January 26, 2025
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Opinion

Opinion – L’économie (enfin) au centre des enjeux majeurs

Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, l’état de notre économie a le mérite d’être recentré alors que cette question était singulièrement absente au moment où les divers blocs qui s’affrontaient avant le 10 novembre dernier se livraient à une surenchère inédite dans l’histoire des campagnes électorales de Maurice… Le réveil est donc brutal, avec la réalité des chiffres révélée par le Gouverneur de la Banque de Maurice (BoI), Rama Sithanen qui, compte tenu de l’urgence de l’heure, est parti pour occuper les devants de la scène durant les prochaines années même si le portefeuille des Finances a échoué au Premier ministre, le Dr Navin Ramgoolam.

Le défi est considérable pour celui qui a été son ministre des Finances avant les années Jugnauth. C’est lui qui hérite dès maintenant de la lourde responsabilité d’assainir à la fois les finances publiques et de rétablir la confiance perdue de la BoI. Tous les regards sont tournés vers les décisions qu’il prendra et ce dans un contexte serré où il conviendra de mettre en œuvre les promesses électorales de l’Alliance du Changement.

Véritable épreuve de force

Comme toute décision de nature économique a des répercussions sur le social, il faut s’attendre à une véritable épreuve de force entre le secteur privé et les organisations, le gouvernement contraint de jouer au médiateur. Mais, ce qu’il faudra surtout craindre, c’est de voir se profiler le renvoi aux calendes grecques un certain nombre d’engagements électoraux destinés à consolider l’économie, dont la mise sur pied de nouveaux piliers économiques créateurs d’emplois rémunérateurs et susceptibles de retenir les compétences locales. A ce titre, il faudra certainement être en mesure d’offrir des conditions de travail attrayants afin d’enrayer les tentations d’émigration mais aussi et surtout de réduire notre dépendance de la main-d’œuvre étrangère. Ce sera une pression supplémentaire que de contraindre des secteurs dépendant des étrangers de privilégier plutôt la main-d’œuvre locale, dont le textile-habillement, la boulange, la construction ou encore certains postes dans l’hôtellerie.  Il ne faut pas perdre de vue que la filière textile-habillement mauricienne fait face a une rude concurrence venant du Vietnam, d’Ethiopie ou encore de la Turquie. 

Réduire les couts de production

Le patronat dans ce secteur répète sans arrêt qu’il faut à tout prix trouver des marchés niches, réformer les horaires de travail afin d’augmenter les volumes ou encore automatiser certaines taches afin de réduire les couts de production. Mais, ils sont tous unanimes à plaider pour l’augmentation de la main-d’œuvre étrangère afin de remplir les postes ou les Mauriciens refusent de travailler en raison des salaires jugés trop bas. C’est sans doute le secteur de l’hôtellerie qui connait une problématique de main-d’œuvre des plus aigües avec des compétences variées qui préfèrent des postes sur les bateaux de croisière. Ici, il serait intéressant de voir comment le gouvernement compte obtenir le remboursement des prêts à hauteur de plusieurs centaines de millions de la Mauritius Investment Corporation (MIC), versés à certains groupes hôteliers. Est-ce que l’embellie dans le secteur du voyage mauricien a-t-il renoué avec les bénéfices pour, d’une part, proposer des salaires attrayants aux salarié-e-s afin qu’ils ne soient pas tentes par l’aventure sur les bateaux-croisières et, d’autre part, envisager la possibilité de commencer à rembourser les emprunts à la MIC ?

Dossiers prioritaires

Il va sans dire que dès janvier 2025, une fois les festivités de fin d’année 2024 passées de même que l’euphorie de la victoire du 11 novembre 2024, le gouvernement de l’Alliance du Changement devra s’atteler à   un certain nombre de dossiers prioritaires, le plus urgent étant d’endiguer l’érosion du pouvoir d’achat des ménages mauriciens. Une première liste de produits de consommation de base étant déjà identifiée pour bénéficier de subventions, le gouvernement ne se contentera pas de s’arrêter à cette seule décision : il lui faudra examiner d’autres champs d’intervention afin de renverser le processus de précarisation des couches les plus pauvres de notre population, celle-ci passant nécessairement par l’éducation qui doit jouer son rôle d’ascenseur social, soutenue par le droit à  un environnement de vie décent et un système de santé public adéquat, entre autres. Deux enjeux majeurs s’ajoutent à ce tableau : celui de débarrasser certains quartiers de leur sombre réputation, à commencer par celle de ‘haut lieu’ de trafic de drogues puis des petites délinquances. Mais, ce qui va de pair est aussi la nécessité de sensibiliser leurs habitants aux enjeux environnementaux, dont la prise en compte est devenue une priorité dans tout projet de réhabilitation de certaines zones urbaines et rurales.

Il faut faire de sorte que l’ensemble des projets inscrits dans le projet de société de l’Alliance du Changement soient réalisés de manière ‘holistique’, évitant les erreurs du passé ou, par exemple, des mêmes rues étaient livrées aux travaux successifs de la CWA, du CEB sans aucune concertation entre ces deux organismes. Un autre grand défi sera d’embarquer les collectivités locales dans ce vaste chantier national, en veillant que les élus locaux se sentent partie prenante de la transformation de Maurice sur les ruines laissées par l’ancien gouvernement.

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