March 29, 2024
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Opinion Politique

NHDC : logements décents dans un environnement approprié

S i l’on en croit Steve Obeegadoo, vice-Premier ministre, ministre du logement et ministre du Tourisme, qui intervenait hier vendredi 21 mai 2021 sur une radio privée, des milliers de logements sociaux sont en attente de livraison. Ce qui est intéressant dans ce projet, c’est qu’il a pris en compte l’ensemble des attentes sociales, économiques et culturelles des futurs propriétaires de ces résidences sociales.

Le ministre Obeegadoo, qui a été brillant dans ses explications, a fait ressortir les contraintes rencontrées par le gouvernement pour l’acquisition de terrains destinés aux logements sociaux. Ce n’est pas là un facteur nouveau, les gouvernements précédents ayant dû aussi entrer dans des ‘deals’ avec l’industrie sucrière, qui possède ces terrains, y a souvent fait la meilleure affaire. Dans une petite île comme la nôtre, l’enjeu foncier revêt un caractère particulier, car il est hors de prix. Et c’est là où la population attend le secteur privé au tournant. Historiquement, le secteur privé est perçu comme les « gros palto » par le petit peuple et le privé se doit de réagir, car ses intérêts sont en jeu dans des luttes sociales dans l’industrie sucrière. C’est le moment de démontrer que ces grands groupes historiques, présents dans l’industrie cannière, l’immobilier de luxe, le secteur bancaire, l’alimentaire ou encore la transformation alimentaire, ont à cœur le sort des populations dans l’extrême pauvreté. Si c’est une bonne chose de leur offrir des packs alimentaires en cette période de crise économique et sociale, il n’en est pas moins important de contribuer à la politique du gouvernement en vue d’offrir à ces populations des logements décents.

Espaces d’habitat intégrés

Ce ne sont plus ces petites constructions rectangulaires sans âme et dépourvues, typiques des années 70-80-90 qui sont prévues. Si l’on croit le ministre, de véritables espaces d’habitat seront intégrés sur des superficies qui permettent d’accommoder des services comme des pharmacies, centres récréatifs et sportifs, commerces et centres communautaires. Mais il est aussi question de constructions intelligentes qui permettront de recueillir l’eau de pluies, sans oublier l’installation de capteurs d’énergie solaire et de drains appropriés. Évoquant l’indisponibilité de terrains à construire, Steve Obeegadoo a fait ressortir l’éventualité de construire en hauteur. De telles constructions dites ‘intelligentes’ ne vont pas sans conditions. Seront-elles à la portée de ces mêmes personnes qui n’ont pas les moyens de s’offrir une maison ? Steve Obeegadoo a, sans doute, donné une idée de leurs coûts en cette période marquée par la hausse du coût des intrants en construction à la suite des conséquences de la Covid-19. De tels coûts ne pourront être supportés par le gouvernement seul, a-t-il précisé, ajoutant que le soutien du privé sera recherché. Ce partenariat, impliquant des fonds privés, aura certainement une implication sur les coûts à la vente. Mais il est certain que le gouvernement subventionnera la vente, compte tenu de son caractère social.

Cités-dortoirs

Il appartient au gouvernement de veiller qu’un tel projet ne connaisse pas le même sort que les appartements de la NHDC, qui ont fini par devenir de véritables cités-dortoirs, hébergeant souvent des activités illicites comme le commerce des drogues ou le repaire de petits délinquants. Mais pourra-t-on raisonnablement faire une sélection parmi des familles qui ont des revenus modestes ? Et comment accommodera-t-on des petits cadres eux aussi à la recherche d’un logement à la mesure de leur statut social ? Il convient d’avoir en tête les facteurs qui ont conduit au mal-vivre au sein de certains blocs d’appartements sociaux, où le ministère du Logement a fait cohabiter des personnes aux profils sociaux opposés, sans prévoir des espaces de dialogue pour harmoniser leurs rapports. Ces facteurs de nature sociaux ont fini par faire voler en éclats les bonnes intentions qui ont prévalu au moment de la construction de ces logements sociaux.

Fractures sociales

Comment prévenir une telle situation dans une île Maurice qui montre par moments des fractures sociales et économiques profondes et qui aboutissent parfois à des clivages ethniques ? Dans un contexte économique rendu très difficile à cause des conséquences de la Covid-19 sur des catégories socio-professionnelles jusqu’à aujourd’hui épargnées par des crises économiques, le gouvernement doit faire preuve d’imagination pour faire cohabiter des personnes jusqu’ici « confortables » dans des endroits spécifiques. Mais il est aussi vrai que le fait de disposer de logements décents dans un environnement approprié, permettra à des populations qui, jusqu’à présent vivaient dans des endroits insalubres, de s’épanouir et d’envisager des perspectives meilleures pour leurs enfants.

Le contact entre des personnes aux profils variés peut aussi favoriser l’émergence d’idées novatrices et susciter la création de petites entreprises à vocation sociale. Sans pour autant ressembler aux kibboutz, de tels espaces de vie sont de nature à faire émerger des formes de solidarité inédites durant la période post-Covid 19. Il revient sans doute au gouvernement de réfléchir à la vocation qu’il souhaite donner à ces résidences sociales, avec en filigrane le souci d’éviter les erreurs du passé et de les inscrire dans une perspective de « vivre-ensemble ».