April 20, 2024
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Opinion

Quand duperie rime avec Dubaï !

Fallait-il vraiment que tant de ministres soient allés à l’exposition universelle qui se tenait à Dubaï, la semaine dernière ? Beaucoup de Mauriciens ont été choqués d’apprendre que plusieurs ministres et non des moindres !, s’étaient rendus dans le pays des sables chauds, avec à la clé de gros per diems. Une cascade de voyages qui donnent de l’oxygène à une opposition sous perfusion. Servi sur un plateau, les opposants au pouvoir n’en demandent pas mieux pour venir à la charge lors des prochains travaux du Parlement, dans une tentative pour tenter de tirer au clair le pourquoi de ces « missions » dans la capitale de l’Emirat de Dubaï, la première ville des Emirats arabes unis.

Ce qui a surpris dans ces voyages ministériels, c’est qu’au moment où ils goûtaient au luxe Dubaïote, la population mauricienne croule sous le poids de la hausse des prix dans les supermarchés. Quand ils ne sont pas en train de payer leurs taxis, leurs légumes et autres fruits locaux plus chers. Cette inquiétude des ménages Mauriciens, et surtout des « ti dimoun » n’a pas fait broncher ces ministres, qui ont empoché le pactole de leurs per diems sans même avoir une pensée pour ceux qui peinent à joindre les deux bouts sur le sol mauricien.

Les plus féroces critiques du gouvernement, venant surtout de l’opposition, ont crié à la provocation. Mais, les cris de stupeur vont au-delà de la seule jauge politique. Et si beaucoup auraient compris le pourquoi de ces voyages dans un autre contexte, là nous relevons de deux confinements, et le pays était quasiment à terre et sous respiration artificielle ! Le plus important était donc de se serrer la ceinture, en vue du prochain budget à venir. Et les premiers à donner l’exemple auraient dû être les parlementaires. Mais non, ces messieurs/dames ont jugé plus important d’être présents à Dubaï. Faisant fi de la solidarité qui s’impose en ces temps incertains.

Nous pouvons comprendre qu’il est important que le ministre du Tourisme doit vanter les atouts des plages, pour battre le rappel des touristes. Et Steven Obeegadoo souhaite en voir arriver 1 million d’entre eux. Sa présence à Dubaï était donc nécessaire. Tout comme il était nécessaire pour Renganaden Padayachy, ministre des Finances, d’aller chercher l’argent là où il est possible d’avoir des hommes d’affaires susceptibles d’investir dans notre île. Pour ces deux-là, on peut leur exempter de reproche. D’autant que l’Expo étant un évènement de classe mondiale, les hauts dignitaires émiratis marquaient de leur présence ce rendez-vous. Il n’y avait pas meilleur opportunité pour se mettre dans une position de proximité exceptionnelle et se faire connaître.

Mais ces autres ministres croient-ils vraiment que leurs missions à Dubaï effaceront la morosité ambiante qui sévit dans le pays ? Deepak Balgobin, Kalpana KoonjooShah, Joe Lesjongard, Soodesh Callichurn, Alan Ganoo et Sunil Bholah ontils pris la mesure de leurs déplacements, littéralement considérés comme déplacés par leurs détracteurs ? D’ailleurs, le Premier ministre devait se déplacer, mais ne l’a pas fait, jaugeant sans nul doute l’équation dépensesperspectives concrètes comme en déséquilibre. Pourquoi ces autres ministres ne l’ont pas imité ?

Certains rétorqueront que c’est le PM qui entérine les déplacements. À voir de plus près, on saura qu’un ministre doit rechercher l’approbation du PM pour effectuer une mission officielle. Eu égard aux raisons que ce ministre doit donner pour justifier ce voyage, le Premier Ministre ne remet que rarement en question ou en doute une requête ministérielle. Mais, le ministre en question est appelé à soumettre un “cabinet paper” qui met en lumière les retombées de son déplacement. À ce titre, il est facile de s’interroger sur les points concrets avancés par certains de ces ministres, après un périple à caractère plutôt fantaisiste.

Certes, à leur retour au pays, il n’y a eu aucune conférence de presse pour expliquer l’importance et les aboutissements positifs de ces déplacements. Ce qui constitue un manque d’égard envers la population. Car c’est quand même l’argent des contribuables qui a financé ces voyages.

Le peuple veut du concret et du tangible. Et n’a que faire des belles promesses. Qui ne rempliront pas le creux de son ventre. Beaucoup ont faim ici. Et le clinquant et le luxe de Dubaï n’arriveront pas à assouvir ceux qui appellent au secours.

Au lieu donc d’aller se la couler douce, la plupart de ces ministres auraient dû prendre le rapport de l’Audit à bras-le-corps. Et voir comment « tackle » le problème du gaspillage dans la fonction publique. D’ailleurs, on n’a entendu aucun ministre s’émouvoir du contenu de ce document. Comme si ce qu’a révélé le Directeur de l’Audit n’était que « dilo lor bred sonz ».Et pourtant, il fallait y accorder la plus haute des attentions. Car, cela fait des années maintenant que le gaspillage est « normalisé » au sein de la fonction publique.

L’arète du poisson Dubaï ne passe donc pas au fond de la gorge. Il y a difficulté à avaler ce qu’auront coûté ces voyages aux contribuables. À la présentation du prochain budget, quand Renganaden Padayachy demandera à la population de faire des sacrifices, est-il certain que ce message passera comme une lettre à la poste ? Ou bien, cette dichotomie entre la parole et l’action, coûtera-t-il cher un jour, aux municipales par exemple ?

Les élections générales ne sont que pour l’an 2024. Soit dans deux ans. Mais Pravind Jugnauth sait très bien qu’une telle échéance se prépare bien à l’avance. Et sur le terrain, ici. Il n’est pas dupe pour risquer son poste, en alignant des hommes peu performants et sans bilans conséquents.

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