait pas prier pour l’exprimer. Sans ménagement. Son exaspération et sa déception sont légitimes parce que la supercherie est flagrante. La cherté de la vie pesant de plus en plus lourd pour la classe moyenne, elle commence à devenir insupportable pour ceux au bas de l’échelle, d’où ce sentiment généralisé de perte de confiance dans le pouvoir central. Pendant qu’ils font des sacrifices, d’autres volent son argent, les fonds publics constitués de taxes directes et indirectes que les paisibles citoyens s’acquittent sans faille, mais d’une sourde grogne.

Sous-estimer la colère de la population peut être aussi fatale que la Covid-19. Indépendamment de l’opposition, le feeling et l’état d’esprit des Mauriciens doivent être pris au sérieux. Le National Security Service soumet quotidiennement au Commissaire de police un rapport sur l’état des lieux, l’humeur des citoyens et s’ils apprécient ou non la gestion des affaires du pays par le gouvernement du jour. Ce feedback porté à la connaissance du Premier ministre doit être estimé à sa juste valeur. Le scandale allégué entourant l’achat du cachet Molnupiravir n’a pas laissé indifférent le commun des mortels car personne n’aime être escroqué en plein jour ou n’aime être pris pour un imbécile d’autant que pendant qu’il se sacrifie et se prive péniblement, d’autres s’adonnent à des fraudes qui paraissent évidentes par rapport aux informations sensibles sciemment rendues publiques par des dénonciateurs. Quand le PMO écrit à l’ICAC et qu’on voit les enquêteurs de la commission anti-corruption agir avec autant de verve et de promptitude, il n’est pas difficile de deviner la gravité de l’affaire et le sérieux de Pravind Jugnauth à tirer au clair les dessous de ce « procurement » express après qu’avoir appris, lui-même, « des choses qu’il ne savait pas… »

Le temps passe vite et on ne peut tergiverser et résister aux exigences de sanctions. L’ICAC doit expédier cette investigation, déjà que sa réputation est bien ébréchée. Raterat-elle une occasion en or de redorer le peu soit-il son blason ? Laisse- ra-t-elle son immobilisme décevoir davantage la population, cette institution, rappelons-le est dotée d’un budget assez important pour lutter contre la fraude et la corruption sans faveur ni frayeur. Pravind Jugnauth sait mieux que quiconque qu’il ne peut pas risquer sa position pour sauver quelqu’un, qui soit-il. Le chef du gouvernement a intérêt à être impitoyable et expéditif dès qu’il sera établi, avec preuves à l’appui, ceux qui ont fauté ou qui sont directement impliqués dans cette fraude venue ternir l’image d’un ministre en particulier et du gouvernement en général.

Le peuple est à bout de force avec la Covid-19 et les violents morts que le virus provoque font craindre le pire. Personne ne sait encore quel nouveau variant est en gestation, quelles seront ses mutations et quelle sera sa dangerosité sur la santé des petits et grands. Chacun craint pour soi, sa famille, ses proches, tant que le l’OMS ne viendra pas affirmer que le coronavirus n’est plus ume menace et est bel et bien mort et enterré. Avec un tel tableau et un avenir sanitaire douteux et imprévisible, le peuple n’est pas dans une logique de passer sur les manquements.

Steven Obeegadoo ne passe pas. Le Premier ministre adjoint privilégie la rhétorique démonstrative sur les faits et chiffres. Sa formule telle que « Covid safe » ne convainc pas et lui a fait perdre sa crédibilité de numéro deux du gouvernement censé rassurer et inspirer par le sérieux et la vérité, quelle qu’elle soit. Les apparitions fréquentes de Bobby Hurreeram et Maneesh Gobin irritent. Là également, ces derniers auraient mieux fait de se solidariser avec la population que de tenter de marquer des points politiques inutiles et sans conséquence car ne servant en aucun cas l’objectif de commu- nication en fonction des circonstances. Les Mauriciens auraient mieux apprécié de voir monter en première ligne des ministres sans histoires et sobres, capables de se faire écouter par leur sagesse et leur intégrité à l’image du Dr Anwar Husnoo que personne ne peut montrer du doigt tant sa probité est impeccable. Dans le secteur de l’éducation, il faut trouver la formule pour dissiper le doute et les complications, poussant ainsi les parents à ne pas entretenir la panique. Avec son expérience passée à l’Éducation, Steven Obeegadoo est bien capable d’apporter la confiance à ce niveau.

Au niveau de la communication, il faut réduire la MBC à sa plus simple expression. « Cutting down to size » la station nationale de radio-télévision tant ses flagorneries sont dégoûtantes ne pourra faire plus de mal au régime en place tellement ce pire agent du gouvernement a sombré dans une propagande outrancière et répugnante qui rendent les Mauriciens furieux. Ils considèrent que la redevance mensuelle de Rs 150 sert finalement à financer une escroquerie intellectuelle. Certes, la MBC ne pourra pas servir les intérêts de l’opposition, mais responsable et mesurée, elle peut atteindre une certaine audience. Chaque jour on constate que dès que les journalistes ouvrent leur bouche, le charme est rompu et le malaise s’installe. Et de ce fait, les membres du gouvernement perdent plus de votes qu’ils n’en recueillent.

Les élections municipales, on le sait, sont un test décisif probant. Si l’alliance gouvernementale les perd, la campagne des élections générales de 2024 seront très difficiles à aborder. Pravind Jugnauth doit donc prendre les taureaux par les cornes et il doit imposer à ce que toutes ses troupes redescendent sur le terrain avec force dès janvier. Il doit mettre sur la touche ceux qui veulent se servir de l’affiliation ethnique pour faire croire que cet aspect fera gagner les élections. Cette stratégie ne paie plus et il faut plutôt brandir le flambeau unificateur de l’unité de la population.

La police a beaucoup perdu auprès des Mauriciens en termes de respect et de capital-confiance. Une refonte totale aux Casernes centrales s’impose. Une police des routes est plus que jamais nécessaire. Une présence et une mobilité des policiers 24h sur 24 dans toutes les artères principales du pays, villes et villages compris, redoubleront l’ordre, la paix et la sécurité.

De même, l’ICAC doit être rendu libre de ses actions et de ses initiatives. Sous Navin Beekarry, la commission anti-corruption est devenue la risée de la population. Pravind Jugnauth doit laisser tomber quels que soient les irréductibles du Sun Trust qui fautent et fraudent, ministres u pas. Les sanctions rejailliront sur la crédibilité du PM. Seul le leader du MSM peut sortir ce gouvernement du pétrin. Sinon, si on la laisse faire en lui donnant des missiles pour attaquer, tôt ou tard, l’opposition se résoudra à se réunir autour de Navin Chandra Ramgoolam pour faire partir, démocratiquement, l’alliance MSM-ML. Une raison de plus donc de passer à l’action efficace et de vendre intelligemment les chantiers complétés avec succès lors de la présente législature.