April 25, 2024
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Politique

Ramgoolam souffrant, tout en suspens

Dans l’affaire de la pétition électorale logée par Navin Ramgoolam contre les élus de la majorité gouvernementale appelée ce mardi 8 février en Cour suprême, le Senior Counsel Gavin Glover a informé les juges que le leader du Parti travailliste est souffrant, d’où son absence comme certifiée par le cardiologue Nizam Domah. Le procès a donc été renvoyé et tout dépendra désormais de la santé et de la disponibilité du plaignant. Ce dernier conteste l’élection des trois candidats de l’Alliance Morisien, en l’occurrence les ministres Bolah et Hurdoyal et le Deputy Speaker Nazurally.

Depuis sa récente rencontre avec Paul Bérenger qu’il avait qualifié de cordiale et lors de laquelle ces deux leaders ont passé en revue la situation politique et le besoin d’unir tous les partis de l’opposition pour confronter le régime actuel, on aurait cru que le Dr Navin Ramgoolam s’était remis complètement de ses ennuis de santé. Et qu’il avait complété sa période de convalescence à la satisfaction de ses médecins traitants. Or, en Cour suprême, hier, son avocat a présenté un certificat médical du Dr Nizam Domah sans préciser quand son client pourra venir déposer. Tout laisse croire que l’ancien Premier ministre aura besoin d’au moins de quelques semaines de repos avant toute apparition publique. Cette année 2022 sera très probablement celle des élections municipales, renvoyées à plus d’une reprise en raison de la situation sanitaire dans le pays causée par la Covid-19. Tout le monde s’attend à voir la nouvelle configuration dans le camp des opposants car si les cinq partis, nommément le PTr, le MMM, le PMSD, le Ralliement Mauricien et le Reform Party s’unissent pour contester ce scrutin, la répartition des investitures dans les cinq villes sera sujette à de longues discussions et à des concessions de part et d’autre. D’autres questions et attributions feront également l’objet d’intenses négociations entre les cinq partenaires, mais ce sont les trois principales composantes de cette grande alliance qui voudront chacun une part raisonnable de leur force de frappe en régions urbaines. Déjà un gros macadam car les données ne sont plus les mêmes et encore moins les enjeux quand l’on sait que les législatives se tiendront en 2024.

La santé du Dr Ramgoolam doit beaucoup préoccuper les travaillistes car sans le charisme et l’expérience de leur leader, ils n’ont pas encore identifié son remplaçant en cas de force majeure. Arvin Boolell peut bien être le chef de file du PTr au Parlement, mais on le voit mal remplir le rôle de son aîné avec la même poigne. Au sein de l’équipe rouge, le premier député de Belle-Rose/Quatre-Bornes est capable tout juste de seconder Navin Ramgoolam sans être en mesure d’avoir la même fermeté et la capacité de négocier judicieusement. Parmi les autres prétendants au profil de leadership, le néophyte Damree et le député Ramful n’ont pas encore cette étoffe et beaucoup pensent qu’après Ramgoolam, ce sera le déluge car valeur du jour, personne n’a émergé comme son véritable successeur.

C’est pourquoi ce n’est pas un non-sens d’affirmer que sans Navin Ramgoolam, en raison de son état de santé, tout est en attente. À moins qu’il ne soit en mesure de donner des ordres dans quelle direction diriger la barque rouge, on voit mal les négociations au sein de la plateforme de l’Espoir avancer à sa satisfaction en son absence. Le leader travailliste n’est pas du genre à avaler les couleuvres ou les diktats de Bérenger ou de qui que ce soit. Il s’est toujours montré ferme en négociant avec le MMM ou le PMSD. Il l’a prouvé en 1995 et même en 2014, avec l’usure du pouvoir et l’impopularité de sa troupe, au pouvoir depuis 2005, il avait pu casser un éventuel mariage entre Sir Anerood Jugnauth et Paul Bérenger. Il était parvenu à s’allier aux mauves, mais les urnes trancheront en faveur de l’Alliance Lepep.

Quand Navin Ramgoolam est souffrant et ne peut se présenter en cour pour soutenir sa pétition électorale, les signaux sont clairs. Il devra forcément observer un long repos avant de pouvoir reprendre ses activités politiques, aussi minimes soit-elles. Si c’est son cardiologue qui a justifié son absence, la plus grande prudence doit être de mise quand l’on sait que l’ex-chef du gouvernement a connu une fin d’année en complète retraite suivant son traitement en urgence en Inde après une contamination au coronavirus. Le Dr Ramgoolam n’a plus la force et la verve de ses premiers mandats. Il confiait, dès son retour de la Grande Péninsule, qu’avec la Covid-19, il avait vu la mort en face et que c’est une deuxième vie que le Bon Dieu lui a gratifiée. Sans doute pour qu’il soit encore au service de ses compatriotes.

Le Dr Navin Ramgoolam, faut-il le reconnaître, compte de nombreuses réalisations à chaque fois qu’il a dirigé le gouvernement avec ses alliés, qu’ils soient le MMM, le PMSD ou le MSM. Son souci de consolider l’Étatprovidence, d’avoir une vraie et véritable considération pour les plus démunis, de moderniser le pays et ses institutions, d’approfondir la démocratie et son respect pour toutes les composantes de la nation mauricienne et pour la culture de chacune ont toujours dicté son programme gouvernemental. Il a beaucoup soutenu les idées et les initiatives pour protéger les femmes et les enfants et promouvoir la jeunesse. Ceux qui l’ont côtoyé de près reconnaissent son humanisme, son sens du devoir et sa capacité d’écoute pour corriger les injustices et les inégalités. En lui, les travaillistes ont investi toute leur confiance pour qu’il ait carte blanche de négocier et discuter dans l’intérêt du parti et du pays chaque fois qu’il a fallu qu’il intervienne, eu égard son expérience et sa maturité. Et puis, sur le plan de la diplomatie et des contacts internationaux, Navin Chandra Ramgoolam a su émuler le regretté Sir Gaëtan Duval pour l’avancement de nos différents marchés, de la zone franche et de l’industrie touristique.

Sachant qu’il peut encore être utile au pays pour l’avoir dirigé de main de maître, nous souhaitons bon courage et un prompt rétablissement à Navin Ramgoolam. Ce distingué monsieur de la politique locale doit être dans les pensées et les prières de nombreux Mauriciens, tout particulièrement de la grande famille travailliste pour qui il restera une légende et une figure de proue qui a dignement succédé à son illustre père, feu Sir Seewoosagur Ramgoolam.