May 3, 2024
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Opinion

Édito – Posons les bonnes questions !

Trois personnes âgées, violemment et mortellement agressés. Les uns ont pointé du doigt le gouvernement et la police. Et les autres, les drogués. Il est vrai que la population ne se sent  plus en sécurité, ne se sent plus sécurisée par sa police. Dont les éléments sont payés pour assurer la protection des Mauriciens. Mais ce ne sont ni le gouvernement, et encore moins la police, qui disent aux malfrats d’aller tuer des gens.

Le crime est un élément qui dépasse la sphère d’influence de ces deux instances. Mais c’est certain que si le Commissaire de police mettait plus d’intensité dans la lutte contre le crime, au lieu de se concentrer sur des combats  de longue haleine contre le Directeur des Poursuites Publiques, la mise au pas des bandits serait devenue plus facile.

Cela dit, pourquoi tue-t-on de plus en plus à Maurice, et même à Rodrigues, où des crimes sordides ont aussi été commis ? Sans aucunement excuser les criminels, est-ce parce qu’il y a un dénivellement dans notre société, certains pouvant s’acheter  une villa à Rs 600 millions, alors que d’autres n’ont rien à se mettre sous la dent ? C’est un fait aujourd’hui : Malgré toutes les mesures possibles prises par le gouvernement, salaire minimal, augmentation de pension aux retraités, veuves, orphelins, et bientôt augmentation salariale, il y a encore des Mauriciens qui peinent à entrer dans le compartiment du développement.

En parlant de développement, nous avons un nouveau pont à  Sorèze, le métro, des gratte-ciels un peu partout, des centres commerciaux, etc. La face de notre pays a amplement changé. Mais il faut aussi accepter que l’on ne prenne  pas assez en compte ceux dont le ticket de voyage n’est plus composté. Dans une société qui, année après année, et sous tous les régimes !, préfère investir pour une poignée de  lauréats, et non pour TOUS les étudiants, il est clair que nous récoltons aujourd’hui les « fruits » d’un système inégal.

En fait, l’inégalité ne doit pas devenir la norme. Et s’il faut le répéter, l’île Maurice n’aurait jamais dû avoir de pauvres, si la pauvreté était « tackled » comme il se doit. Prenons le cas de cette mère qui avait vendu  sa fille de 4 ans à ce Népalais. En temps normal, cette fillette aurait dû se trouver dans une école maternelle. Et je compare ce cas à ce qui est arrivé, en France, à l’actrice Judith Godrèche, qui dit avoir subi des agressions sexuelles de la part d’un cinéaste.

Elle disait avoir 16 ans à l’époque.16 ans, l’âge où elle aurait dû plutôt se trouver en école. Aux Etats-Unis aussi, des enfants ont subi les mêmes outrages dénoncés par l’actrice. En fait, un phénomène récurrent, dont sont victimes les enfants. Souvent poussés à devenir « acteurs » de société voyeuristes, Tiktokés à l’extrême.

La maman de cette enfant de 4 ans n’avait pas à vendre sa fille. Mais si on explique tout à partir du bureau d’un ministère, d’un poste de police ou devant l’écran d’un ordinateur, on passe souvent à côté des problèmes qui surgissent sur le terrain. Il y a aussi le cas de cette fille de 14 ans, à qui sa voisine propose d’aller coucher avec des hommes, contre argent. On a envie de demander : »Kot so mama, so papa ? » Peut-être qu’elle n’en a pas. Et à 14 ans encore, elle aurait dû être en milieu scolaire. Kifer in aret lekol ? Akoz pena manze pou amene ? L’école, c’est juste les lauréats ? Kisanla pe dimande « be ki plas ena pou dimoun mizer dan lekol ? »

On peut élaborer à satiété. Mais il faut surtout se poser les bonnes questions, et ne pas se poser en juge. S’il y a prolifération de vols un peu partout dans l’île (nous en avons parlé dans un édito), et que de plus en plus de Mauriciens se font justice, kifer dimoun pe kokin ? Par vis ? Parski bizin kas pou droge ? Ou parce que le développement n’arrive toujours pas dans certaines régions ?  Bien entendu, mizer me onet, mais comment bouillir la marmite ? Que faire quand le tonnerre gronde dans son ventre ? Et que les prix connaissent une hausse vertigineuse dans les supermarchés ?

Et au fait, qui a accès à ces commerces ? Komie dimoun zordi kapav met lipie dans sipermarse, dan sant komersial ? En fait, beaucoup n’y vont plus, faute d’argent. Il y a un réel déséquilibre dans notre société. Et c’est le devoir et la responsabilité de l’Etat (nous n’accusons pas ce gouvernement, ni ceux l’ayant précédé, mais tous les politiciens doivent se sentir concernés) de veiller à ce que ceux d’en bas, les démunis, les nécessiteux, ne se sentent pas largués en gare, quand passe le train du développement.

Nous sommes en campagne électorale. Et si Pravind Jugnauth a déjà fait ses propositions et promesses, en face, on ne sait toujours pas ce que l’opposition parlementaire, et extra-parlementaire, prévoient pour notre société. La politique est affaire de remplacement ici, tir sann la la, met lot la, ok. Mais la sociologie est toute autre. Nous sommes-nous demandés pourquoi des jeunes filles de 11 à 14 ans ont déjà couché, deviennent mères, sont abandonnées par leurs conjoints, et deviennent des proies faciles pour la décadence ?

En d’autres temps, des chansons engagées, qui militaient pourtant pour une société juste et égale, furent interdites d’antenne. Aujourd’hui, des chansons parlant d’éclater lakaz baba, et des clips montrent des jeunes frimant avec des billets, sont joués  partout ! Sans que la police n’intervienne ! C’est de cette « évolution » qu’on veut ? C’est ça le « développement » à Maurice ? Ne pas s’étonner donc quand des jeunes pensent qu’il est plus facile de tuer que de faire l’effort d’aller travailler. S’ils ne se sentent pas pris en compte par la société, ils se retourneront contre elle. C’est la logique sociologique.

D’un côté Gated Community, et de l’autre Cité Porno. Aucun des deux n’auraient dû exister. Mais quand on laisse les riches s’entourer de hauts murs, et qu’ils regardent les autres de haut,  la tension est inéluctable avec les gueux. Il ne faut jamais montrer les signes extérieurs de richesse, surtout si on vit dans une société à multiples vitesses. Tous les riches ne sont pas cupides et égoïstes. Et aucun d’entre eux ne méritent la mort à cause de leur classe sociale. Mais les pauvres aussi ont droit à la vie. Et s’ils estiment que leur temps de vivre est limité, ils tombent alors dans les excès qui mènent aux fléaux sociaux : Drogues, vols, crimes.

Posons les bonnes questions :Traquons-nous suffisamment les trafiquants de drogue, alors qu’il n’y a jamais de pénurie ici, comme le dit Ally Lazer ? L’ICAC fait-il vraiment le travail attendu de lui, concernant les crimes à col blanc ? Et si un policier qui vole un Playstation est juste transféré, quel message passe-t-on aux voleurs ? Posons les bonnes questions. Ne pas juste trouver des boucs-émissaires. Ce n’est qu’ainsi que nous parviendrons à éviter la mort à d’autres personnes !

 Sedley Assonne

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