Ce lundi 26 juin 2023, le monde observe la Journée contre l’abus et le trafic de drogues. L’ile Maurice n’est pas épargnée par ce fléau, devenu un trafic très lucratif et lequel s’est étendu à toute l’ile. Et en dépit du combat sans répit des autorités afin d’enrayer ce fléau, il semble que les résultats concrets semblent encore très lents à apparaître, avec un certain lot de scandales récents. Selon les sources officieuses, le Drug Users Administrative Panel (DUAP), dans le cadre de la Dangerous Drugs (Amendment) act 2022 verrait le jour incessamment, avec pour objectif de permettre aux usagers de drogues, en cas d’arrestation et à la lumière de l’enquête policière de se voir proposer par le Bureau du Directeur des Poursuites Publiques, d’avoir droit à une cure de désintoxication. Le DUAL sera présidé par un juge à la retraite ou un avocat ayant au moins 15 ans de service au barreau.
L’ile de la Réunion
La situation concernant le trafic de drogues à l’ile Maurice s’est retrouvée singulièrement compliquée depuis qu’il a été admis que l’ile de la Réunion est aussi impliquée dans le réseau qui permet à de fortes quantités de drogue de pénétrer sur le territoire mauricien. Toutefois, après les révélations liées à l’affaire Franklin, des obstacles ont été observés quant à l’échange d’informations entre les autorités mauriciennes et celles de l’ile sœur. Cette affaire est aussi venue mettre en évidence la diminution de cas de drogues importées par des ‘mules’ venant d’Afrique au profit d’un trafic régionalisé. Quand bien même, les autorités locales souhaitent privilégier le combat en faveur de la prévention, il faudra combattre le trafic en amont, soit au niveau de l’importation et de ses agents et en aval, au niveau des dealers.
Car sans les dealers, qui agissent le plus souvent dans leurs quartiers, le trafic n’aura pas de relais, ce qui serait un obstacle pour son écoulement et donc point de retour sur investissement pour les trafiquants. Mais comme nous l’avons fait ressortir dans un récent article, la population ne se sent pas suffisamment protégée pour pouvoir identifier et dénoncer ces dealers qui souvent opèrent devant leurs portes. Certains soupçonnent que des dealers ont des complices dans des postes de police de leurs quartiers respectifs. Cette situation est inquiétante puisqu’elle montre que la population s’est résignée devant l’ampleur que prend le trafic de drogues à Maurice.
Dépendance
L’autre face du trafic des drogues est la dépendance qu’elle entraîne et les conséquences de celle-ci sur la famille et les couts qu’elle implique pour l’État en termes de traitements. La dépendance peut être un combat sans fin et douloureux pour les usagères et les usagers de drogues – une étude à Maurice a démontré la féminisation et le rajeunissement dans la consommation, à ce propos, qui voient leurs souffrances inutilement exacerbées s’ils n’ont pas accès à des soins données factuelles ou s’ils sont victimes de la discrimination. Par ricochet, l’usage des drogues a aussi des répercussions sur les familles, parfois pour plusieurs générations, ainsi que sur les amis et les collègues. L’usage de drogues peut être aussi dangereux pour la santé physique et mentale et il est particulièrement nocif au début de l’adolescence. Les marchés illicites de la drogue sont liés à la violence à d’autres formes de criminalité. Les drogues peuvent prolonger ou entretenir les conflits, dont les effets déstabilisateurs ainsi que les cours sociaux et économiques compromettent le développement durable. Régulièrement, à ce propos, la presse rapporte des cas d’agression sur les seniors par des proches en quête d’argent pour se procurer leur dose quotidienne.
Un fait reste alarmant : le trafic de drogues n’est pas en recul dans le monde. En effet, selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, faisait observer dans son rapport 2022- auquel a participé Corceal Sewraz pour l’ile Maurice ) que « la production de cocaïne est à son plus haut niveau et les saisies d’amphétamines et de méthamphétamines atteignent des records. Les marches de ces substances s’étendent à de nouvelles régions vulnérables (…) les comportements d’usage nocif ont probablement augmenté durant la pandémie. Par rapport aux générations précédentes, les jeunes sont plus nombreux à faire usage de drogues. Les personnes qui ont besoin d’un traitement n’y ont pas accès, surtout les femmes. »
Drogues de synthèse
Dans son World Drug Report 2023, l’office des Nations unies contre la drogue et le crime s’alarme au sujet des drogues de synthèse : « La production peu coûteuse, rapide et facile » des drogues de synthèse a profondément transformé de nombreux marchés dans le monde. » L’agence onusienne pointe des « conséquences désastreuses » et craint que la production de telles substances augmente encore à l’avenir. « Par rapport aux médicaments d’origine végétale, certaines drogues synthétiques permettent de réduire davantage les risques et les coûts opérationnels auxquels sont confrontés les acteurs criminels », peut-on lire dans le rapport onusien de 2023. La fabrication fait appel à des produits chimiques qui, pour certaines drogues de synthèse sont facilement disponibles ou substituables, et les méthodes de synthèse améliorées peuvent réduire l’échelle ou la nature de la fabrication, augmenter les rendements ou conduire au développement de nouveaux composés plus puissants que les drogues traditionnelles ou qui échappent aux contrôles et aux capacités de détection existants. « En outre, les fournisseurs peuvent tirer profit de la transformation ou de la distribution de médicaments synthétiques par exemple des comprimés, qui peuvent être attrayants pour les nouveaux utilisateurs ou ceux qui sont réticents à l’injection », font observer les auteurs du rapport.
Faiblesse de l’état de droit
Le rapport de l’ONU en 2021 concluait que l’économie illicite de la drogue peut prospérer dans les situations de conflit en cas de faiblesse de l’état de droit et ainsi prolonger ou entretenir les conflits. Par ailleurs, il avait établi que le trafic des drogues par voies navigables, principalement dans des conteneurs d’expédition, augmente et représente près de 90 % de la cocaïne saisie dans le monde en 2021. L’étude établissait quatre mesures envisageables :
(i) Intégrer les politiques antidrogues dans la résolution des conflits et la consolidation de la paix, ainsi que dans la gestion des crises et de la faiblesse de l’état de droit,
(ii) Encourager la réalisation d’enquêtes plus complexes et plus approfondies sur la criminalité transnationales (avec La Réunion, en ce qui concerne l’ile Maurice), afin de mettre au jour et de démanteler les flux financiers qui y sont liés et qui autrement pourraient entretenir le conflit,
(iii) Surveiller les situations de conflit pour détecter les nouvelles menaces liées aux drogues, par exemple la fabrication de drogues synthétiques en Ukraine et
(iv) Renforcer l’échange d’informations et les capacités des services de détection et de répression afin de prévenir les difficultés résultant des situations de conflit et d’en venir à bout.