April 24, 2024
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Politique

Raj Pentiah (démissionnaire du Ptr) :« Je regrette d’avoir cru dans le volume de mensonges de Navin Ramgoolam »

Regret et déception-tels sont les deux mots qui animent Raj Pentiah, démissionnaire du parti Travailliste à la veille du nomination day en novembre 2019. Ayant cru dans les paroles de Navin Ramgoolam il a refusé de prendre un poste de juge à la Haute Cour des Seychelles. Dans l’interview qu’il a accordée à Ali SAYED-HOSSEN à son étude, il affirme : « je regrette d’avoir cru dans le volume de mensonges de Navin Ramgoolam et je suis déçu par son attitude ». Pour lui, le parti des rouges n’ira pas loin aussi longtemps que Navin Ramgoolam s’agrippe au poste de leader. Pour lui, Navin Ramgoolam est un danger imminent pour la démocratie de ce pays

Vous avez une longue carrière dans le judiciaire à Maurice. Qu’est-ce qui vous a poussé vers la politique active?

Avant de vous répondre quant à ce qui m’a motivé vers la politique, permettez-moi de vous retracer ma carrière dans le judiciaire à Maurice. D’abord je vous dirai que je n’ai pas étudié seulement le droit. Outre mon LLB, j’ai aussi fait mon LLM. En sus de mon Masters en Droit, j’ai aussi étudié la psychologie et l’Administration. J’ai parallèlement suivi un cours en Nursing. Après toutes ces années d’études je suis retourné à Maurice pour soutenir ma famille. Je dois dire ici que je suis l’aîné de cinq enfants appartenant à une famille humble qui a connu une mobilité sociale dans les études et dans des sacrifices. Nous sommes une famille qui puise sa force et son principe de vivre dans sa croyance en Dieu.

A mon retour à Maurice, j’exerçais dans le privé et en même temps j’ai eu une offre auprès de l’université de Maurice pour dispenser des cours en droit administratif. Un beau jour j’ai été convoqué par le chef juge d’alors pour me demander de me joindre au State Law Office (SLO). Je lui ai alors fait comprendre que j’avais un engagement vis-à-vis des étudiants de l’université de Maurice et que je ne pouvais pas m’y joindre tout de suite. Une fois terminé avec mes cours à l’université de Maurice, j’ai pris l’emploi au SLO. Là j’ai travaillé en étroite collaboration avec Ajit Boolell et j’ai côtoyé des juges comme Bushan Domah ou encore Bobby Madhub. Après un certain temps, le chef juge m’a convoqué à nouveau pour me faire savoir que le judiciaire a besoin de quel qu’un à la magistrature de Port-Louis.

J’ai donc été nommé magistrat en Cour de Port-Louis avec une responsabilité additionnelle de la magistrature de Rodrigues. Pendant un an je faisais le va-et-vient entre Maurice et Rodrigues et cela à un rythme de quinze jours. A cette époque la Cour siégeait que chaque quinzaine à Rodrigues. Alors que Rama Valayden était au poste d’Attorney General, il vint un jour me rendre visite en compagnie de Serge Claire, le commissaire à Rodrigues. Je dois dire ici que Serge Clair est une personne qui se veut être en contact avec tout le monde et que rien ne lui échappe. Il était donc au courant de la façon dont j’administrais la Cour de Rodrigues. Lors de cette rencontre avec Rama Valayden, j’ai demandé que la Cour siège tous les jours au lieu deux fois par mois. D’autant plus que le nombre de cas qu’il y a à Rodrigues excède par deux fois le nombre de cas qui se tiennent en deux jours à Maurice.

Depuis il y a eu un « full time magistrate » qui siège à Rodrigues. Denis Mootoo a été le premier magistrat à y siéger en plein temps. Entre temps j’ai été nommé presiding magistrate à la Cour de Rose-Hill et j’avais sous me charge les magistrats Kevin Moorghen, Sudesh Callychurn (l’actuel ministre du Travail) et Adiilah Hamuth, entre autres. J’ai été le premier magistrat à avoir visité le RYC, là où les mineurs sont envoyés pour être corrigés. J’ai ensuite été posté en Cour de Flacq. Et c’est là que tout va changer….

En quel sens ?

Je m’explique. Le 7 novembre 2014 j’ai reçu un appel du Bureau du Premier ministre. On m’informa que le Premier ministre souhaiterait me parler (Ndlr : c’était Navin Ramgoolam qui était Premier ministre). À sa demande, j’étais allé le voir. Il m’a parlé pendant plus d’une heure. Au centre des discussions : il voulait me convaincre de me lancer dans la politique active. Je lui ai alors fait comprendre que j’ai trois enfants en bas âge et qu’en plus je ne pouvais pas laisser une carrière dans le judiciaire en un claquement de doigt alors que j’étais en liste d’attente pour devenir juge. Autre raison que j’avais avancée c’était que j’avais des cas en suspens.

Il m’a dit en substance : « pas tracasse to carrière jamais mo pas pou laisse toi tomber et mo besoin ene kiken de to calibre avec moi…. ». C’est alors qu’il m’a dit qu’il souhaiterait que j’apporte mon support au No 7 car cette circonscription lui semblait difficile. Il a insisté que je lui donne une réponse tout de suite. Je lui ai alors dit qu’il fallait que j’y pense avant de m’engager. Il m’avait alors accordé jusqu’au lendemain matin à 9h, soit le 8 novembre pour lui donner une réponse. A mon retour à mon bureau, j’en ai parlé au chef Juge Keshoe Parsad Matadeen pour rechercher son avis. Celui-ci m’a fait comprendre que la décision est entre mes mains en me rappelant que j’ai une brillante carrière dans ma profession.

Le lendemain, à 11h15 j’ai soumis ma démission dans le judiciaire et à 11h35 Navin Ramgoolam annonça publiquement mon adhésion au sein du parti Travailliste ainsi que ma candidature dans la circonscription No 7 pour les élections de 2014. Malheureusement je n’ai pas été élu lors de ce joug électoral. Pis encore : j’ai été arrêté par la police sous une charge d’avoir fait jouer un CD alors que là où la soi-disant offense avait été commise il n’existait aucun moyen de faire jouer un CD. Finalement l’affaire a été rayée. Vint ensuite le fameux épisode de Navin Ramgoolam en février 2015. Malgré que j’aie pris la décision de prendre ma distance du parti Travailliste, je suis retourné pour soutenir le leader des rouges. Il n’y avait que 15 ou 16 personnes qui étaient là pour le soutenir.

Navin Ramgoolam prit alors la décision de m’admettre dans la Bureau Politique (BP). Le leader me demanda alors de commencer à travailler dans la circonscription No 7. À la première réunion que j’avais tenue après les élections de 2014 à Roches Noire il n’y avait qu’une dizaine de personnes. J’ai fait un travail de fourmi pour reviver la circonscription No7. Dans le temps, le No7 a été la plus vivante et la plus mobilisée. J’ai été présent sur le terrain et j’ai été à l’écoute de tous les habitants de chaque coin et chaque recoin de cette circonscription. Littéralement je contrôlais cette circonscription…..

Que s’est-il passé pour la partielle au No 7 ?

 Effectivement, avec la démission de Vishnu Lutchmeenaraidoo au sein de cette circonscription, on était prêt à affronter le MSM. Shakeel Mohamed devait dire lors d’une réunion du BP que c’est moi Raj Pentiah qui devrais être candidat. On connaît la suite. Anil Baichoo a été choisi pour briguer le suffrage lors de cette partielle. Cela ne m’a pas découragé pour autant. Je dois dire que j’ai été le premier à faire du micro-politics. Il existe 17 écoles de vote dans la circonscription No7, j’ai collecté des informations sur chaque centre de vote avec les noms des électeurs ainsi que les rues et les ruelles de chaque section du No7. J’ai institué 17 sous-comités constitués de plusieurs personnes pour travailler chaque pouce de terrain. Par respect pour le leader des rouges j’ai organisé une rencontre avec les dix personnes en charge de chaque sous-comité afin qu’il soit mis au courant de l’évolution du travail. Au vu de cette organisation, Navin Ramgoolam a pris l’engagement que je serais candidat aux élections de 2019.

Pourquoi avez-vous choisi le Ptr ?

 Parce que j’ai cru dans cette politique de corriger l’injustice. Je me suis adhéré au sein du parti Travailliste pour aider les petites gens et j’ai pensé que l’occasion de le faire était présente au sein du PTr. Et une fois j’ai dit à Navin Ramgoolam : « let us do it as your father ». Mais je suis déçu de Navin Ramgoolam. Pour venir aux dernières élections, je dois vous dire qu’à la veille du nomination day, à 20h30 j’étais candidat. Mais à 22h25 je n’étais plus candidat. Je vous livre là ce que Navin Ramgoolam m’avait dit : « Raj politique sa, comprend. Mo bizin toi pou gagne élection la bas. To pas pou perdi toi… ». J’ai catégoriquement refusé d’apporter mon support à ses candidats en m’excluant de la liste.

Je lui ai même lancé un défi de remporter les élections sans moi. Par contre, je lui garantissais une victoire de 3-0 si j’étais candidat. Il m’a dit qu’il comprenait ma frustration et que la nuit porte conseil. Il devrait me parler le lendemain matin. Je lui ai alors fait comprendre que je ne suis pas frustré mais que je suis déçu. Je lui ai aussi dit que si en tant que leader d’un parti politique il ne pouvait pas me rendre justice, comment pouvait-il rendre justice à un peuple ! « Ou pe kouyonn sa lepep-la », lui-ai-je lancé. C’était à ce moment précis que j’ai écrit ma lettre de démission de toutes les instances du parti Travailliste.

Le lendemain Patrick Assirvaden m’avait appelé. En voici la teneur de cette conversation : « Mo reconnaitre parti ine faire erreur contre toi. Moi mo présente toi mo excuse ». L’ayant l’informé de ma démission de toutes les instances et que je serais candidat en indépendant, il devait me dire : « pas faire sa, nous fine fauter mais pas fauter toi aussi en donnant sa victoire la aux adversaires…mo pou faire leader cause avec toi ».

 Votre appréciation sur la vision du Ptr en tant que parti politique et celle de Navin Ramgoolam ?

 Après que Navin Ramgoolam eut réuni son BP, il annonça la révocation de cinq personnes, dont moi. Là je réagis. D’abord parce que cela démontre qu’il est inapte et incapable de prendre une décision rationnelle. Lui qui crie haut et fort qu’il y a eu maldonne, alors qu’il expulse une personne qui a déjà démissionné de toutes les instances de ce parti. Cela démontre aussi le désordre qui existe au sein de son administration et que personne ne sait de ce qui s’y passe. Des décisions sont prises à base de palabre. Encore une fois Navin Ramgoolam patauge dans la démagogie interne en se basant sur l’esprit de vengeance et de règlement de compte. Le ridicule prime au sein de ce parti avec à la tête Navin Ramgoolam. La moindre des choses qu’il aurait dû faire c’est de s’enquérir sur ma démission, mais non sombrer dans le ridicule en m’expulsant alors que je ne fais plus partie d’aucune instance des rouges.

Tout cela démontre aussi son ingratitude eu mon égard. De 2014 à 2019 ma famille a énormément souffert à cause de mon temps que j’ai donné au parti Travailliste. Et là en 2020, il s’attaque à moi encore une fois alors que je ne suis même pas membre des rouges. Je ne dirai pas qu’il frôle le ridicule, il est simplement ridicule. Je ne suis ni en colère ni amer. Il inspire la pitié tout simplement. Navin Ramgoolam donne l’impression qu’il prend des décisions en tant que leader du parti et disons-le que le pTr a marqué l’histoire de ce pays. Cela me rend triste car ce parti mérite mieux. Je peux dire que c’est la spirale à l’envers et que la direction se dirigera droit vers le désastre avec Navin Ramgoolam à sa tête. Pourquoi je dis cela. Si une personne comme lui prend des décisions irrationnelles et ridicules en se basant sur les mauvais conseils de son entourage sélectif, il est un danger imminent pour la démocratie de ce pays.

La raison : si un parti sous un tel leadership prend le pouvoir, avec ce gouvernement qui prend des décisions irrationnelles et injustes en se basant sur des conseils d’un groupe sélectif, ce n’est pas cinq personnes qui souffriront mais c’est le pays dans son ensemble qui souffrira. Un parti politique a la responsabilité de mettre à sa tête un leader responsable, discipliné, juste, équitable et qui inspire la confiance pour que justice à l’intérieur comme à l’extérieur soit un symbole d’avenir. Je ne me prononcerai pas sur le fait si oui ou non le PTr a un leader de ce calibre. Je laisse le soin au public de tirer sa propre conclusion. Et que le parti assume sa responsabilité.

 Navin Ramgoolam a-t-il changé ?

 Navin Ramgoolam donne l’impression d’avoir changé. Non il ne l’a pas. Il y a un dicton anglais qui dit : ” Leopards never change their spots… Allez comprendre”. Navin Ramgoolam et ses acolytes rapprochés comme Anil Baichoo mettent en danger l’avenir de ce parti. Parce que le peuple veut voir une nouvelle façon de faire et de voir la politique autrement.

Votre avis sur la question de pétitions électorales ?

Je ne vais pas me substituer aux décisions de la Cour. Cependant je pense quelque part que des démarches sont faites sur base de mauvaise foi. A titre d’exemple : comment peut-on demander un recount dans une circonscription où l’écart entre le troisième et le quatrième candidat est de plus de 2 000, voire même 3 000 voix dans certains cas. En plus ils parlent de bribe électorale au No 8 sur cette affaire d’augmentation dans les prestations sociales.

Cet élément fait partie du manifeste électoral du parti adverse. Le parti Travailliste n’avait-il pas dit qu’il donnerait Rs 15 000 aux pensionnaires ? Il s’agit là d’un item se trouvant dans le manifeste électoral comme un projet et c’est tout à fait normal. En ce faisant, on ne fait que d’attaquer, d’une part, le gouvernement de ce pays et la commission électorale de l’autre. Alors nous ne devons pas oublier que la commission électorale de notre pays a une reconnaissance internationale et jouit d’une bonne réputation.

 Il existe une perception que le PTr ne peut être que Navin Ramgoolam et vice-versa.

 Comment ce groupe de cinq compte le déboulonner ? Le groupe de cinq, comme vous le dites, n’est pas là pour déboulonner Navin Ramgoolam. Par coïncidence, ce n’est ni quatre ni six. C’est cinq. Cinq comme cinq doigts qui forment un coup de poing. Nous sommes contre cette ridicule voie vers laquelle se dirige le parti Travailliste avec à sa tête Navin Ramgoolam. Nous le disons sans gêne : ni le parti Travailliste encore moins le pays n’ira loin sous Navin Ramgoolam. Nous le groupe de cinq nous disons tout haut ce que pensent tout bas les autres qui n’osent pas lever leur voix. Nous disons qu’il faut donner un nouveau souffle au parti des rouges mais non rester dans la stagnante attitude avec le groupe qui ne fait que nuire à l’image de ce parti. Si Navin Ramgoolam pense qu’il faut refaire le parti Travailliste qu’il le fasse comme un vrai leader. Qu’il honore ce parti. Qu’il dirige ce parti à la façon dont Ramgoolam père l’avait dirigé.Cependant je doute qu’il le fera et au fait il se déboulonne par lui-même.